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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Edward Cornwallis
CORNWALLIS (Edward) (1713-76), baron, colonel, député, gentilhomme de la Chambre du roi, gouverneur en chef, capitaine général et vice-amiral de la Nouvelle-Ecosse, major-général et gouverneur de Gibraltar.
Le sixième des enfants de Charles, quatrième baron de Cornwallis, il naquit à Londres, le 22 février 1713; son frère jumeau, nommé Frédéric, devint archevêque anglican de Cantorbéry en 1768. Gentilhomme de la Chambre du roi, colonel en 1749, député du comté d'Eyre aux Communes, il fut nommé (mars 1749) par le ministre du Commerce, lord Halifax, « le père des colonies », gouverneur en chef, capitaine général et vice-amiral de la Nouvelle-Ecosse.
Parti le 14 mai d'Angleterre avec 14 navires portant un groupe d'émigrants (2.576 en tout), dont un tiers Irlandais, un quart Allemands et environ « 1.000 femmes et enfants », il aborda à Chibouctou, le 2 juillet suivant. Ses instructions étaient très étendues. Elles révèlent la politique d'occupation militaire préconisée par Mascarène et les principes de dénationalisation et d'apostasie chers à Shirley. La même influence se retrouve dans la proclamation que Cornwallis adresse, le même jour, aux « Français habitués dans cette Province». Elle condamne les Acadiens à végéter sur leurs propriétés devenues trop étroites, à ne commercer qu'avec les Anglais, à prêter dans un délai de trois mois un nouveau serment, sans aucune réserve, malgré les objections du conseiller, Paul Mascarène. Trois délégués Acadiens vinrent offrir au gouverneur leurs hommages de fidélité; ils furent reçus au Conseil réuni à bord du transport, le Beaufort, et eurent l'ordre immédiat de communiquer la formule de prestation du serment. Le 29 juillet, ils revinrent avec dix autres délégués : on leur refusa au Conseil l'exemption de porter les armes, sous peine de perdre, le 15 octobre, la possession de leurs immeubles. Le gouverneur convoqua aussitôt les abbés Desenclaves, Chauvreulx et Girard, qu'il chargea de ramener leurs ouailles à l'acceptation définitive de l'allégeance absolue. Tous les Acadiens optèrent pour leur exode en terre française : ce qui étonna et irrita fort Cornwallis, qui en écrivit à Londres.
Sur les entrefaites survint un prêtre canadien, M. Brassard, envoyé en mission par l'évêque de Québec : il reçut du Conseil l'ordre de quitter la Province incontinent. Pour mieux intimider les habitants, le gouverneur envoie le capitaine Goreham et ses Rangers (métis indiens) occuper Piziguit et faire expédier d'Annapolis une centaine d'hommes aux Mines (11 octobre 1749). Enfin pour les mieux contenir, il les emploie à faire une route militaire de 18 pieds de large entre les Mines et Halifax. Les nouveaux députés, élus le 11 octobre selon la coutume, ne furent reconnus que le 22 du mois « parce qu'ils pouvaient dans l'état actuel être utiles ». Et l'hiver approchant, Cornwallis se tint calme, sans avoir jusque là rien obtenu de ses projets draconiens. « Tout irait bien, prétend-il, sans la bande scélérate des prêtres français. » Le 27 novembre, en effet, les [Indiens] de l'abbé Le Loutre surprirent les troupes et firent prisonniers 18 hommes et un officier : en guise de représailles, M. Girard, curé de Cobequid, et quatre paroissiens sont emmenés captifs à Halifax et la tête de l'abbé Le Loutre est mise à prix, pour 50 livres sterling. Le 13 janvier 1750, la somme est portée à 100 livres : mais le missionnaire se retire avec ses Indiens dans l'Acadie française.
Au printemps de 1750, Cornwallis écrit qu'il suivra les instructions concernant le serment, mais qu'il est d'avis que l'on n'exerce de pression sur les habitants, que lorsqu'on saura ce qui peut se faire à Chignectou et quels colons arriveront d'Angleterre et avec quels renforts; qu'il espère ériger un bon fort à Piziguit et qu'alors il exigera une réponse péremptoire ». Le 1er mars, il envoie le capitaine John Goreham s'y établir avec ses Rangers pour bâtir le fort avec la corvée des habitants. Le 19 avril, les délégués acadiens lui notifient leur départ « avec tous leurs effets » : il s'y oppose sur l'injonction du Bureau Colonial. Le 25 mai, nouvelle tentative et nouveau refus. Les mobiles du gouverneur ne sont pas difficiles à trouver; car la présence des Acadiens est encore un avantage matériel pour la Province : tel est l'avis du Révérend W. O. Raymond (V. Mém. Soc. Roy. Can., 1910). Le 4 septembre 1751, Cornwallis rassure le Bureau du Commerce en avouant un progrès dans l'attitude des Acadiens, surtout aux Mines et à Piziguit; qu'il ne serait pas avantageux d'y envoyer des colons protestants, mais opportun de leur signer « un congé général ». Il s'était plaint auparavant à l'évêque de Québec des agissements du clergé français et il demanda aussi des explications à M. de La Jonquière, qui lui fit de fermes réponses. Il résolut alors de bâtir le fort Lawrence, pendant que le chevalier de La Corne érige celui de Beauséjour. L'exode des Acadiens prit un grand essor sur les instances de M. Le Loutre qui présageait le dernier conflit: plus de 1.500 réfugiés furent entretenus par les fonds du Trésor royal.
Edward Howe, commissaire des troupes et conseiller, fut chargé par le gouverneur de négocier au fort Lawrence le retour des fugitifs, de conclure un traité avec les Sauvages pour la libération de leurs prisonniers : en octobre 1751, il fut blessé à mort par les balles d'un parti indigène. Mais le traité fut signé à Halifax en 1752. Cornwallis fut rappelé en octobre.
En janvier 1753, élu député de Westminster aux Communes, il fut réélu l'année suivante. Nommé major-général, il fut promu gouverneur de Gibraltar en 1762-65, puis en 1771, jusqu'à sa mort, le 23 janvier 1776. II avait épousé Mary, fille du vicomte Townshend, qui décéda sans postérité, en 1755.
Source : Louis LE JEUNE, «Edward Cornwallis», dans Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 433-434.
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Claude Bélanger, Marianopolis College |