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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia
Caughnawaga (Kahnawake)
CAUGHNAWAGA. Réserve de Sauvages iroquois, appelés jadis Iroquois du Saut-Saint-Louis, située sur la rive droite du Saint-Laurent en face de Lachine qui est dans l'île de Montréal : elle mesure une superficie de 12,327 acres. - Kahnawake : le saut ou rapide.
La mission iroquoise fut projetée, en 1667, par le Père Raffeix, Jésuite, qui rencontra sept Onneiouts venus de leur pays. Un seul, le chef Pierre Tonsahoten, était converti. Le missionnaire, qui ne possédait pas suffisamment leur idiome, les envoya à Lorette, auprès du Père Chaumonot qui les catéchisa. Dans l'été de 1668, la femme du chef et les cinq autres furent baptisés à Québec par l'évêque : lequel mit la mission projetée de Laprairie sous le vocable de saint François-Xavier.
Bientôt d'autres chrétiens iroquois des divers cantons vinrent s'adjoindre à ce noyau, de sorte que, en 1669, la Mission de Laprairie comptait 5 cabanes et 20 l'année suivante. En 1671, le P. Frémin succéda au P. Raffeix, qui alla évangéliser les Tsonnontouans, et établit dans la mission la confrérie de la Sainte-Famille. Deux ans après, le chiffre des convertis s'élevait à 300, que Mgr de Laval visita, en 1676, pour la confirmation de 80 personnes. La mission est désignée dans le catalogue des Jésuites sous les noms latins suivants : en 1668, Missio Iroquoerum prope Montem Regium (Mission des Iroquois près du Mont-Royal); en 1672, Residentia a Pratis, ou encore Residentia S. Fr.-Xaverii ad prata Sanctae Magdalenae (Résidence des Prairies ou de S. Fr.-Xavier des prairies de Sainte-Madeleine); et aujourd'hui les Sauvages l'ont appelée Kentake, la Prairie.
En juillet 1676, la mission était transférée à cinq quarts de lieue plus haut, sur le bord du fleuve, près de la rivière du Portage, le terrain étant plus propre à la culture du maïs et le voisinage des Français moins préjudiciable aux néophytes.
Et l'on bâtit une chapelle, la même année. Ce site fut illustré par les vertus et la sainte mort de Catherine Tekakwitha, venue du pays des Agniers en 1678, décédée le 16 avril 1680. Cette seconde mission, a été nommée : Kateri tsi thaiatat « endroit où Catherine fut enterrée ». En 1679, le Père Frémin fit un voyage en France, d'où il rapporta, l'année suivante, les titres de la concession du Saut, des meubles d'église, le maître-autel et l'ostensoir en vermeil qui servent encore aujourd'hui au culte. En 1683, un coup vent renversa la chapelle qui fut restaurée à neuf en 1684. La mission, en 1681, est désignée dans les registres sous le nom de Sancti Francisci Xaverii ad Saltum « Saint-Fr.-Xavier du Saut » et par les Iroquois du temps: Kahnawake, le Saut.
En 1689, environ 1,500 Iroquois païens fondaient à l'improviste sur l'île de Montréal, causaient le « Massacre de Lachine », répandant la terreur à Ville-Marie et aux alentours, avec le dessein de détruire la chrétienté du Saut, qui se réfugia à temps sous les canons de la ville : elle y demeura sept ou huit mois. Au retour, le Père Bruyas la construisit à une nouvelle localité; située à une demi-lieue plus haut que l'ancienne. C'était au pied du rapide, mais encore nommée alors Kahnawake (rapide) et aujourd'hui Kahnawakon, « dans le rapide », pour ne point confondre avec Kahnawake actuel, Caughnawaga. Les Français appelaient encore ce troisième poste « Le Sault » ou « Saint François-Xavier du Sault ». En 1696, nouvelle migration, nécessitée encore par l'appauvrissement du sol à une demi-lieue en amont du fleuve. Le P. de Chollennec la mit à l'endroit qui sépare aujourd'hui la paroisse de Laprairie de celle de Caughnawaga. Nos Iroquois contemporains l'appellent Kanatahwenke « on a enlevé de là le village ».
En 1712, la mission prend, dans les registres, le nom de : Ad Saltum Sancti Ludovici, « Saut Saint-Louis » : nom qui a remplacé sous l'ancien régime tous les précédents, nom encore officiel dans la province de Québec; nom mal orthographié par les Anglais en Caughnawaga au lieu de Kahnawake. Mais la culture est encore en souffrance dans ce site. En 1715, les autorités civiles et religieuses délibèrent sur un changement de local. En 1716, des familles sont établies sur l'emplacement actuel : la maison des missionnaires - la même aujourd'hui - y fut bâtie; l'église aussi, de 1717 à 1719. Le Père de Charlevoix y passa la quinzaine de Pâques en 1721 : « La situation, dit-il, en est charmante; l'église et la maison des missionnaires sont deux des plus beaux édifices du pays; et c'est ce qui fait juger qu'on a pris de bonnes mesures pour n'être plus obligé de faire de nouvelles migrations. »
Mgr G. Forbes, continuant l'exposé de l'historique, ajoute : « Outre les chrétiens iroquois des divers cantons qui se sont fixés à Saint-Louis du Saut à différentes époques, la population s'est accrue d'un certain nombre de prisonniers de guerre, amenés des Renards du Wisconsin en 1728, des Chicachas des Carolines en 1739, de la Nouvelle-Angleterre en 1704 et dans la suite. Les registres de baptême portent cette annotation « pris à la guerre ». Quant aux blancs également capturés, ils mentionnent : « Autrefois baptisés par les Anglais », mais sans indication de leurs noms patronymiques. C'est à ces derniers, pris en Nouvelle-Angleterre qu'il faut attribuer les noms qu'ils portent encore dans leur postérité, comme Tarbell, Rice, Williams, Jacobs, Hill, Stacey, MacGregor, etc. Tous ces captifs, sauvages ou blancs, subissaient l'influence du milieu, quant à la religion, à la langue, aux coutumes, devenant Iroquois et catholiques. D'ailleurs, une fois adoptés, ces étrangers étaient considérés comme faisant partie de la tribu, traités avec égards, devenant même chefs ou capitaines. « Aujourd'hui, en raison de ces mélanges, il n'est plus une seule famille purement iroquoise à Caughnawaga, bien que l'on n'y parle guère que l'iroquois. »
De 1667 à 1783, la mission a été desservie par les Pères Jésuites, environ 23 supérieurs; par les prêtres séculiers, de 1783 à 1855; par les Pères Oblats de Marie Immaculée, de 1855 à 1892; par les séculiers jusqu'en 1904; actuellement par les Pères Jésuites.
Source : LE JEUNE, L., « Caughnawaga », dans Dictionnaire Général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mours, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, 862p., pp. 329-330.
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Claude Bélanger, Marianopolis College |