Date Published: |
L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History EncyclopediaPierre Boucher(1622-1717)
Pour la source de cette biographie, voir la fin du texte.
Boucher (Pierre) (1622-1717), sieur de Grosbois, lieutenant civil et criminel, juge royal, gouverneur des Trois-Rivières, fondateur et seigneur de Boucherville, auteur d’une Histoire de la Nouvelle-France, anobli par le roi.
La famille était originaire de Mortagne, jadis place forte et capitale du Perche, ville bâtie au sommet et sur le penchant d'un mamelon. Son père, nommé Gaspard, avait épousé Nicole Lemer ou Lemère; il vint au Canada en 1634, avec son frère Marin, menuisier de son état. Tous les enfants étaient nés au village de Mortagne; ils s'appelaient : Charles, mort au berceau en 1620; Antoinette, baptisée le 6 août 1621; Pierre, baptisé le 1 août 1622; Nicolas, le 9 septembre 1625; Charles, le 4 mai 1628; Marie, née le 22 janvier 1629; Marguerite, le 28 juillet 1631 (V. Tanguay, pour leur mariage respectif). La famille se fixa à Beauport.
En 1639, Pierre accompagne les missionnaires jésuites au pays des Hurons dont il apprit l'idiome. Revenu à Québec en 1643, il s'enrôla dans la garnison du fort Saint-Louis et, à l'occasion, sert d'interprète à M. de Montmagny, l'accompagnant dans son excursion au fort Richelieu (Sorel). En 1645, en même temps que son ami Charles Le Moyne, on le nomme interprète de la Compagnie des Cent Associés au commerce des pelleteries aux Trois-Rivières. En 1646, il se distingue au fortin de Bécancour contre une bande de maraudeurs iroquois. Préposé ensuite à la garde des magasins, il réussit à établir les siens sur une concession. En 1649, M. d'Ailleboust le nomme commis en chef avec le grade de capitaine ou commandant du groupe des défenseurs de ces parages. Déjà aguerri contre un ennemi fourbe et audacieux, il sut, en 1652, tenir tête avec ses 46 hommes à une troupe de 300 à 400 Iroquois assiégeant la place : il les força à implorer la paix. Le vainqueur affirme qu'elle fut arrêtée à condition qu'ils rendraient les prisonniers, tant Français que Sauvages, au bout de quarante jours et que les plus notables viendraient à Québec avec des présents demander la paix à M. de Lauzon : ce fut exécuté en tous points. Ils laissèrent en otages six de leurs enfants. Ainsi furent libérés le Père Poncet et Mathurin Franchetot.
En 1653, en guise de reconnaissance, le gouverneur lui expédia les provisions de lieutenant civil et criminel pour la juridiction des Trois-Rivières. Bientôt, il lui octroyait celles de gouverneur de la place (1653-59). Cette dernière année, M. Boucher, qui avait sans répit arrêté les détachements iroquois, sollicita de M. d'Avaugour l'autorisation « de se retirer sur son bien » : le gouverneur y accéda avec peine. En 1661, M. de Lauzon, qui rentra en France en 1657, intervint auprès de M. de Feuquières, vice-roi de l'Amérique française, lequel obtint du roi des lettres de noblesse en faveur de M. Boucher. Le 22 novembre de la même année, M. d'Avaugour confie à M. Boucher un mandat impératif pour se rendre auprès de Sa Majesté et « pour la supplier de prendre sous sa protection une colonie qui se trouvait absolument abandonnée et réduite aux abois ». Louis XIV, qui inaugurait justement son règne personnel, écouta M. Boucher avec une bienveillance, mêlée de curiosité et d'étonnement; il lui demanda, à la dernière entrevue, de composer un livre sur les ressources naturelles de la colonie. Au printemps de 1662, Sa Majesté donna ordre à Colbert d'embarquer 100 soldats et en promit 300 pour 1663. M. Boucher à lui seul recruta une centaine de colons; puis, il s'assura auprès de M. de Lauzon la possession des seigneuries de Saint-François-du-Lac et d'Yamaska : la première, il la céda en 1673, à son beau-frère, Jean Crevier, la seconde à Michel Le Neuf de la Vallière. Dans la traversée ou après l'atterrissement, M. Boucher perdit 33 colons. Le Conseil souverain déclara que, si le roi ne consentait pas à le rembourser de ses frais, la Compagnie le devra faire.
En 1663, M. Boucher est de nouveau investi de la charge de gouverneur des Trois-Rivières jusqu'en 1667. Le 8 octobre de la même année, il y signe la Préface de son Histoire naturelle, qui fut imprimée à Paris en 1664. Le 29 octobre, il se démit de ses fonctions de juge royal, en raison de la dévolution de la colonie au Domaine. Le 12 août 1665, selon le Journal des Jésuites, arrive des Trois-Rivières à Québec M. Boucher que monseigneur de Tracy a très bien reçu; et le 16 juin 1666, M. de Courcelle aborde aux Trois-Rivières, où il trouve que M. Boucher a donné ordre à tout. En 1667, ce dernier résigne sa charge de gouverneur, rédigeant de sa main « Les raisons qui l'engagent à établir sa seigneurie des Iles-Percées qu'il a nommée Boucherville ». M. Talon sut reconnaître et apprécier « ses bons et utiles services » en lui concédant « 114 arpents de front sur deux lieues de profondeur, à prendre sur le fleuve Saint-Laurent, pour jouir de ladite terre en tous droits de seigneurie et justice ». M. Boucher érigea son manoir à l'embouchure de la rivière nommée plus tard Sabrevois, à vingt arpents du site de l'église actuelle; il le fortifia de solides palissades en prévision des surprises des Iroquois et éleva sur la rive la petite redoute Saint-Louis, en 1670. C'est là qu'il vécut de longues années, entouré de ses enfants auxquels il légua un magnifique testament, le 19 avril 1717. Ses lettres de noblesse ayant été consumées dans l'incendie du séminaire de Québec, le roi lui en fit transmettre de nouvelles le 17 juin 1707.
Pierre Boucher avait contracté, en 1648, une première alliance avec Marie-Madeleine Chrétienne, jeune indigène élevée au couvent des Ursulines, qui décéda avec son premier-né en 1649. Le 19 juillet 1652, il épousa Jeanne, fille de Christophe Crevier, sieur de la Meslay, et de Jeanne Enard, laquelle lui donna quinze enfants et mourut en 1717 :
Pierre, seigneur de Boucherville, né en 1653, marié à Charlotte Denys en 1683, père de cinq enfants;
Marie, née en 1655, mariée en 1667 à René Gaultier de Varennes, mère de treize enfants;
Lambert, sieur de Grandpré, né en 1656, marié en 1693 à Marguerite Vauvril, père de trois enfants;
Ignace, sieur de Grosbois, né en 1659, marié en 1694 à Marie-Anne Margane de La Valtrie, père de cinq enfants;
Madeleine, née en 1661, mariée à Pierre Le Gardeur, mère de onze enfants;
Marguerite, née en 1663, mariée à Nicolas Daneau, sieur de Muy, mère de sept enfants;
Philippe, né en 1665, ordonné prêtre en 1689, curé du Cap-Saint-Ignace (1690-91) et de Saint-Joseph de Lévis jusqu'à son décès en 1721;
Jean, sieur de Montbrun, né en 1667, marié en 1692 à Claire Charest, père de onze enfants, remarié en 1729 à Françoise Godefroy;
René, sieur de la Perrière, né en 1668, marié en 1705 à Françoise Mailhot, père de deux enfants;
Jeanne, née en 1670, mariée en 1695 à Charles Sabrevois de Bleury, mère de cinq enfants;
Nicolas-Michel, né en 1672, ordonné prêtre en 1696, curé de Sainte-Anne-de-Beaupré (1698-1702), de l'Ancienne-Lorette (1705-06), de Saint-Jean, île d'Orléans (1707-27), aumônier de l'Hôpital-Général (1730-33), décédé le 31 juillet de cette année;
Jean-Baptiste, sieur de Niverville, né en 1673, marié en 1710 à Thérèse Hertel de Rouville, père de treize enfants;
Joachim, né en 1674, tué à la chasse accidentellement par M. Le Verrier en 1692;
Geneviève, née en 1676, Ursuline professe en 1696, décédée en 1766;
Louise, soeur jumelle de Jeanne, mourut sans alliance.
L'ouvrage de M. Boucher était intitulé : Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouv.-France, vulgairement dite le Canada : il était dédié à Mgr Colbert.
BIBL. - R. P. L. Lalande, Une Vieille Seigneurie, Montréal, 1891; B. Suite, Mem. Soc. Roy. Can., année 1896; Laure Conan, Revue can., 1913; P.-G. Roy, ibid., 1918; R. G. Thwaites, The Jes. Relat., tabl. gén., Cleveland, 1904; S. Marion, Un Pionnier can., Pierre Boucher, Québec, 1927.
Source : Louis LEJEUNE, Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Vol. 1, Ottawa, Université d’Ottawa, 1931, 862p., pp. 211-213.
|
© 2004
Claude Bélanger, Marianopolis College |