Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Juin 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Louis Hennepin

1640-1705

 

[Pour la source de cette biographie, voir la fin du document].

HENNEPIN (Jean-Louis) (1640-1705), prêtre, Récollet, aumônier des troupes, mission­naire au Canada, découvreur, auteur de plu­sieurs ouvrages.

Jaspart Hennepin et Robertine Leleu, ma­riés à Ath en Hainaut, le 4 novembre 1625, eurent six enfants : Antoine, né le 12 mai 1626, Marie le 11 octobre 1627, Catherine le 28 décembre 1629, Nicolas-Auguste le 12 avril 1631, Jean le 18 juin 1634, Jean (Louis) le 7 avril 1640. Leur demeure était contiguë au couvent des Pères Récollets de la ville.

A l'issue des humanités suivies à l'École latine locale, le jeune homme revêtit la bure franciscaine au couvent de Béthune, où il se trouva sous la direction spirituelle du Père Gabriel de la Ribourde, vers 1660. L'année suivante, il entreprit ses étu­des théologiques au couvent de Montargis, dans l'Orléanais, et fut promu au sacerdoce vers 1666. Wallon de langue et d'origine, il se rendit à Gand chez sa soeur, mariée en 1659 à Jean Bent, et s'y familiarisa avec le flamand. Il partit ensuite pour Rome, où le Général de l'Ordre lui permit de visiter les sanctuaires et les monastères d'Italie et d'Al­lemagne. De retour, il exerce le ministère à Hall près de Bruxelles, à Biez près de Dunkerque, à Calais, à Dunkerque, de nouveau à Biez, avant 1673. Durant la guerre, il cir­cula en Hollande et passa huit mois de cette année aumônier des soldats blessés et mala­des à Maëstricht : il y tomba gravement at­teint de l'épidémie. Le 11 août 1674, il assiste à la bataille de Senef, en Hainaut, dont la partie méridionale, nommée Hainaut fran­çais, fut acquise à la Couronne en 1678.

Le 22 avril 1675, Louis XIV notifie officiel­lement l'envoi prochain de cinq Récollets en Nouvelle-France : M. Robert Cavelier de La Salle en emmenait quatre et débarqua à Québec le 16 juin suivant avec les Pères Louis Hennepin, Chrétien Leclercq, Luc Buisset et Zénobe Membré. D'après son biographe, le Père Louis prêcha l'Avent et le Carême de 1676 à l'Hôtel-Dieu et exerça le ministère à Percé, au Cap-Tourmente, aux Trois-Riviè­res, à Sainte-Anne de Beaupré, au Bourg Royal, à Pointe-Claire et devint aumônier du fort Frontenac en compagnie du Père Buisset. C'est là qu'il reçut le 18 novembre 1678 ses patentes pour l'exploration officielle de l'Ouest, à la suite de M. de La Salle et de ses hommes.

Départ le 5 décembre pour Niagara, où il célèbre la première messe, le 11. Le 22 jan­vier 1679, le parti se rend à deux lieues au-dessus du saut ou cataracte et La Salle pria le Père de « mettre la première cheville au vaisseau » (Le Griffon); en même temps, il le renvoya chercher deux Récollets à Fron­tenac, les Pères Zénobe et Gabriel, qui arri­vent à Niagara le 30 juin. Le 4 juillet, le Père Louis se rend par terre au grand Saut et aux premiers jours d'août à la plage, où s'achevait la construction du voilier sur le lac Erie ou lac de Conti. Ayant appareillé le 7, en trois jours le Griffon aborde à l'en­trée du détroit du lac d'Orléans (ou Huron) : on nomme le lac Sainte-Claire, le 11, veille de la fête. Le 23, le voilier pénètre dans le lac d'Orléans et accoste à Michillimakinac, le 27, pour entrer dans le lac Dauphin (Illinois ou Michigan) le 18 septembre, et subir un débarquement forcé le 28. Au début d'octo­bre, on opère une excursion à un village de Poutéoutamis pour se ravitailler en gibier. Arrivée au fond du lac des Illinois, le 18; l'on aperçut une bande d'Outagamis, les ar­mes à la main; le 30, échange de présents et festin : éloge des Robes Grises par le chef ou capitaine des Sauvages. Ayant pris du re­pos à l'embouchure de la rivière Miamis, du 1er au 11 novembre, on vit arriver M. de Tonti avec deux canots chargés : départ le lendemain en amont de la rivière Seignelay (Illinois) pour arriver à la fin de décembre au village des Illinois ou Crèvecoeur .

Tout le monde fêta le premier de l'an 1680 « par la messe et l'accolade générale ». Ayant traversé le petit lac Pimmiteous, la joie renaît avec le dégel de la rivière, dix jours après mais l'on ne se décida à lever le camp à Crèvecoeur que le 29 février : et, le 7  mars, l'on faisait la rencontre des Tamaroas à deux lieues de l'embouchure de la rivière Seignelay et de son confluent avec le Mississipi : selon le récit de M. de La Salle, ces Tamarois habitaient beaucoup plus en aval du grand fleuve : hypothèse conforme à la réalité.

A ce point précis de son tableau chronologique comparé, le biographe du Père, et si­multanément l'apologiste de sa carrière et de ses oeuvres, abandonne soudain le texte de sa Description de la Louisiane, publiée en 1683 et résumée jusque-là. Il a recours à son se­cond ouvrage, paru en 1697, intitulé Nouvelle-Découverte, pour décrire la descente du Mis­sissipi jusqu'à son embouchure en 1680, — deux ans avant M. de La Salle, — trajet d'al­ler et retour accompli par trois hommes dans un canot, du 14 mars au 11 avril 1680! C'est avec raison que M. d'Iberville se plaignait, en 1700 et en 1701, de l'inexactitude des constatations de Hennepin, dont il possédait les ouvrages durant ses explorations. Ainsi se trouve ébranlée et renversée l'invraisemblable hypothèse de la découverte du Récollet « des trois canaux » ou bouches du Mississipi. Apparemment, l'auteur de la Nouvelle-Découverte s'est permis de faire usage du Mémoire du Père Zénobe Membré, compagnon de La Salle.

La vérité est que le Père Récollet s'offrit, au mois de mars 1680, de faire le voyage du Mississipi en éclaireur et en vue de rensei­gner M. de La Salle sur son entreprise. Ce dernier lui donna un canot monté par deux hommes, Michel Accault et Antoine Auguelle, et chargé de marchandises de troc valant 1.000 à 1.200 livres. Partis le 29 février de Crèvecoeur, ils arrivent au confluent de l'Il­linois et furent arrêtés par les glaces flot­tantes jusqu'au 12 mars. Au lieu de descen­dre le courant du Mississipi, ils le remontent. A 24 lieues en amont, ils trouvent la rivière Noire, qui est peu considérable; à 30, la Ri­vière-aux-Boeufs (Chipawee River) et à 40 au-dessus, celle du Tombeau (Flambeau Ri­ver); à 30 autres lieues, un saut de 35 pieds que le Père nomma Saint-Antoine-de-Padoue, en face de la ville actuelle de Minneapolis; à 8 lieues encore, la rivière des Sioux que l'on remonte jusqu'au lac des Issatis (Leech Lake), qui est la source du Mississipi. Voilà le titre de gloire incontestable du Père Hennepin : et l'on a su récemment le reconnaître officiellement au Minnesota.

Désormais, le biographe revient à la citation du texte de la Description de la Loui­siane, conjointement au texte de la Nou­velle-Découverte. Le 11 avril 1680, paraissent de 33 à 50 canots conduits par 120 Sioux: échange de calumets de paix jusqu'au 21, jour de Pâques : ils avaient pillé tout, même les ornements de la messe, le calice excepté. Le 25, rencontre de Greysolon du Lhut, qui réussit à arracher aux mains des Sioux les trois captifs, le 12 septembre seu­lement : il en a laissé le récit dans son Mé­moire, bien différent de celui du Père Récol­let (V. Margry, t. I). Par le Wisconsin, ils atteignirent la baie des Puants ou Baie Verte (Green Bay), puis Michillimakinac, où ils fu­rent contraints d'hiverner par les glaces et les neiges. Une semaine après Pâques 1681, ils s'embarquaient et traversèrent les mêmes lacs : Orléans, Sainte-Claire, Conti, Niagara et Frontenac ou Ontario, s'arrêtaient au grand village des Tsonnontouans. Du fort Frontenac, ils se rendent à Ville-Marie et de là à Québec, où le Père remet son journal de voyage au Père Valentin Leroux, supérieur des Récollets : cette copie, où n'existait point la descente aux bouches du Mississipi, fut plus tard communiquée au Père Leclercq, qui y joignit les notes du Père Membré, compa­gnon de La Salle dans sa découverte.

Désireux de publier sa Relation, le Père Hennepin regagna la France et se retira au couvent de Saint-Germain-en-Laye. Le privi­lège du roi date du 3 septembre 1682 et le 5 janvier 1683 sortait de presse : Description de la Louisiane, nouvellement découverte au Sud-Ouest de la Nouvelle-France par Ordre du Roy, dédiée à Sa Majesté par le R. P. Louis Hennepin : in-12°, 107 pages, 5 jan­vier 1683. Réédité en 1684 et 1688, l'ouvrage fut traduit, dans l'intervalle, en italien, en néerlandais, en allemand.

En 1683, le missionnaire du Canada est nommé vicaire au couvent de Cateau-Cambré­sis près de Cambrai; puis Gardien du cou­vent de Renty, en Artois, du 10 octobre 1684 jusqu'au 7 avril 1687. L'année suivante, en qualité de Notaire apostolique, il accompagnait le Père Hyacinthe Lefebvre Voille au chapitre général de Rome; mais soudain le Père Hyacinthe Lefebvre, commissaire royal, lui retira cette obédience et le relégua au couvent de Saint-Omer en 1687; ensuite le Père Hennepin regagna le Hainaut : à Gosselies près de Charleroi, il devint chapelain des Récollectines (1687-92). De là, il se rendit au couvent d'Ath et y protesta devant ses con­frères contre le dessein de le verser dans la Province de Frandre. Il s'occupa de protéger les Pénitentes tertiaires de Gosselies, mena­cées de pillage de la part de la soldatesque française.

A titre de sujet espagnol du Hainaut supé­rieur depuis sa naissance, il s'adressa au roi Guillaume III d'Angleterre par l'entremise de son secrétaire de la guerre, le sieur de Blaithwayt : l'Angleterre était alliée au roi catholique d'Espagne et à l'Électeur de Ba­vière; il demanda au prince d'Orange, étant appuyé par le Père Renier Payez, commis­saire général de son Ordre à Louvain, « une obédience pour les Missions de l'Amérique et le temps, nécessaire à ses préparatifs, de sé­journer en Hollande ». La requête restant sans issue, il eut recours à l'internonce de Bruxelles et obtint, par cette voie, une pan­carte officielle du général de l'Ordre, le 31 mars 1696: il se réfugia au couvent d'Anvers. Mais il ne tarda pas à recevoir du roi d'An­gleterre la faculté de se rendre à Amster­dam pour y surveiller l'impression de ses notes : il échoua dans ce dessein et alla se fixer à Utrecht. C'est là qu'il édita : Nouvelle Découverte d'un très grand pays, situé dans l'Amérique entre le Nouveau-Mexique et la mer glaciale : dédié à Guillaume III, par le R. P. Louis Hennepin, missionnaire Récollet et Notaire apostolique, Utrecht, 1697. — Nouveau Voyage d'un pays plus grand que l'Eu­rope entière, avec approbation, dédié au roi Guillaume III, par le R. P. Louis Hennepin, missionnaire Récollet et Notaire apostoli­que, Utrecht, 1698. En 1704, le libraire Braeckman d'Amsterdam les réunit sous le titre de Voyages et Nouvelles Découvertes d'un très grand pays dans l'Amérique, t. I, seul édité. En 1698, un quatrième ouvrage pa­rut à Utrecht, intitulé La Morale pratique du Jansénisme, etc., par le R. P. Louis Henne­pin, etc., et chapelain de son Altesse électorale de Bavière (V. Bull. des Rech. hist., 1907).

 

La même année, l'ex-missionnaire du Ca­nada faisait une démarche auprès de M. de Bonrepaus, ambassadeur de France à La Haye. Cette correspondance prouve à l'évi­dence que la Cour de Londres, dont l'atten­tion se dirigea vers le Mississipi en raison des précédentes publications du Récollet transfuge, arma aussitôt des vaisseaux pour en prendre possession. Mais les frères Le Moyne d'Iberville et de Bienville les devancèrent à l'embouchure et au littoral de la Louisiane. Néanmoins, le 23 juillet 1698, M. de Pontchartrain écrivait à l'ambassadeur que le « roi accordait au Père Hennepin la permission de revenir en France et qu'il le ferait passer à Québec à la pre­mière occasion ». Mais à la fin de mai 1699, mis au fait des actes du Récollet et de leurs conséquences, le roi prit la décision de le faire appréhender, « si jamais il débarquait dans la Nouvelle-France ».

En 1701, le Père Louis est hospitalisé au couvent de l'Ara Coeli à Rome : M. E.-H. Rensen le fait mourir à Utrecht en 1705 (V. Biogr. de Belgique, t. IX, 1886).

BIBL. — P. Margry, Découv. des Français, t. I-IV, Paris, 1889; C. de Rochemonteix, Les Jés. et la Nouv.-Fr., t. III, ib., 1895; R. G. Thwaites, Father Hennepin, Chicago, 1903; J. Goyens, O. F. M., Le Père L. Hennep., Quaracchi (Italie), 1925; H.-A. Scott, Mém. Soc. Roy. Can., Ottawa, 1927; surtout Marc de Vil­liers, La Louisiane, Paris, 1929.

[Pour compléter les informations présentées par le père Lejeune, et pour procéder à des vérifications des jugements et des faits, on pourra consulter la biographie de Hennepin par Jean-Roch RIOUX au site du Dictionnaire biographique du Canada.]

Source : Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Tome I, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 747-750.

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College