Quebec History Marianopolis College


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L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Joseph Papin Archambault, s.j.

 

 

[Cet article fut écrit par Richard Arès dans l'Action nationale en 1981. Pour la référence exacte, voir la fin du texte]

 

I- LE DÉFENSEUR DU FRANÇAIS

 

Au moment de sa mort, en octobre 1966, le Père J.-Papin Archambault a été salué à la fois comme bon serviteur de l'Église, pour avoir lancé et diffusé les Retraites fermées au Canada, comme l'apôtre des travailleurs et le pionnier du catholicisme social, pour avoir fondé et maintenu, durant près de soixante ans, les Semaines sociales du Canada et avoir dirigé, trente ans durant, l'institution qui portait alors le nom d'École sociale populaire.

 

Certes, le Père J.-Papin Archambault a été tout cela: initiateur et apôtre des Retraites fermées, défenseur et apôtre des travailleurs catholiques, pionnier et promoteur du catholicisme social, mais, en plus de ces domaines où le P. Archambault a tenu un rôle de premier plan, il en est un autre auquel le Père a été intimement mêlé dès sa jeunesse et auquel il n'a jamais cessé, même plus âgé, de constamment s'intéresser: la défense et la promotion de la langue française.

 

Quelqu'un qui l'a bien connu et avec qui il s'est tou­jours plu à collaborer, l'abbé Lionel Groulx - tous deux presque contemporains, l'un étant né en 1878 et l'autre en 1880, l'un devant survivre plus de six mois à l'autre - pouvait ramasser ses souvenirs et rendre hommage au P. Archambault en un texte intitulé L'animateur de l'Action française que publia la revue Relations (novembre 1966), texte qu'il convient vraiment de reproduire dans l'Action nationale d'aujourd'hui. Le voici:

 

« C'est dix ans d'un passé resté pour moi extrêmement vivant qui disparaît avec le Père Papin Archambault. Il fut l'un des derniers de notre première équipe de l'Action française à survivre. Il en avait été le fondateur; il en restera l'animateur. Dans Consignes de demain, petite brochure parue en 1921, il a raconté les origines de notre entreprise et comment chacun de nous y étions venus, presque tous ap­pelés par lui. Pour moi, il reste l'un de ceux qui m'ont révélé l'action faite homme. Combien parmi tous ceux-là qui sont partis ont aimé évoquer l'image de ce Jésuite qui, un de ces jours, leur arrivait la serviette bien bourrée sous le bras, le cerveau en effervescence, d'une parole calme, posée, mais qui cachait mal une pensée fébrile, une passion de conquête, un assaut sur votre travail, sur votre personne. Papin - nous l'appelions tous ainsi - avait un projet en tête. Des projets, il en avait, hélas, tous les jours et plusieurs par jour. Et il venait vous embrigader, vous arracher une conférence, un article, un tout petit article qui ne vous coûterait qu'un instant, un tour de plume, etc., etc. Tous nos amis l'ont appris d'expérience: on ne résistait pas à Papin. Et le plus sage et le plus simple, c'était de déposer les armes tout de suite et de se rendre. Il faisait tant lui-même. Il y avait en lui tant de gentillesse. Et il fallait entendre cette parole si persuasive qui faisait oublier ce qu'elle cachait d'opiniâtre.

 

« Notre Action française s'était d'abord appelée la Ligue des droits du français. On comprendra en quel sens s'orienta d'abord l'action patriotique du Père Papin. Il fallait sauver la langue, la régénérer à tout prix, apprendre à tout le monde et surtout aux grandes compagnies, à la respecter. Sauver la langue, c'était pour lui sauver la nation. Et je me souviens qu'Olivar Asselin n'était pas loin de penser de même. « La langue, m'a-t-il dit un jour, c'est le critère de vie d'un peuple. » Cette conception, je l'avouai franchement à mes amis, me paraissait quelque peu courte. La langue, oui, insigne instrument de culture, oui. Magnifique témoignage de santé intellectuelle, encore oui. Mais, dans les conditions exceptionnelles où vivait la nation canadienne-française, il me paraissait qu'avant d'être un commencement, la langue devait être une fin. Autrement dit la survivance ou la libération de la langue ne pouvaient être que la conséquence d'une libération totale de notre peuple: synthèse de vie où, dégagés de toutes nos scories, de toutes nos contaminations, nous reprendrions entière possession de nous-mêmes, en politique, en économique, dans le social, dans le culturel. La langue, c'était, à mon sens, la fleur après la longue et laborieuse germination. C'était le sceau sacré d'une civilisation enfin sauvée, épanouie. Je dois dire qu'avec mes chers collègues et amis, l'abbé Philippe Perrier, Antonio Perrault, le Dr Joseph Gauvreau, Anatole Vanier, l'un des premiers à comprendre cette orientation de l'Action française fut le Père Papin. C'est pour nous être unis sur une doctrine solide que notre petite Action française vécut dix ans d'une vie ardente et accomplit peut-être quelque chose.

 

« Le Père Papin, tout en collaborant à nos grandes « enquêtes », continua, et avec quel entrain, sous le pseudonyme de Pierre Homier, sa « petite guerre » pour la défense de la langue. Comme il aimait notre oeuvre! Et comme il lui a donné de son riche dévouement. Je crois bien que parfois le scrupule le prenait, lui, Jésuite, d'accorder tant de son temps, à une oeuvre en somme plutôt profane. Et il avait tant d'autres tâches plus spirituelles sur les bras. Il se rassurait à la pensée que notre petit peuple n'était pas un peuple « comme les autres » et que, peuple catholique, il valait la peine qu'on lui gardât son âme.

 

« Pour cela seul, je veux dire pour ce qu'il y eut d'action nationale en sa vie, le Père Papin mérite qu'on se souvienne de lui. Et si une génération vient à poindre chez nous qui soit capable de reconnaissance, elle rangera ce Jésuite parmi ses grands aînés. » (Lionel Groulx, prêtre).

 

C'est en ces termes que, quelques mois avant de mourir, le chanoine Lionel Groulx tint à rendre hommage à celui qui avait été à l'origine de la Ligue des droits du français, laquelle devait donner naissance à la Ligue de l'Action française et engendrer la revue du même nom, dont il fut nommé directeur et, comme il le dit lui-même dans l'hommage qu'on vient de lire, y « vécut dix ans d'une vie ardente ».

 

Pour revenir au Père J.-Papin Archambault, il importe de le mieux connaître et de nous interroger à la fois sur ses origines familiales, ses études collégiales et ses premières années de formation dans la Compagnie de Jésus. Peut-être y découvrirons-nous là le point de départ de son zèle pour la défense et la cause du français.

 

II - SES ORIGINES FAMILIALES

 

Au moment de sa mort, en octobre 1966, on a publié à son sujet des notes biographiques, lesquelles commençaient par ces mots: « Le Père est né à Montréal, le 13 août 1880, de Gaspard Archambault, médecin, et de Marie-Louise Papin. » Les Archambault et les Papin sont deux noms de familles dont le Père a toujours été très fier et à qui il s'est intéressé toute sa vie. Il avait même entrepris de dresser son arbre généalogique, c'est-à-dire de remonter à la source, au premier ancêtre de l'une ou l'autre famille, venu de France s'établir au Canada.

 

La famille Archambault

 

Après de longues recherches et une correspondance assez élaborée avec l'Institut Drouin de généalogie, il avait pu déterminer que le premier Archambault, du prénom de Jacques, était arrivé au Canada en 1646; il lui avait été relativement facile d'établir sa lignée jusqu'à son propre grand-père. En réalité, partout où, au Québec, au Canada, aux États-Unis et même en France, il entendait parler qu'il existât un Archambault, il lui écrivait pour demander des renseignements et connaître ses liens de parenté avec les autres du même nom. Dans la liasse de documents qu'il a laissés après sa mort, il doit y avoir une liste d'environ 50 à 60 Archambault, avec leurs postes, fonctions et adresses, surtout quand il s'agit d'ecclésiastiques.

 

Quelques années avant sa mort, soit vers 1960, le Père rédigea lui-même certaines notes biographiques se rapportant à sa propre famille. Les voici, telles qu'on les retrouve encore aux Archives de la Compagnie de Jésus, à la maison de Saint-Jérôme:

 

« Le docteur Gaspard Archambault, fils de Camille Archambault, notaire, et de Victoire-Odile Archambault, naquit à l'Assomption et fut baptisé le 15 janvier 1851. Il fit ses études au Collège de l'Assomption puis au Collège Sainte-Marie à Montréal et à l'Université Laval de Montréal.

 

« Il épousa le 14 mai 1878, à la cathédrale de Montréal, Marie-Louise Papin, baptisée le 31 juillet 1851, fille de Joseph Papin, ancien député de l'Assomption, et de Sophie Homier. Établi à Montréal, dans un des quartiers résidentiels de la ville, rue Saint-Denis, bien préparé par ses études à l'exercice de sa profession, d'un caractère affable et d'une grande probité, le docteur Archambault compta bientôt une nombreuse clientèle dont il s'occupait avec un grand dévouement. Combien lui durent la guérison de leurs maux, voire la prolongation de leur vie. Nombreux furent les pauvres qu'il soigna. Il leur donnait autant de bons soins qu'aux riches. La mort d'une épouse tendrement aimée, puis les atteintes d'une maladie mortelle chrétiennement endurée, vinrent mettre fin à sa carrière à l'âge relativement jeune de 53 ans.

 

« Il avait fondé l'Institut de Vaccin avec son beau-frère, le docteur Joseph Leduc, un des plus importants pharmaciens de Montréal et dont les fils et les petits-fils créèrent les nombreuses pharmacies de ce nom que compte actuellement Montréal.

 

« Mme Gaspard Archambault, ancienne élève des religieuses du Sacré-Coeur, au Sault-au-Récollet, était une personne d'une grande piété et d'une grande charité. Elle éleva ses cinq enfants - elle en eut sept dont deux moururent en bas âge - dans l'amour de Dieu et tout particulièrement la dévotion au Sacré-Coeur que lui avait enseignée son directeur spirituel, le P. Almire Pichon, S.J., grand apôtre de cette dévotion.

 

« Elle était, à sa mort, présidente de l'Association des Enfants de Marie, anciennes élèves de son couvent. Sa charité était non moins vive. Que de familles pauvres elle a aidées, protégées, soutenues. Elle initia ses enfants à ces actes de charité, leur apprenant à se priver de leurs jouets, de leurs friandises pour en faire profiter les petits pauvres.

 

« Ses cinq garçons, dont deux seulement, les plus âgés, vivent encore, suivirent, après avoir été tous élèves au Collège Sainte-Marie, des routes diverses. L'aîné, Joseph, né le 17 février 1879, devint avocat, s'intéressa à la politique, fut élu député du comté de Chambly. Doué d'une grande facilité de parole, d'un jugement sûr, parfait bilingue, il sut se faire écouter de tous à la Chambre des communes. Mais il la quitta après quelques sessions pour devenir juge de la Cour supérieure. Il est actuellement à sa retraite.

 

« Le second, Papin, né le 13 août 1880, entra chez les Jésuites. II fut l'initiateur des retraites fermées au Canada, dirigea la Villa Saint-Martin à L'Abord-à-Plouffe, et la Villa Manrèse à Québec, fonda les Semaines sociales du Canada et publia plusieurs livres et brochures sur les questions sociales.

 

« Vint ensuite, le 18 décembre 1882, Gustave, médecin. Études à l'Université Laval de Montréal, interne à l'Hôpital Notre-Dame, quatre ans en France pour parfaire ses études. il devait y retourner pendant la guerre et mériter le titre de Chevalier de la Légion d'honneur.

 

« Léon, dentiste, né le 28 février 1889, études à l'Université de Montréal, puis deux ans à Chicago.

 

« Gaspard, ingénieur civil, né le 12 août 1887; études à Sainte-Marie et à Loyola et à l'École Polytechnique. Il se spécialisa dans la construction. Nombreux sont les grands édifices - églises, écoles, monastères, hôtelleries, etc. - qu'il construisit. »

 

Telles sont les notes biographiques que le Père a lui-même rédigées sur sa propre famille Archambault, mais à côté de ces notes, une autre famille, celle de sa mère, l'intéressait grandement.

 

La famille Papin

 

Dans ces mêmes archives de la Compagnie de Jésus, à Saint-Jérôme, se retrouvent trois dossiers: l'un sur les Papin, l'autre sur les Pépin et le troisième sur les Pepin. Le premier surtout l'intéressait: c'était le nom de sa mère et lui-même portait le nom de Papin. En 1953, il avait rassemblé assez de documents pour prononcer une conférence sur « La famille Papin », conférence qu'il publia par la suite dans l'Oeuvre des Tracts, en décembre 1953, No 404. Il y faisait remonter l'arrivée du premier Papin au Canada parmi les membres de « La grande recrue de 1653 », à la suite du voyage en France de Chomedey de Maisonneuve pour y chercher du secours. Remontant ensuite le cours des siècles, il parvenait à la septième génération des Papin, celle de son grand-père Joseph, ancien député de l'Assomption, qui vécut de 1825 à 1862.

 

Élu député aux élections de 1854, puissant tribun, il ne tarda pas à se lier avec le groupe de l'Institut canadien hostile à l'Église et protagoniste de la libre-pensée. Défait aux élections de 1857, Joseph Papin retourna sagement à la pratique de sa profession d'avocat. Quelque temps après, atteint d'un cancer, il revenait à la foi de son enfance et, le 23 février 1862, rendait son âme à Dieu.

 

La petite brochure de l'Oeuvre des Tracts consacrée à « La famille Papin » se termine par ces mots qui décrivent la liaison entre les deux familles dont il vient d'être question: « Marié le 18 novembre à Sophie Homier, Joseph Papin, ne laissait qu'une fille, Marie-Louise, âgée de neuf ans. Ses études terminées chez les religieuses du Sacré-Coeur, au Sault-au-Récollet, celle-ci épousa, le 14 mai 1878, à la cathédrale Montréal, le docteur Gaspard Archambault . ... Elle mourut le 30 août 1899, à l'âge de 46 ans, remerciant le ciel qu'une vocation religieuse, dont elle fut la discrète inspiratrice, ait germé parmi ses enfants. »

 

Allusion passagère et respectueuse à celle qui avait été sa mère, alors disparue déjà depuis plus d'un demi-siècle.

 

III - SES ÉTUDES COLLÉGIALES

 

Comme son grand-père Camille qui, du Collège de l'Assomption, y était venu terminer ses études et comme son père Gaspard qui y avait fait tout son cours, le jeune Papin - seul prénom qu'il porte alors, en hommage à sa mère et à son grand-père maternel - fait son entrée au Collège Sainte-Marie au début de septembre 1891.

 

C'est une institution fondée et dirigée par les Jésuites depuis 1848, une institution qui fait aussi quelque peu bande à part parmi les autres collèges et séminaires qui existent alors au Québec. Ceux-ci, en effet, ont pour premier objectif de former des jeunes en vue de développer en eux des vocations sacerdotales et religieuses. Les fondateurs du Collège Sainte-Marie, Jésuites venus de France à la prière de Mgr Bourget, évêque de Montréal, s'étaient donné, eux, un objectif général: l'éducation et la formation de la jeunesse. Pas de n'importe quelle jeunesse, mais bien celle de l'époque et du milieu montréalais. C'est-à-dire que, pour eux aussi, le problème de la langue de l'enseignement n'a pas tardé à se poser: devaient-ils enseigner en français ou en anglais, ou encore utiliser les deux langues?

 

Le Collège Sainte-Marie au milieu et à la fin du XIX e siècle.

 

Pour mieux saisir l'ampleur du problème auquel ont eu à faire face les premiers recteurs européens du Collège, il importe de rappeler deux faits dont ils durent tenir compte dès leur arrivée au Canada: le fait d'une nombreuse présence anglophone à Montréal et le fait que les Jésuites d'alors appartenaient à la même mission qu'à celle de New-York, les deux régions étant alors jumelées.

 

Le premier fait à rappeler est le suivant: au moment où les Jésuites ouvrent leur collège, la ville de Montréal présente encore une majorité anglophone. En 1851, les Canadiens d'origine française y sont minoritaires et ne forment que 45% de la population. En 1871, le groupe français se chiffre à 56,856 et détient une faible majorité de 53%, alors que l'ensemble des groupes britanniques: anglais, irlandais, écossais, se montent à 48,221 et ne forment plus qu'une puissante minorité de 43%. Le plus important pour le Collège était qu'il y avait alors à Montréal deux fois plus d'Irlandais que d'Anglais proprement dits. Où ces jeunes anglophones, en particulier ces Irlandais, catholiques pour la plupart, iraient-ils se faire instruire si le Collège Sainte-Marie leur fermait ses portes? Encore fallait-il que ce Collège recrute des professeurs qui puissent enseigner en anglais.

 

La ville de Montréal, cependant, grandissait rapidement: alors qu'au moment de la Confédération de 1867, elle comptait à peine 100,000 âmes, sa population devait s'élever à plus de 200,000 quelque vingt ans plus tard, soit au recensement 1891, l'année même où le jeune Papin Archambault faisait son entrée au Collège Sainte-Marie.

 

Un deuxième fait dont il faut tenir compte pour bien saisir la situation qui existe alors au Collège est que les Jésuites venus de France en Amérique, c'est-à-dire à la fois à New-York et à Montréal, ont longtemps appartenu à la même mission, dénommée alors mission New-York-Canada, dont le supérieur résidait à New-York même. La conséquence en fut que celui qui allait donner des instructions et des directives aux premiers recteurs du Collège Sainte-Marie ne résidait pas sur place à Montréal mais bien à New-York et, de ce lieu était porté à donner ses préférences à l'enseignement de l'anglais.

 

Quoiqu'il en soit, au moment où le jeune Papin entre au Collège, la situation est encore quelque peu ambivalente: les classes sont doublées selon le nombre d'élèves de chaque langue qui se présentent au début de l'année. Ainsi, si l'on consulte l'annuaire du Collège de 1891, il y a dans la première année, c'est-à-dire aux Éléments-Latins, trois classes ou sections pour les francophones, et deux pour les anglophones, situation dont on retrouve à peu près l'équivalent dans les autres classes supérieures.

 

Le collégien

 

Lorsqu'au début de septembre 1891 le jeune Papin fait son entrée au Collège Sainte-Marie, un autre Archambault de la même famille y étudie déjà: Joseph, son frère aîné.

 

Chez les Jésuites du Canada, des changements importants viennent de se produire: ils n'appartiennent plus à la mission de New-York, mais, depuis 1888, forment une province canadienne autonome, dont le premier supérieur, après avoir résidé quelque temps au scolasticat de l'Immaculée-Conception, maintient sa résidence permanente au Collège Sainte-Marie depuis 1891.

 

En consultant les annuaires du Collège, on peut parvenir à dresser un tableau des classes qu'a fréquentées et même une liste des prix qu'a remportés le jeune Papin durant tout son cours au Collège. La première année, son nom se retrouve dans la classe des Éléments-Latins "A", section "A" dans laquelle il se maintiendra jusqu'à la fin de son cours. Lors de la distribution des prix, l'annuaire du Collège attribue au jeune Papin une troisième place en Excellence et une cinquième en Thème latin. L'année suivante, c'est-à-dire en Syntaxe, il obtient le deuxième accessit en Instruction religieuse et un prix de six accessits.

 

En classe de Versification, on retrouve le nom du jeune collégien dans la colonne des prix de Diligence ainsi que dans celle des prix d'Élocution. L'année suivante, en classe de Belles-Lettres, les résultats à la fin de l'année sont les mêmes: prix en Diligence et en Élocution. Â la fin de sa classe de Rhétorique, il obtient un accessit en Diligence, un premier prix en Discours français ainsi qu'en Élocution.

 

C'en est maintenant fini de l'étudiant au Collège Sainte-Marie: dans l'annuaire de 1897-1898, on ne retrouve pas son nom. Après quelques mois de vacances, il va se décider à entrer chez les Jésuites au noviciat du Sault-au-Récollet. Du Collège il emportera le goût du travail et une certaine fierté de la langue française, comme en témoignent les prix obtenus à la fin de ses classes de Belles-Lettres et de Rhétorique.

 

Coïncidence peut-être: la même année où il quitte le Collège Sainte-Marie, qui a longtemps maintenu des classes parallèles, l'une en français, l'autre en anglais, les Jésuites de Montréal ouvrent un autre collège, Loyola, lequel commencera à accueillir ceux qui, tout en étant catholiques mais non de langue française, avaient dû jusqu'alors faire leur cours classique au Collège Sainte-Marie.

 

Aussi est-ce un collège entièrement renouvelé, réservé d'abord et avant tout aux francophones, que le jeune Papin, devenu jésuite, retrouvera quand il viendra y faire ses années de régence au début du XX e siècle.

 

IV - PREMIÈRES ANNÉES CHEZ LES JÉSUITES

 

Après avoir terminé sa classe de Rhétorique au Collège Sainte-Marie, le jeune Papin Archambault décide de ne pas rentrer au Collège et, le 31 octobre 1897, il se présente au noviciat des Jésuites, alors établi au Sault-au-Récollet. Une fois accepté, il commence à suivre le régime de vie et de formation propre aux scolastiques de ce temps-là, soit deux ans de noviciat, deux ans de juvénat, puis trois ans de philosophie au scolasticat de l'Immaculée-Conception sur la rue Rachel, trois ans parce qu'il n'avait pas fait ses classes de philosophie avant son entrée dans la Compagnie de Jésus.

 

A la fin de juillet 1904, il est nommé pour enseigner la classe de Méthode au Collège Sainte-Marie, là même où il avait déjà étudié. Il y fera toute sa « régence », enseignant deux années en classe de Méthode et trois en classe de Belles-Lettres. Depuis son départ en 1897, la figure interne du Collège avait grandement changé, dû d'abord au fait que la plupart des classes anglophones d'autrefois s'étaient transportées au nouveau Collège Loyola et que maintenant l'atmosphère collégiale à Sainte-Marie était presque entièrement francophone. De plus, au printemps de la même année 1904, un groupe d'élèves des classes supérieures, avec l'appui de leur professeur de philosophie, le P. Samuel Bellavance, viennent de lancer une invitation aux jeunes de toute la Province de venir participer à un congrès qui allait jeter les bases de l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française (l'A.C.J.C.). Parmi les élèves du Collège qui y participèrent mentionnons seulement les noms de Joseph Versailles, Albert Benoît, Ernest Roby, Armand Dugas, Henri Bernard, Rosario Genest, etc.

 

Dans ce milieu transformé et provisoirement surchauffé, le jeune scolastique Papin Archambault, après deux ans d'enseignement en classe de Méthode, se voit en 1906 transposé en classe de Belles-Lettres avec le titre de modérateur de l'académie, c'est-à-dire du cercle local d'études, Cercle Sainte-Marie de la nouvelle Association venant de se fonder au Collège même. C'est là surtout qu'il entra en contact avec l'élite des jeunes collégiens de Montréal et que lui vint la pensée d'organiser pour eux une expérience toute nouvelle au Canada, c'est-à-dire une retraite fermée pour les jeunes du Cercle Sainte-Marie. Expérience dont il devait raconter l'histoire dans des articles parus d'abord dans Le Semeur et Le Messager du Sacré-Coeur , puis réunis en brochure sous le titre L'Oeuvre qui nous sauvera, brochure portant en sous-titre « La régénération de l'individu et de la société par les retraites fermées. »

 

Ayant achevé ses années de « régence » ou d'enseignement au Collège Sainte-Marie, le jeune professeur retourne au scolasticat de l'Immaculée-Conception pour y entreprendre ses études théologiques. Dans l'intervalle, un fait nouveau s'est produit: les Jésuites travaillant au Canada, qui avaient commencé par dépendre de la Province de France, puis de celle de Champagne, pour ensuite faire partie de la mission autonome New-York-Canada, être rattachés à la Province d'Angleterre, former une mission autonome canadienne en 1888, viennent tout juste, le 15 août 1907, d'être érigés en province canadienne.

 

Je signale, en passant, que les catalogues jésuites qui, à partir de son premier séjour au scolasticat pour ses études en philosophie, le présentaient sous son double prénom Joseph-P., ne le présentent plus que sous le nom de Joseph Archambault et laissent tomber l'autre prénom de Papin. Quoi qu'il soit, en 1909, il commence sa première année de théologie au scolasticat de l'Immaculée-Conception.

 

L'année suivante, en 1910, un événement religieux important se produit qui va attirer les yeux de l'ensemble du monde catholique sur la ville de Montréal: le Congrès eucharistique international, au cours duquel Henri Bourassa, alors dans la force de l'âge, répondant le samedi 10 janvier 1910, au discours de Mgr Bourne, archevêque de Westminster, qui avait par trop insisté sur l'importance pour les catholiques canadiens d'apprendre et de parler l'anglais en vue de mieux servir la cause du catholicisme au Canada, s'était attiré des applaudissements nombreux de la part d'un auditoire en majorité francophone et d'avance préparé à entendre un tel discours. Le jeune étudiant en théologie, Archambault, était-il présent lors de cette fulgurante réplique? L'histoire écrite jusqu'à maintenant ne le dit pas, mais je sais qu'il en avait gardé un profond et vivace souvenir et que déjà dans sa pensée se préparait la série d'articles en faveur du français qui allait paraître dans le Devoir de 1912-1913.

 

En attendant, il lui fallait poursuivre sa deuxième année de théologie. En 1911 se produit un autre événement, moins spectaculaire que le premier mais qui aura sur sa personne et son avenir des conséquences plus directes: la fondation de l'École sociale populaire au cours d'un congrès inter-diocésain organisé par la Fédération générale des Ligues du Sacré-Coeur, en janvier 1911, dans le but d'étudier la question de l'organisation ouvrière dans la province de Québec. À cette réunion, le jeune P. Archambault est présent et, le 25 janvier 1911, y lit un travail qu'il publiera par la suite dans le premier numéro des brochures de l'École sociale populaire sous le titre L'organisation catholique ouvrière catholique en Hollande.

 

En septembre 1911, il entreprend sa troisième année de théologie, fort importante pour lui puisqu'à la fin de l'année scolaire il sera ordonné prêtre, soit le 28 juillet 1912, importante aussi pour la cause du français puisqu'au mois de mars 1912 va commencer la série d'articles publiés dans le Devoir qui vont donner naissance à la future Ligue des droits du français. Pour le moment, il importe de dire quelques mots sur ses dernières années de formation jésuite.

 

Il lui reste encore à entreprendre ce que, dans leur langage familier, les Jésuites dénomment le troisième an, c'est-à-dire, avant de se lancer dans l'action, une année supplémentaire de spiritualité et d'ascétisme. Comme il n'existe pas encore au Canada une maison jésuite répondant à cette fin, le Père part pour la France où une telle maison existe et où, avant lui, ont passé la plupart des Jésuites canadiens. Il y arrive au moment où va se tenir, au mois d'août 1913, la Semaine sociale de Versailles sur le thème «  La responsabilité  ». Il y entendra des conférenciers et des orateurs qui l'impressionneront grandement et qui feront germer en lui l'idée d'importer au Canada une institution du même genre.

 

De cette visite à la Semaine sociale de Versailles, il rapportera plusieurs photographies, dont l'une montre les quatre Canadiens présents: les Pères Jésuites Archambault et Hingston, l'abbé Camille Roy et Ernest Grégoire, alors étudiant en Belgique et qui plus tard deviendra maire de Québec.

 

V - PREMIER APPEL (1912)

 

Revenu en 1909 au scolasticat de l'Immaculée-Conception pour entreprendre ses études théologiques, le jeune Père Archambault reste encore marqué du temps où il enseignait au Collège Sainte-Marie et où l'Association catholique de la jeunesse canadienne, familièrement appelée l'A.C.J.C., venait tout juste d'être fondée et dont il avait dirigé durant trois ans le premier cercle d'études, dit Cercle Sainte-Marie. Pour l'encourager dans cette même ligne, il avait pris connaissance, en 1910, - s'il ne l'avait pas lui-même entendu sur place - du fameux discours prononcé à l'église Notre-Dame par Henri Bourassa défendant la cause du maintien du français au Canada. En 1912, en plein milieu de sa troisième année de théologie, il suit avec un intérêt toujours grandissant les annonces dans les journaux, surtout dans le Devoir, du prochain Congrès de la langue française devant se tenir au mois de juin dans la ville de Québec.

 

Stimulé par l'annonce de ce grand événement et par les remous qu'il provoque déjà, non seulement dans la province de Québec et dans tout le Canada français, mais en Nouvelle-Angleterre où ont émigré une foule de Canadiens-Français, le jeune étudiant en théologie décide de faire sa part, d'apporter sa contribution à la préparation de ce Congrès et, le 16 mars 1912, il fait paraître, en première page du journal le Devoir, un article intitulé La langue française et le commerce avec sous-titre: Un petit examen de conscience. Prudent et encore discret, - il n'est qu'en troisième année de théologie et ne sera ordonné prêtre qu'au milieu de l'été suivant, - il signe son article d'un

pseudonyme: Pierre Homier, en partie emprunté au nom de famille de sa grand-mère, Sophie Homier, épouse de son grand-père, Joseph Papin, ancien député de l'Assomption.

 

Bien que se référant à un événement passé, cet article, qui allait être suivi de plusieurs autres, n'en décrit pas moins une situation longtemps prédominante à Montréal, comme on peut en juger d'après les extraits suivants:

 

« Le Congrès de la langue française aura lieu bientôt. À son approche, l'âme nationale semble s'émouvoir. D'imposantes assemblées se tiennent dans nos grandes villes, de plus modestes dans nos campagnes. Aux foules qu'elles groupent, d'éminents orateurs demandent un patriotique concours afin que le ralliement de juin marque une date dans notre histoire. Et presque partout les foules, enthousiastes, répondent généreusement à cet appel.

 

« Une telle activité est admirable. Tous les vrais Canadiens-Français y applaudissent. Notre patriotisme cependant ne saurait s'en contenter. II réclame d'autres efforts. Le Congrès est un moyen très efficace au service d'une cause sacrée, il n'est pas la cause elle-même. Et ceux-là, par conséquent, commettraient une lourde erreur qui croiraient s'être acquittés de toutes leurs obligations envers leur langue, parce qu'ils ont approuvé, d'une parole ou d'un acte, la grande manifestation que préparent les sociétaires du parler français.

 

« De ces gens, notre ville en compte plusieurs. Ils se sont rendus l'autre jour à l'assemblée tenue dans leur paroisse, ils ont applaudi l'exposé de nos droits, peut-être ont-ils acheté une carte de congressiste, puis, la conscience tranquillisée par cette action, ils continuent avec non moins d'ardeur qu'auparavant, à se servir presque exclusivement, dans leurs affaires, de la langue anglaise.

 

« Un petit examen de conscience sur ce point ne serait-il pas opportun? Et de toutes les préparations au congrès, celle-ci n'est-elle pas une des plus pratiques? Nous nous permettons de la recommander spécialement aux hommes de la classe commerciale. Oh! ce n'est pas que nous doutions de leurs bonnes dispositions, mais plus que d'autres ils sont exposés à oublier leur langue, et cet oubli, dans beaucoup de cas, peut avoir de très funestes conséquences.

 

« Prenons un exemple. Le commerce en gros des biscuits et des bonbons est exploité avec succès par plusieurs de nos compatriotes. Une curiosité, bien légitime, nous a portés à faire une petite enquête dans ce domaine. Qu'avons-nous constaté?

 

1°      Quelques manufacturiers dirigent leur commerce sous un nom de compagnie anglais;

 

2°   Plusieurs excluent totalement ou presque totalement la langue française de leurs annonces, catalogues, correspondances, etc.;

 

3°      Tous, ou à peu près tous, étiquètent leurs produits en anglais...

 

« Or ces manufacturiers ont une clientèle presque exclu­sivement canadienne-française. Sur quelles raisons peuvent-ils s'appuyer pour trahir ainsi leur langue?

 

« Le premier fait est absolument inexcusable. Les exemples sont trop nombreux d'entreprises commer­ciales se présentant sous un nom français et réussissant admirablement.

 

« Le deuxième ne peut s'excuser davantage. En sup­posant qu'une manufacture ait quelques clients anglais, il serait ridicule de soutenir qu'elle ne peut les bien servir sans faire souffrir ses nombreux clients français. Est-il si difficile et si dispendieux d'avoir deux séries de catalogues, ou encore des catalogues bilingues? Nous en avons quelques-uns sous les yeux, et ils n'ont pas ruiné les maisons qui les ont publiés.

 

« Reste le troisième fait. Voici comment le justifiait un des manufacturiers en cause. « II faut d'abord se faire comprendre. Or notre population ne connaît la plupart des produits que nous fabriquons que sur leur nom anglais. En voulez-vous la preuve? Nos maisons d'éducation, qui devraient être les premières à donner l'exemple en cette matière, ne commandent jamais... (qu'en anglais). »

 

« Que plusieurs maisons d'éducation - non pas toutes - et la plupart des commerçants en détail agis­sent ainsi, c'est malheureusement vrai. Mais est-ce bien le client et non pas plutôt le manufacturier qu'il faut tenir responsable de cet état de choses? Pourquoi des Canadiens-Français instruits et soucieux de parler leur langue emploient-ils les mots (anglais) que nous venons de citer, si ce n'est parce qu'ils les ont cueillis dans le catalogue même de leurs fournisseurs, parce qu'ils les ont lus sur leurs boîtes et quelquefois même sur leurs produits, parce qu'ils n'ignorent pas que neuf fois sur dix une commande, rédigée en d'autres termes, serait exposée pour le moins à de longs retards?

 

« Quant au peuple, nous admettons volontiers que son éducation est à refaire sur ce point, mais encore un coup celui qui l'a faussée et qui seul maintenant peut la redresser, c'est le manufacturier. La chose saute aux yeux. Quelques-uns heureusement ont résolu de s'y mettre...

 

« D'aucuns nous reprocheront peut-être de nous attarder à des bagatelles. Ne ferions-nous pas oeuvre meilleure en travaillant à fortifier l'enseignement du français dans nos écoles et nos familles?...

 

« Sans doute, le devoir qui incombe aux parents et aux maîtres est important. Ils ne sauraient le remplir avec trop de soins. Mais encore ne faut-il pas que les leçons de la vie, celles surtout qu'on reçoit dans un âge jeune et qui s'impriment si facilement, viennent détruire leur enseignement. Or elles le détruisent presque toujours, quand l'enfant à qui on l'inculque, est obligé chaque fois qu'il entre dans un magasin de bonbons de se violenter la mâchoire pour demander un bâton de « marschmallow » ou une boule de « popcorn » ou encore lorsque voulant montrer à la table de famille ses premiers progrès linguistiques il épelle péniblement sur le biscuit qu'il va manger: Tea ou Princess. Faits qui peuvent paraître de peu d'importance, mais dont l'influence sur une âme d'enfant est profonde. Ils l'habituent à considérer tout un domaine de la vie, celui souvent où s'écoulera la majeure partie de son existence, comme complètement fermé à la langue de sa race. Et l'impression ainsi reçue n'est pas lente à porter ses fruits. Si la jeunesse d'aujourd'hui l'a déjà subie, de grâce préservons-en la génération qui dort encore dans nos berceaux. »

 

Ce n'était là qu'un premier article. Un deuxième devait paraître, toujours en première page du Devoir, le lundi 8 avril 1912, sur le même sujet La langue française et le commerce, portant cette fois sur Les noms des compagnies. Pierre Homier se réjouissait de ce qu'une compagnie avait décidé de franciser son nom et il en profitait pour en inviter d'autres à suivre cet exemple.

 

VI - LA LIGUE DES DROITS DU FRANÇAIS (1913)

 

Ces premiers articles publiés dans le journal Le Devoir des mois de mars et d'avril 1912 devaient être suivis de plusieurs autres jusqu'au mois de juin 1913, réclamant toujours une meilleure place à la langue française dans les affaires au Québec, à Montréal en particulier. Pierre Homier, - pseudonyme du P. Archambault, - qui les signait, achevait alors sa quatrième année de théologie et avait commencé à recevoir une quantité de lettres, les unes l'approuvant, d'autres lui signalant des cas de manquements au français. L'idée lui vint alors d'établir un secrétariat où seraient acheminées toutes ces lettres et qui pourrait se charger d'y répondre. Parlant de son projet, lui-même s'en expliquait dans un article de l'Action française de janvier 1921, intitulé Les origines de l'Action française. En voici les principaux extraits:

 

« Un bon nombre de lettres signalaient des cas où la langue française était bafouée et sollicitaient une intervention personnelle. L'idée me vint alors d'un secrétariat qui concentrerait ces observations et ces plaintes, les examinerait, puis ferait ensuite, non plus au nom d'un homme seulement, mais d'un groupe, les réclamations nécessaires. Je m'ouvris de ce projet à deux amis profondément dévoués à la langue française, le docteur Joseph Gauvreau et Omer Héroux. Il leur plut. Héroux suggéra que l'oeuvre s'appelât ligue plutôt que secrétariat. Cela donnerait plus de poids aux interventions. Nous tombâmes d'accord sur ce point comme sur les autres. Bref une réunion prochaine fut décidée où chacun amènerait un compagnon. Les six constitueraient le groupe fondateur. On y étudierait les statuts de la ligue et la campagne à entreprendre.

 

« La réunion eut lieu le jour fixé. Héroux, suivant sa modestie habituelle, s'effaça - nous devions heureusement le ressaisir plus tard - mais il nous envoya deux amis au lieu d'un. C'était le 11 mars 1913, un mardi, à 4 heures du soir, dans le bureau du docteur Gauvreau. Outre celui-ci, se trouvaient présents: MM. A.-G. Casault, Henri Auger, Léon Lorrain, Anatole Vanier et l'auteur de ces lignes (Pierre Homier). Les délibérations furent brèves et cordiales. Un même esprit nous animait. Certes aucun de nous ne prévoyait alors les développements qu'allait prendre cette humble initiative. Mais tous, il me semble, avaient conscience de faire oeuvre utile, de servir fidèlement leur langue et leur nationalité. Nous adoptâmes les règlements suivants préparés à l'avance ». (Voici seulement les deux premiers articles.).

 

« Article I - Il est formé entre les personnes qui adhèrent aux présents statuts une Association appelée LIGUE DES DROITS DU FRANÇAIS. Elle a son siège social à Montréal.

 

Article II - La LIGUE DES DROITS DU FRANÇAIS a pour but de rendre à la langue française, dans les différents domaines où s'exerce l'activité des Canadiens-Français, et particulièrement dans le commerce et l'industrie, la place à laquelle elle a droit ».

 

Le texte, toujours signé du pseudonyme de Pierre Homier, se poursuivait en ces termes:

 

« Il nous fallait un secrétaire, cheville ouvrière de l'oeuvre. Notre choix n'hésita pas. Il se porta sur le plus ardent du groupe, le plus en vue aussi par sa position sociale, le docteur Gauvreau. Son acceptation d'ailleurs, pressentie à l'avance, avait été posée comme essentielle de la fondation de la Ligue. (...)

 

« Le premier acte de la Ligue fut la publication d'un manifeste. Adressé aux principaux journaux, répandu sous forme de tract à plusieurs milliers d'exemplaires, il indiquait sa raison d'être et ses moyens d'action.

 

« Le mouvement que nous entreprenons, y lisons-nous, n'est nullement un mouvement de provocation, une déclaration de guerre. Notre langue a des droits: droits naturels, droits constitutionnels. Nous voudrions qu'ils ne restent pas lettre morte, nous voudrions surtout que nos compatriotes soient les premiers à les respecter. Et comme leur abandon provient le plus souvent du laisser-aller, de l'insouciance, de l'inertie, c'est à ces plaies que la Ligue va d'abord s'attaquer. »

 

Puis un peu plus loin:

 

« Une initiative nous a paru s'imposer. C'est l'établissement d'un bureau français de publicité. Il est déjà en partie organisé. Deux écrivains de talent, possé­dant à fond les langues française et anglaise, sont à notre disposition. Ils réviseront, traduiront, rédigeront, moyennant une rétribution raisonnable, tout travail qu'on voudra bien leur confier: annonces, catalogues, prospec­tus, etc. »

 

« Ce bureau fonctionna sur-le-champ. Anglais com­me Canadien-Français y eurent recours. Il satisfit les uns et les autres. Une exposition de catalogues et de calen­driers français que nous organisâmes à Montréal con­tribua à accroître sa clientèle. Elle eut aussi le bon effet d'offrir une démonstration vivante de notre thèse et de convertir plusieurs incrédules à l'annonce française. Quelques mois plus tard nous pouvions publier une liste de vingt maisons montréalaises imprimant des calen­driers français. (...).

 

« Pour absorbantes que fussent ces tâches, elles n'ac­caparaient pas cependant l'activité principale de la Ligue. Les interventions auprès des gouvernements, des municipalités, des industries, des maisons de com­merce, des simples particuliers, avaient le premier pas...

 

« Ces efforts ne furent pas vains. L'immensité de la tâche à accomplir a pu donner le change à des obser­vateurs superficiels. Mais si l'on veut considérer atten­tivement les faits, on constatera qu'il s'est produit une transformation radicale dans plusieurs industries, et ailleurs de nombreuses améliorations partielles. Et pour qui connaît la puissance de l'éducation visuelle, l'in­fluence des objets vus et revus chaque jour sur les cerveaux d'enfants et même d'hommes faits, d'avoir débarrassé des façades de maisons ou des couvercles de boîtes de caractères saxons pour y substituer des lettres françaises, ce n'est pas un résultat, certes, qu'on ait le droit de passer sous silence. (...).

 

« Le 2 février 1915, nous eûmes la bonne fortune de ressaisir notre camarade Héroux, puis de nous adjoindre une haute personnalité, le R.P. Guillaume Charlebois, provincial des Oblats du Canada, et l'un de nos membres depuis déjà plusieurs mois... Le P. Charlebois revenait ordinairement d'un voyage à Ottawa et, de son ton calme, nous détaillait les péripéties de la lutte livrée autour des écoles; Héroux, que les avant-postes ont toujours attiré, buvait ces paroles et les commentait de ses souvenirs.

 

« Ce fut ensuite l'entrée dans notre comité de Louis Hurtubise - qui devait devenir secrétaire général, puis trésorier -, à la place du P. Charlebois, obligé de nous quitter; puis l'installation de notre secrétariat dans l'immeuble Dandurand, grâce à la générosité de son propriétaire; puis le départ de Lorrain, et son remplacement par l'abbé Groulx. »

 

VII - L'ACTION FRANÇAISE (1917)

 

Dès sa fondation, en mars 1913, la Ligue des Droits du français avait décidé de lancer un manifeste indiquant la raison d'être et les moyens d'action de la Ligue. Ce manifeste parlait aussi de prochaines publications. Au mois de juin de la même année paraissait sous le titre: La langue française au Canada. (Faits et réflexions), une brochure d'une centaine de pages, préfacée par le docteur Gauvreau et contenant la série d'articles publiés dans le Devoir.

 

Écrivant dans la revue l'Action nationale de mars-avril 1963, le directeur d'alors, M. François-Albert Angers parlait de ces articles du P. Archambault comme ayant demandé beaucoup de courage pour l'époque et préparé un meilleur avenir pour la cause du français:

« Ils sont une très modeste graine par comparaison au grand arbre qui en devait sortir. Car ils portent sur un problème très limité: des raisons sociales françaises, des catalogues en français, des dépliants publicitaires et des calendriers d'étrennes en français, au moins, venant de la part de nos maisons canadiennes-françaises pour la clientèle canadienne-française. Nous en étions-là en 1912... et sommes-nous tellement plus loin en 1963!

 

« Les articles étaient très concrets, très modernes par suite de leur approche. Pas de grands discours ou de grands principes, mais des enquêtes, des constatations, des observations faites dans les différents quartiers de Montréal, de la correspondance reçue de l'extérieur. À quoi s'ajoutent des réflexions, en apparence très terre à terre, mais en réalité très pénétrantes, sur l'influence que tout ce "visage" anglais ne saurait manquer d'avoir sur notre psychologie d'adulte, sur la formation de notre sens national dès notre plus tendre enfance.

 

« Il a été de mode, il y a quelques années, de mépriser ce genre d'action nationale; de le trouver étriqué, recroquevillé, dépourvu d'ampleur: un nationalisme d'atmosphère de cave, qui sent le moisi, a-t-on dit, au lieu du dégagement des grands espaces et des grandes bouffées d'air pur. Pourtant j'ose dire que le Père Archambault était en fait plus près des vrais problèmes, au niveau concret du peuple, où doit commencer toute restauration, que trop de grands esprits pour qui l'humanisme populaire n'était en fait que jeux de mots dans l'esprit, quand ce n'était pas simplement occasion de susciter des remous dans notre société, histoire de s'y faire remarquer... La campagne actuelle (1963) n'est qu'une reprise de la campagne commencée par le Père Archambault en 1912... »

 

Le docteur Joseph Gauvreau avait accepté de préfacer la brochure de Pierre Homier: La langue française au Canada (Faits et réflexions); de cette préface, écrite le 24 juin 1913, il convient de citer au moins cet extrait:

 

« Pierre Homier, dans les veines duquel bouillonne le plus pur sang de notre race, avait compris la situation anormale au parler français. L'atmosphère de patriotisme que crée le Congrès de la langue française, tenu à Québec l'an dernier, lui laissa entrevoir qu'une campagne vigoureuse produirait d'excellents fruits. Saisissant son mâle outil, Pierre Homier procéda par étapes. Il fit connaître tout d'abord cette situation faite à notre langue dans le commerce et l'industrie; il se plaignit de l'indifférence de nos compatriotes en matière si essentielle à la vie, au coeur et à l'âme nationale; il signala les faits, multiplia les exemples d'abdication grossières; il ridiculisa le calendrier anglais publié par des marchands canadiens-français et mis à la place d'honneur dans l'humble logis de nos ouvriers; puis il finit par tomber à bras raccourcis sur les plus coupables: les annonceurs et les acheteurs...

 

« Comme tous les Canadiens-Français qui réclament énergiquement leurs droits, Homier reconnaît ceux des autres. On ne saurait trouver dans ses articles, écrits souvent sous le coup d'une juste indignation, une seule phrase, un seul mot qui soit une attaque contre la race anglaise. Ceux qu'il fustige ou qu'il fouaille, ce sont ses propres compatriotes trop lâches pour se tenir debout devant des hommes qui cependant ne les respectent que dans cette posture... Aussi la Ligue des Droits du français, qui entend s'inspirer de cet esprit, a-t-elle cru utile au but qu'elle poursuit de réunir en brochure les articles de Pierre Homier. »

 

En 1917, la Ligue des Droits du français lance la revue L'Action française et décide de demander au gouvernement provincial une charte d'incorporation sous le nom de Ligue d'Action française. Parmi les neuf membres qui ont signé cette requête d'incorporation, on relève les noms des abbés Philippe Perrier et Lionel Groulx et du Père Joseph-Papin Archambault. Ce dernier va continuer, dans la nouvelle revue qui vient de se fonder, toujours sous le même pseudonyme de Pierre Homier, à publier une chronique mensuelle dite À travers la vie courante, dans laquelle il poursuit le même objectif qu'il avait poursuivi autrefois dans la série d'articles publiés dans le journal le Devoir de 1912 et de 1913, c'est-à-dire la défense de la langue française, ou, pour employer l'expression même qu'emploiera plus tard l'abbé Groulx en 1966, il mène « sa petite guerre » pour sauver et défendre la langue française au Canada, et d'abord au Québec, tout particulièrement à Montréal.

 

Au début, le groupe se réunissait dans un petit local que la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal avait mis à leur disposition au Monument national (1182, rue St-Laurent, Montréal) sous l'escalier d'entrée. Quelques années plus tard, il devait transporter son lieu de réunion et son bureau au neuvième étage du nouvel édifice Dandurand. Pierre Homier écrit à ce sujet:

 

« Nous nous croyions vraiment presque propriétaires de l'immeuble - puisqu'on ne nous tenait plus sous l'escalier! -   et on put voir, un jour, dans l'Almanach, le superbe édifice de neuf étages avec ce titre flamboyant: Siège social de l'Action française ! Ce sont des millionnaires, durent se dire nos amis éloignés. »

 

Et le Père Archambault d'ajouter en note au bas de la page:

« Quelqu'un qui, lui, ne demeurait pas loin et nous connaissait mieux, me rencontrant quelques jours après cette publication, me jeta toute l'aventure sur le dos, en me lançant cette apostrophe:: Eh! ces Jésuites! c'est cela, je suppose, que vous appelez, vous autres, une restriction mentale! »

 

En 1921, cependant, il devait peu à peu abandonner sa chronique mensuelle A travers la vie courante, puisqu'il venait de quitter Montréal pour se rendre à Québec et prendre en charge une autre maison jésuite de retraites fermées, la Villa Manrèse. Mais la revue n'en continua pas moins à publier la même chronique signée d'un autre pseudonyme LE VEILLEUR.

 

Le 12 décembre 1926, la Ligue d'Action française fêtait son dixième anniversaire de fondation, journée que la revue elle-même, dans son numéro du même mois, a décrit comme « une fête du souvenir et une journée d'étude... En une même pensée fervente et dévouée, l'avenir et le passé étaient unis par l'évocation des initiateurs de notre oeuvre et l'étude d'un problème dont dépend demain. »

 

Ce même numéro de décembre 1926 contient le texte des allocutions prononcées au cours du banquet au soir de ce Dixième anniversaire: celles du R.P. J.-P. Archambault, de M. Anatole Vanier et de M. René Chaloult. Parlant de la première allocution, le rapporteur disait: « Quel charme ce fut quand le R.P. Papin Archambault, S.J. fit défiler, délicatement dessinées les silhouettes des bons artisans de la première heure! Que de rêves caressés, que de projets formés, que d'idées émises par la phalange des directeurs de la période héroïque!... »

 

Ce soir-là, le P. Archambault avait intitulé son allocution, LES PIONNIERS. Reprenant et complétant son article de janvier 1921 sur Les origines de l'Action française , il commençait par faire l'éloge de ses premiers compagnons en particulier de ceux qui avaient fondé la revue, Omer Héroux, Joseph Gauvreau, Anatole Vanier, etc.; puis, il révélait, entre autres choses, que lors de l'absence du directeur de la revue, l'abbé Groulx, pour un an en Europe, il avait fait partie d'un trio, d'une sorte de triumvirat, chargé de diriger la revue. Dès le mois de juillet 1921, en effet, celle-ci avait annoncé que « le directeur de l'Action française, M. l'abbé Lionel Groulx, s'embarquera le 6 août prochain, pour un long voyage d'études en Europe. Il ne reviendra pas au pays avant un an. En son absence, un comité de rédaction dirigera la revue. »

 

Le texte de l'annonce en question ne donne aucun nom. Pour connaître les membres de ce comité, il faut se référer à l'allocution du P. Archambault du 12 décembre 1926, lors de la fête dite du Dixième anniversaire de l'Action française. Après avoir relaté des faits déjà connus, l'orateur en révélait aussi quelques-uns encore ignorés du grand public. Il disait:

 

« La revue avait été fondée en janvier 1917. Dès mars, un nouveau directeur de la Ligue prenait rang parmi nous. Cette date mérite d'être retenue, car la Providence nous amenait alors, celui qui devait plus tard recueillir la succession de M. Héroux, puis devenir le vrai chef de notre Ligue, son théoricien et son animateur, l'abbé Lionel Groulx.

 

« C'est en octobre 1920 que M. Héroux dut abandonner la charge de directeur de la revue... L'abbé Groulx, à son tour, allait nous imposer une interruption d'un an, de mai 1921 à mai 1922, pour un voyage en Europe. Ce fut assez dur pour l'oeuvre. Il fallait suppléer, du jour au lendemain, une direction brillante. Or, on ne s'improvise pas directeur d'une revue, surtout quand celle-ci est l'organe d'une doctrine.

 

« Puisque aucun d'entre nous ne se sentait de taille à assumer seul la tâche, nous l'acceptions à trois. Et si je rappelle, non sans émotion, ce bref triumvirat, c'est qu'il m'accorda une des meilleures joies qui se puisse goûter ici-bas, celle de prendre contact, dans une collaboration intime et presque quotidienne, avec de nobles caractères, avec deux âmes d'élite. »

(Suivent deux paragraphes dans lesquels l'orateur trace le portrait et fait l'éloge des deux compagnons qui, avec lui, ont pendant un an dirigé la revue: Antonio Perrault et Joseph Blain.).

 

En terminant, l'orateur évoquait une dernière figure du « groupe des premières années de l'Action française, qui s'étend de 1917 à 1922 »: l'abbé Philippe Perrier. Chez lui se réunissaient souvent les membres de la Ligue:

« Et c'était toujours lui, l'abbé Perrier, qui savait dans de brefs aperçus théologiques, philosophiques ou pédagogiques, mettre au point la question débattue et lui donner la vraie solution. Que de notions justes, que de faits lumineux, que de jugements sûrs, nous avons rapportés de ces causeries intimes qu'animaient la science profonde et l'extrême charité du distingué président de la Ligue d'Action française.  »

 

Le texte de cette allocution que publia la revue en décembre 1926 allait se révéler l'une des dernières contributions du Père Archambault à l'Action française. Désormais, il devra se restreindre et concentrer surtout ses activités sur deux autres oeuvres qui l'ont toujours attiré et dont toute sa vie il conservera la charge: le souci des maisons de retraites fermées et la promotion intensive du catholicisme social, en particulier des Semaines sociales du Canada qu'il avait fondées en 1921 et dont il assuma la présidence durant près de quarante ans, ensuite de l'École sociale populaire, dont il deviendra le directeur en 1929 et le restera jusqu'en 1959.

 

Durant cette longue période, il se gardera bien d'oublier ses premières et anciennes amours avec ses collègues d'autrefois et, après la disparition de l'Action française à la fin de 1928, il s'emploiera, à son retour à Montréal en 1929, à relancer, une autre ligue du même genre, appelée Ligue d'Action nationale, dont il acceptera de faire partie, toujours sous le traditionnel pseudonyme de Pierre Homier, ensuite une revue destinée à continuer l'oeuvre de l'ancienne et dont le premier numéro paraîtra en janvier 1933, sous le nom de l'Action nationale, contenant à la fois un article signé du nom de Joseph-Papin Archambault et une chronique sur La vie courante se rapportant à la toujours actuelle et nécessaire francisation du Québec, mais signée du pseudonyme Pierre Homier.

 

Au maintien de la nouvelle Ligue ainsi qu'au succès de la revue, le Père Archambault ne cessera de s'intéresser jusqu'à la fin de sa vie. Désormais, cependant, le gros de son activité se portera ailleurs, notamment dans le domaine social.

 

En guise de conclusion à cette première partie sur l'oeuvre du Père Archambault pour la défense de la langue française, il convient de citer le témoignage que lui rendit Me Antonio Perrault dans l'Avant-Propos de la brochurette Consignes de demain, publiée en 1921. Après avoir énuméré les ouvriers de la première heure qui avaient participé à la fondation de la Ligue des Droits du français, puis de la Ligue d'Action française, l'avocat montréalais écrivait:

« A cette liste il manque un nom, celui du Révérend Père Joseph Archambault. Si mon avant-propos n'avait pas d'autre résultat que de réparer cet oubli, je m'estimerais heureux de l'avoir écrit. C'est en grande partie à ce dévoué jésuite que revient le mérite d'avoir fondé notre oeuvre, de l'avoir conservée fidèle à son programme. Le Père Archambault fut au Canada l'un des premiers apôtres de l'action sociale. Il comprit qu'à cette phase de son développement, il était urgent pour notre pays d'arrêter son attention sur l'étude des problèmes liés à la question sociale et d'employer son énergie à les résoudre. Le président des Semaines sociales du Canada fut en ce sens un précurseur; ses livres et ses articles éclairèrent ce domaine et fut le point de départ d'heureuses initiatives. Mais le terrain social n'est pas le seul où le directeur de l'Oeuvre des retraites fermées dépense son étonnante activité. Tous ceux qui depuis une dizaine d'années soutiennent chez nous les diverses entreprises vouées à l'action catholique et française, savent seuls ce qu'ils doivent au Père Archambault, l'appui précieux qu'ils trouvent dans la chaleur de son enthousiasme et la lumière de sa foi, dans son ardent patriotisme et sa charité intellectuelle. L'Action française en a bénéficié plus que personne. Elle ne l'oubliera point. »

 

Source  : Richard ARÈS, s.j., « Un défenseur du Français : le père Joseph-Papin Archambault, s.j. », dans l'Action nationale , Vol LXX, No. 8 (avril 1981) : 637-644; Vol. LXX, No. 9 (mai 1981) : 757-764; Vol. LXX, No 10 (juin 1981) : 843-856.

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College