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Last revised:
23 August 2000


Siegfried: the Race Question

ERREURS ET PRÉJUGÉS À PROPOS D'UN LIVRE PERFIDE.

ANDRÉ SIEGFRIED : « LE CANADA, LES DEUX RACES. »

Première partie

Par

Raphaël Gervais [pseudonyme de Dominique-Ceslas Gonthier]*

 

Alcipe (1) ne veut rien en dire : il a peur que je le compromette. Auprès de qui ? de ses amis ? Ils le connaissent déjà, assez pour ne pas douter de son dévouement et pour redouter quelquefois sa sincérité. De ce côté il n'a rien à perdre ni à gagner.

Craint-il qu'on le jette malgré lui dans quelque bagarre d'idées, où il lui répugnerait également et d'avoir l'air de trahir sa pensée et de ne pas paraître ami de la paix ? Il est sûr qu'il n'a pas l'humeur combative et qu'il laisse volontiers à d'autres le soin de réveiller en sursaut l'opinion. Il n'est jamais plus ravi que lorsque son opinion est celle de tout le monde ou que l'opinion de tout le monde peut honnêtement être la sienne. Il aurait à combattre le diable en personne qu'il se préoccuperait, non de tirer le prochain de ses griffes, mais de ne pas lui faire de peine, au diable, pour ne pas empêcher sa conversion. Charité admirable, sans doute, et plus que divine.

Mais je soupçonne chez lui un autre sentiment qui honore son coeur plus que son esprit, celui d'un chauvinisme de race qui l'empêche, non de voir « le péril français» et de le redouter pour son pays, mais de paraître ne pas adorer tout ce qui vient de France, parce que c'est français. Tout cela avec un désintéressement de Chartreux. Ce n'est pas lui qui mendiera en Europe ni une croix, ni un ruban, ni un titre quelconque, ni une palme académique. S'il écrit un livre, - ce dont je ne le peux soupçonner, - il ne fera pas une démarche pour décrocher ou une couronne d'immortelles, ou un titre de docteur ès lettres, ou un article qui signalera son ouvrage à la sympathie sinon à l'attention du grand public de là-bas. Il ne flirte pas volontiers avec les officiels ou les officieux qui viennent de France ; il trouve que ces messieurs ont en général trop de langue pour ce qu'ils ont de cervelle et lui donnent une idée qui n'est pas juste de sa France à lui, qu'il n'a jamais vue, mais toujours aimée, et qu'il aimera toujours parce qu'il la verra toujours telle qu'elle a été souvent et telle qu'elle devrait être toujours. Penser et dire du mal de la France, Dieu l'en garde ! et il a raison. Dire du mal, non de la France, mais de ces Français qui se font chez nous consciemment ou sans le savoir les semeurs d'erreurs religieuses et sociales qui perdent en France un si grand nombre d'esprits faits pour être sains et sensés, il ne peut s'y résoudre. Il lui semble que l'Anglais bénéficiera de tout ce qui rapetisserait un Français. Il n'est pas national seulement, il est nationaliste, dans le sens le plus étroit du mot.

Pour moi, je crois que le meilleur moyen de guérir la peste n'est pas de l'ignorer. Tant pis si elle vient de France ! Ce n'est pas parce qu'il est français que je combats le fléau, mais parce qu'il veut perdre mon pays. C'est pourquoi, n'aspirant pas plus qu'Alcipe à une couronne ou à un doctorat quelconque, et ne croyant nullement par là faire l'affaire des Anglais, je dirai seul ma pensée sur le livre de M. Siegfried.

**********

Ce livre ne me semble pas merveilleux. L'auteur a l'esprit clair et méthodique, ce qui est naturel aux « Français de France ; » il écrit sans charabia, en quoi il n'est pas littéraire au sens moderne du mot, et je l'en félicite. Ayant bien étudié sur place pendant des mois, il donne bien des renseignements exacts sur notre vie politique et sur les relations extérieures de notre pays, mais pour les donner il n'a eu guère qu'à les désimprimer ou à les écrire sous la dictée d'hommes bien informés, dont il ne serait peut-être pas impossible de trouver les noms. Ce qui lui appartient en propre, c'est l'ordre et la clarté de l'exposition qui ne laissent pas à désirer: il faut l'en féliciter, ainsi que de la sincérité qu'il a mise à se renseigner et à, montrer les faits tels qu'ils les a vus et non tels qu'il les a imaginés; en quoi il diffère du très grand nombre des Européens qui nous font l'honneur de nous découvrir et de nous faire connaître au Vieux Monde, et se montre plus consciencieux que la plupart qui écrivent en France sur le Canada après avoir imaginé qu'ils l'ont connu et compris. M. Siegfried est sérieux. Il a voulu voir et dire nettement ce qu'il a vu. S'il trompe, c'est qu'il est trompé lui-même par son préjugé sectaire. Ses appréciations ne manquent point de parti-pris quand elle sont personnelles, et ses vues n'ont en général aucune élévation ni profondeur. Somme toute, son livre ne vaut pas la réputation qu'on lui veut faire. En ce qu'il a de bon il ne dit guère que ce que tout le monde ici n'ignore point, bien qu'il le dise mieux et d'une façon plus intéressante qu'une plume ordinaire ne le pourrait dire; en tout ce qui n'est pas un exposé des faits assez facile à faire même plus complètement, il est souvent nul et parfois détestable.

Faut-il des preuves à l'appui d'un jugement qui paraîtra sévère et nullement dans la note de réclame de la Patrie?

Pour voir qu'au Canada il y a antagonisme entre deux races, que cet antagonisme des deux races tient à l'opposition des deux civilisations et que l'opposition des deux civilisations tient surtout à l'antagonisme de deux religions, ou si l'on veut, de deux esprits religieux, il n'est pas nécessaire d'être prophète ni d'arriver du Vieux Monde. M. Siegfried l'a vu : en quoi il a fait preuve de bon sens, et il le dit avec netteté, ce qui fait honneur à sa sincérité et à son talent d'écrivain. Il le faut louer, parce que ce mérite est rare parmi ses confrères, je viens de le dire, mais modérément, parce que ce mérite n'est pas grand.

Où il y eût eu mérite plus qu'ordinaire, c'eût été à faire la philosophie vraie de notre histoire et à discerner dans le présent et dans le passé les signes sûrs et probables de l'avenir. M. Siegfried a bien parlé de notre passé et de notre avenir, mais en vulgarisateur qui se contente de dire ce que tout le monde en sait et généralement croit en penser, non en philosophe qui arrache aux faits des secrets inconnus au vulgaire. C'est pourquoi tout son livre me semble médiocre : il tait ce qu'il devrait dire, et méconnaît parfois ce qu'il devrait mettre en lumière.

Cela devait être. Je ne crois pas que M. Siegfried soit ce qu'on peut appeler un penseur, au moins son livre ne m'en donne point l'idée. C'est un esprit clair, net et positif, qui s'assimile facilement et rend avec une limpidité parfaite tout ce qu'il s'est assimilé. Ce n'est ni une source, ni un fleuve, c'est une éponge : il n'en sort que ce qu'elle a reçu. Mais fût-il un esprit supérieur, l'auteur a deux infirmités intellectuelles qui l'empêchent de bien comprendre notre passé et d'augurer sagement de notre avenir: il est huguenot de naissance, et libre-penseur de profession, et par suite ne comprend rien à l'action vraie du catholicisme sur les peuples. Il ne peut donc bien comprendre ni l'histoire de l'ancienne France ni l'histoire de la nouvelle.

Veuillot prétendait que qui n'est pas chrétien et ne l'a jamais été ne saurait être maître de la langue française et la parlerait toujours plus ou moins en étranger. Ce qui est vrai de la langue de la France l'est aussi de son histoire. Impossible à qui n'est pas chrétien ou ne l'a jamais été de voir clair et juste dans l'histoire de la France au delà et en deça de l'Atlantique. Quoi qu'en disent des penseurs superficiels qui prennent de jolies phrases pour des pensées profondes et des épigrammes bien tournées pour des jugements d'histoire, la vraie France, de Clovis à Louis XIV, a été religieuse, non certes en chacun de ses enfants, ni toujours en chacune de ses couches sociales, mais comme une nation le peut être dans une vie de douze siècles, par ce qui fait vraiment une nation religieuse, l'esprit, l'action et les oeuvres (2).

Alcipe va se récrier et dire que j'exagère. M. Siegfried est chrétien puisqu'il est protestant. Je n'exagère point, excellent Alcipe. Il y a des protestants qui sont chrétiens, Dieu merci, et dans notre pays c'est peut-être le grand nombre : ceux-là sont protestants, le mot serait juste ici, par accident de naissance ou d'éducation ;ils n'ont pas l'esprit protestant. Mais l'esprit du protestantisme est ce qu'il y a de plus opposé au christianisme ; et ceux qui en sont possédés sont les plus actifs démolisseurs de la foi chrétienne. Les ennemis de l'idée chrétienne ne s'y sont point trompés; ils ont dit eux-mêmes : « Il faut protestantiser la France pour la déchristianiser. » A l'heure qu'il est il n'y a plus qu'une forme vivante de l'idée chrétienne, c'est l'idée catholique. C'est cette forme que M. Siegfried ne comprend pas. Cette inintelligence, volontaire ou non, le rend souverainement impropre à comprendre l'histoire vraie de la France et notre propre histoire, qui n'est en grande partie qu'un bel épisode de l'histoire de France. Il la récite comme on la lui a racontée, mais comme une narration lue dans une langue peu familière et qu'il comprend imparfaitement.

A cela tient que les parties les plus faibles de son livre sont celles qui étaient les plus faciles à faire pour un catholique, et même pour un penseur qui ne serait pas pris d'ophthalmie [sic] antichrétienne. La deuxième, où il traite de la vie politique au Canada, est à mon sens la meilleure. Je ne veux pas dire que toutes les appréciations en doivent être acceptées sans appel: elles se sentent parfois trop du milieu que l'auteur a fréquenté, et n'ont peut-être pas toujours l'impartialité que l'auteur veut garder sur le terrain purement politique. Il y fait des aveux qui ne laisseront pas d'embarrasser ses amis et que dans ma bouche, par exemple, on prendrait pour des accusations injustes et déloyales. (Voir en particulier le ch. XXII). La troisième, « De l'équilibre des races au Canada, » est courte et superficielle. Il y aurait beaucoup à dire sur le premier chapitre en particulier, le XX VIIIe de l'ouvrage. La quatrième, qui traite des relations extérieures du Canada, donne en général la note exacte des faits et de l'opinion du pays. Le chapitre qui la termine avec l'ouvrage jette un coup d'oeil clair et rapide sur l'avenir politique du Canada. Les prévisions de l'auteur n'apprendront rien aux Canadiens que préoccupe ce problème de l'avenir de leur pays; elles sont à peu près celles de tout le monde. Quelles que soient les transformations politiques du Canada, le groupe franco-canadien gardera-t-il substantiellement intactes sa langue et sa civilisation? Ou se fusionnera-t-il dans le grand tout anglo-saxon, et à quelles conditions ? Sur ces questions difficiles notre auteur ne vaticine guère, sans doute parce que, comme la plupart des mortels, il n'a pas le don de lire dans les causes présentes toutes les conséquences à venir.

Somme toute, le problème des deux races est bien posé, plus nettement qu'il ne l'a jamais été. Mais il est plus facile de poser le problème que d'en dégager sûrement l'inconnue. Reprocher à M. Siegfried de n'avoir pas trouvé la solution certaine, serait malveillance pure : Dieu seul la pourrait trouver. Mais peut-être aurait-il pu et dû examiner plus sérieusement tous les éléments d'une solution possible ou même probable. Pour dire ma pensée, cette question de notre avenir comme race franco-canadienne me semble traitée trop à la française, c'est-à-dire superficiellement, pour ne pas dire légèrement. Ce n'est pas d'aujourd'hui que la clarté fausse compagnie à la profondeur : cela se voit partout, en France peut-être autant qu'ailleurs, sinon plus. Comme me disait un ami de là-bas, grâce à son tempérament peut-être et aussi à l'éducation superficielle qu'on lui donne depuis cent ans, l'esprit français est une machine perfectionnée pour bien poser les points d'interrogation, mais non point pour y faire toujours des réponses sérieuses.

Mais assez de généralités. Ne pouvant point examiner l'ouvrage partie par partie, je m'arrêterai un peu à la première, celle qui traite de la formation psychologique des races canadiennes. C'est assurément la plus faible et la plus défectueuse de tout l'ouvrage, mais celle aussi où l'auteur, avec ses qualités incontestables, montre le mieux ses lacunes, et sinon l'intention au moins l'esprit du livre, qui est le pur esprit du laïcisme français. Quelques citations et quelques observations de détail suffiront.

Il semblerait tout d'abord qu'ayant bien constaté que c'est l'Eglise catholique seule qui a conservé intactes la langue et la civilisation française sur les bords du St-Laurent, M. Siegfried, en bon Français qu'il veut être, s'en montrerait reconnaissant, et nous féliciterait de notre attachement à une Eglise qui a été et reste encore le plus ferme rempart de notre nationalité. Oui, mais cette Eglise a eu le tort de nous garder chrétiens et catholiques : c'est assez pour qu'on lui pardonne à peine de nous avoir gardés Français de langue et de moeurs.

Le premier chapitre 1er de la première partie et deuxième de l'ouvrage) intitulé : « l'Eglise catholique », ne peut dissimuler sous ses formules dubitatives et ses réticences polies les préjugés du huguenot et la haine froide du libre-penseur. Il contient presque autant d'inexactitudes - j'aurais la malheureuse tentation de dire, presque autant d'inepties - que de paragraphes.

Lisez, si vous le voulez bien :

On a trop dit qu'en matière ecclésiastique la séparation est devenue la règle dans le Nouveau-Monde. C'est vrai pour les protestants, mais ce n'est pas tout à fait exact pour l'Eglise romaine, considérée dans son camp retranché de Québec: elle y jouit en effet d'un véritable régime de privilège.

Hâtons-nous de reconnaître du reste qu'elle tient, sur les bords du Saint-Laurent, une place à part, qu'elle a de tout temps été pour ses disciples une protectrice fidèle et puissante, que notre race et notre langue lui doivent PEUT-ÊTRE leur survivance en Amérique. Cette situation exceptionnelle lui permettait, dès la conquête, de revendiquer, du vainqueur lui-même, des droits spéciaux. A bien des égards, les avantages archaïques qu'elle conserve sont la reconnaissance de services rendus à notre nationalité. N'est-elle pas doublement chère aux Canadiens, qui voient en elle non seulement le représentant de leur foi, mais encore le défenseur attitré de leur race !

Disons de suite, pour détromper le lecteur européen, que le régime de la province de Québec n'est ni celui de la religion d'Etat comme en pays concordataire, ni celui de la séparation au sens maçonnique du mot, c'est-à-dire celui de l'oppression. C'est celui de l'Etat et de l'Eglise qui se connaissent, se respectent mutuellement et ne refusent pas de s'entr'aider chaque fois que le bon ordre, la paix publique et l'intérêt du peuple le demandent, sans chercher à restreindre ou limiter la mutuelle indépendance de l'une ou de l'autre dans sa propre sphère.

Dans la province de Québec l'Etat est chrétien, en ce sens qu'il reconnaît tous les cultes chrétiens et en garantit le libre exercice. Il laisse donc à tous les citoyens la pins entière liberté de choisir leur religion et de la pratiquer, ou d'en changer, ou de n'en avoir aucune. Il reconnaît de plus à tous les citoyens la liberté de former toutes les associations dont le but n'est pas immoral ni inconciliable avec l'ordre et la paix publique. Or les sociétés religieuses, comme toutes les sociétés, ont des droits et des devoirs à l'égard de leurs membres, et le pouvoir civil serait inconséquent et ridicule de reconnaître ces associations comme légales, et de ne pas tenir la main à ce que ceux qui en font librement partie ne s'acquittent point de leurs devoirs envers elles, qui sont des devoirs mutuels de membres entre eux.

De plus, c'est une erreur de dire que dans Québec l'Eglise romaine seule est reconnue avec ses droits et ses privilèges : toutes les Eglises protestantes, particulièrement l'anglicane, sont reconnues comme elle, avec autant de droits et de privilèges qu'elles croient en avoir. Si elles n'en ont pas davantage, cela ne tient pas aux dispositions du pouvoir civil, mais à la nature même des sectes ou religions protestantes qui n'ont jamais été ni voulu être des sociétés universelles, indépendantes de toute autre société, mais plutôt des sociétés particulières ou plus ou moins nationales et subordonnées à l'Etat.

Il est vrai que l'Eglise anglicane ne perçoit pas, comme l'Eglise catholique, sur ses fidèles une redevance exigible devant les tribunaux civils, pour la bonne raison qu'elle a été une fois pour toute dotée par la Couronne aux frais du pays. En quoi le prétendu privilège de percevoir le vingt-sixième des céréales dans le champ d'un catholique qui reste librement dans l'Eglise et n'en veut pas sortir, est-il plus exorbitant que celui de percevoir une rente faite par l'Etat à même les biens du pays ? L'odieux, si odieux il y a, n'est point pour l'Eglise catholique de « percevoir de ceux qui font profession de lui appartenir les revenus traditionnels qui lui sont dus » , puisqu'après tout le peuple lui doit tout ce qu'il est et qu'elle lui donne toujours infiniment plus qu'elle ne reçoit; ce serait bien plutôt la spoliation qui a consacré au soutien des Eglises protestantes une partie des biens et des propriétés d'origine catholique, sinon de l'Eglise catholique.

Remarquez, s'il vous plaît, ce paragraphe si doucereusement sectaire : « Hâtons-nous de reconnaître, » etc., avec ce peut-être que j'ai souligné non sans raison, car il est merveilleux d'ignorance ou de mauvaise foi, même au bout d'une plume française protestante et libre-penseuse. C'est une ânerie de tout premier ordre que ne commettrait point un étudiant en histoire d'une école primaire un peu bien tenue. Si M. Siegfried ne sait point encore certainement que notre race et notre langue doivent leur survivance en Amérique à l'Eglise catholique et à la foi catholique, avec tout son talent que je ne conteste point, il n'a pas ce qu'il faut pour traiter notre cas et deviser de notre avenir. Car ou il n'a pas lu notre histoire, ou il n'a pas compris ce qu'il a lu, ou s'il a lu ou compris, il a le parti pris de ne pas rendre justice ou de mettre en doute jusqu'à l'évidence même, pour ne pas barrer les jambes à ses théories protestantes et libres-penseuses.

Ce bon M. Siegfried, il éprouve un serrement de coeur à la pensée que les catholiques qui ne veulent rien devoir à l'Eglise sont obligés de dire qu'ils cessent de l'être. Cela les gêne, paraît-il, et leur est fort désagréable. Peut-être ! mais d'autre part, est-il vraiment essentiel à la liberté et à la morale publique que l'hypocrisie en matière religieuse soit un droit inaliénable des citoyens ? A Québec on ne l'a jamais cru, même depuis 1789. Si vous vous prétendez catholique et si vous en réclamez le titre et les droits, remplissez-en les devoirs ; si vous ne l'êtes plus, ne craignez pas de paraître ce que vous êtes et ne trompez ni l'Eglise ni vos concitoyens.

M. Siegfried est mal informé lorsqu'il prétend (p. 14) que dans la province de Québec, l'évêque, assisté du conseil de fabrique, peut frapper les contribuables d'une taxe spéciale pour la construction d'une église et obtenir du Parlement une loi qui la rende obligatoire. En réalité, au moins dans les cas ordinaires, les choses ne se passent pas ainsi.

Sans doute l'évêque a toujours le droit de décréter l'urgence de la construction d'une église convenable pour le culte et suffisante pour la population catholique d'une localité ou d'une paroisse. Mais ce décret ne vaut que pour la conscience des fidèles et n'a par lui-même que la sanction des peines canoniques ou du retrait du prêtre ou desservant. La taxe spéciale pour la construction ou réparation d'une église, c'est la majorité des contribuables (plus exactement des francs-tenanciers) qui la vote, qui en détermine le montant et le mode de perception, et ce n'est qu'après qu'elle est agréée par l'évêque et les commissaires civils, nommés à cette fin par le gouvernement, qu'elle devient obligatoire et hypothéquée sur toutes les propriétés catholiques de la paroisse. L'évêque seul, ou avec le conseil de fabrique, n'y peut rien sans la requête des contribuables en bonne et due forme. Le pouvoir civil garantit à l'évêque le droit de régler avec le conseil de fabrique l'emploi des revenus de fabrique, soit pour le culte soit pour des fins religieuses ou de charité, mais nullement le droit d'imposer les contribuables. Encore l'évêque n'est pour rien dans la nomination du conseil de fabrique, lequel est élu par les francs-tenanciers et présidé par le curé.

Il est très vrai que l'impôt légalement frappé pour la construction ou la réparation d'une église par une paroisse peut être recouvré par voie de justice civile; mais ce n'est ni l'évêque, ni le curé, ni même le conseil de fabrique qui poursuit en recouvrement, mais un comité spécial élu par les francs-tenanciers et dont les pouvoirs durent jusqu'à la perception complète de l'impôt et à l'achèvement de la construction ou réparation. En réalité, c'est la communauté paroissiale, j'entends les fidèles laïcs contribuables seuls, qui vote librement la construction ou réparation de son église, qui s'impose la taxe nécessaire, qui la perçoit par ses chargés de pouvoir, approuve les travaux, et l'autorité religieuse n'a guère qu'à désigner le site et approuver les plans des édifices. Souvent même, il le faut dire à la louange de notre peuple, l'évêque se voit obligé de tempérer plutôt que d'exciter le zèle et la générosité des fidèles, car grâce à Dieu, « les Français (canadiens) sont très dévoués à leur Eglise, les libres-penseurs sont rares, les mangeurs de prêtres presque inconnus.»

Qu'y a t-il de plus équitable et de plus sage pour un pouvoir qui gouverne des hommes libres et non des esclaves, de laisser aux citoyens d'une paroisse ou d'une commune de voter comme ils l'entendent ce qu'ils donneront pour l'église, et quand ils ont librement voté une contribution, de garantir le paiement de la quote-part de chacun, afin que les citoyens de bonne volonté ne soient pas surchargés au delà de leur prévision et que l'oeuvre commune ne soit pas entravée ? L'intention du pouvoir civil est moins de favoriser l'Eglise que de garantir une dette légitimement contractée et de protéger les contractants fidèles à leurs engagements contre ceux qui seraient tentés de s'y soustraire et de laisser tomber sur les autres leur part légitime des charges communes? Au fond, quand on y regarde un peu sérieusement, ces prétendus privilèges accordés à l'Eglise ne sont guère que la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyens et sont à leur avantage souvent autant qu'à celui de l'Eglise.

Du reste, et M. Siegfried se garde de le faire ressortir, en échange de la reconnaissance de quelques droits qui lui sont naturels, l'Eglise catholique romaine s'est chargée à peu près gratuitement du service des pauvres, des infirmes, des malades et de toutes les oeuvres d'assistance temporelle et spirituelle. On trouvera sans doute que c'est un grand privilège que l'Etat ne la force pas encore de payer des taxes formidables pour avoir le droit de le décharger de tous ces services publics de charité qui coûtent des millions aux pays laïcs !

M. Siegfried s'étonne de la liberté de l'Eglise que l'Etat chez nous n'essaie point de restreindre à son profit. Ce qui nous étonnerait nous, ce serait l'étonnement de M. Siegfried qui est un homme intelligent et qui se croit libéral, si nous ne savions jusqu'à quel point nos cousins de France ont perdu la notion vraie de la liberté et celle des droits et devoirs mutuels des citoyens et du pouvoir civil.

« Les registres de l'état civil sont confiés au clergé. » Le privilège est mince : d'autant que le clergé, non seulement fait gratuitement ce service pour lequel un fonctionnaire civil percevrait sûrement des honoraires, mais qu'il fournit encore aux frais de l'Eglise l'exemplaire en double du registre qu'il doit envoyer chaque année au greffe et paie richement le paraphe dont l'honore et l'authentique le notaire officiel. L'Eglise a ses registres à elle : ce n'est pas un honneur ni un privilège que lui fait le pouvoir civil de lui en demander copie authentique et gratis pour ses propres bureaux d'enregistrement.

J'oubliais une autre inexactitude. « Les inhumations ne peuvent se faire que dans les cimetières confessionnels, » pour la bonne raison qu'il n'y en a point d'autres, et il n'y en a pas d'autres parce qu'ils ne seraient à peu près d'aucune utilité.

Un catholique mort sans les sacrements, dit M. Siegfiied, n'est pas admis dans le cimetière catholique ; il faut que sa famille sollicite pour son cercueil une place au cimetière protestant ou israélite.

C'est de l'histoire ancienne. Autrefois même on ne se donnait pas toujours la peine de trouver un cimetière protestant ou autre ; on enterrait dans son champ celui qui mourait par sa faute hors de la communion de l'Eglise. C'était justice, et personne ne s'en plaignait. Aujourd'hui nos cimetières catholiques sont plus larges ; ils reçoivent les corps des « catholiques libérés » qui ont voulu le suprême honneur de l'enterrement laïc généralement réservé dans notre pays aux chiens et aux chats, mais dans une partie séparée du cimetière des fidèles, et on les y enfouit sans prière ni aucune cérémonie religieuse. Grâce à Dieu ! ces cas sont fort rares. Ils le seraient moins si, comme en certains pays concordataires, le clergé croyait honorer l'Eglise en bénissant en son nom le corps d'un chrétien qui a renié pratiquement jusqu'à son dernier jour la foi de son baptême et reçoit sans s'en douter des sacrements qu'il n'a point demandés.

M. Siegfried a cependant une consolation. Dans ce pays où le clergé a toute liberté de faire son ministère sans en répondre à d'autres qu'à Dieu et à son évêque, il y a cependant un obstacle nouveau qui devra sans doute amoindrir son influence.

C'est seulement dans son propre domaine qu'il a trouvé des rivaux qui ne sont autre chose que les membres des Ordres religieux.

Les trois pages qui suivent sont pleines d'erreurs de faits et déshonorent un livre qui a des parties vraiment intéressantes et dignes d'un écrivain sérieux. Il faudrait tout relever.

M. Siegfried ignore que les Sulpiciens sont une communauté de prêtres séculiers et qu'à ce titre ils ont pu survivre même après la conquête; que les Récollets et les Jésuites ont été condamnés à s'éteindre et que leurs biens ont été également spoliés : témoins le site de la cathédrale anglicane de Québec et l'église anglicane des Trois-Rivières, jadis possédés par les Récollets, et que les protestants n'ont pas payés fort cher.

Les Jésuites sont rentrés, non depuis vingt ans, mais depuis cinquante ans. Le Parlement de Québec « leur a alloué deux millions pour indemnité de la confiscation jadis subie par eux : » c'est-à-dire qu'il a voté deux millions de francs à l'Eglise de la province de Québec, desquels le tiers à peine est allé aux Jésuites ; le reste a été attribué aux divers diocèses et aux deux universités de Québec et de Montréal. On ne dit pas ce que l'Eglise a abandonné aux mains de l'Etat pour cette compensation qui n'a aucun soupçon de magnificence.

Qu'il soit arrivé au Canada des milliers de religieux depuis vingt ans, c'est une exagération digne des Bouches-du-Rhone [sic]. A moins que l'on compte dans cette inondation ces admirables communautés de femmes, bien canadiennes d'origine et dont l'une, qui n'est ni la moins nombreuse ni la plus vieille, celle des Soeurs de la Providence, date déjà de soixante ans. «Quelques centaines,» si l'on parle des communautés d'hommes, eut ressemblé davantage à la vérité.

« Les Sulpiciens ont la haute main sur les séminaires » ; celui de Montréal, le seul qu'ils dirigent au pays. « Les Jésuites tiennent une grande place dans l'enseignement secondaire » ; par le mérite sans doute et non par le nombre, puisqu'ils n'ont qu'un collège classique de langue française sur quinze ou seize, et un de langue anglaise. « Les Frères des Ecoles chrétiennes s'occupent spécialement des écoles primaires » ; et des écoles secondaires commerciales où ils arrivent les premiers.

Mais voici, dans le même malheureux paragraphe, où M. Siegfried est encore plus mal avisé.

Nombreux sont ceux (les religieux) qui, profitant de l'exemption des impôts qui les favorise, gagnent tout simplement de l'argent, comme de simples laïques, en faisant de l'imprimerie, du blanchissage, des cultures maraîchères, etc. Mentionnons encore la charité et l'assistance, vaste champ d'action qui tout naturellement s'offre à eux, dans un pays où les devoirs de l'Etat laïque ne sont pas encore bien déterminés. Enfin les réguliers se mêlent parfois de fonder des chapelles, et c'est là qu'ils rencontrent sur leur chemin l'opposition décidée des séculiers.

En fait, il n'y a pas une seule communauté religieuse dont l'occupation soit de gagner de l'argent comme de simples laïques : c'est une calomnie pure ou une ânerie peu digne d'un homme aussi intelligent que M. Siegfried. Les communautés qui exercent ces industries y emploient d'ordinaire des mains qu'elles seules peuvent utiliser et leur font ainsi gagner leur subsistance. Pense-t-on vraiment que les maisons qui reçoivent et nourrissent à peu près pour rien des enfants des deux sexes abandonnés ou sans ressources, des aveugles, des sourds-muets et des sourdes-muettes, etc., y pourraient suffire sans ces industries, avec les seules ressources de la charité publique et les subventions dérisoires du gouvernement ?Ces industries n'existent pas que je sache pour le bénéfice propre des communautés, mais pour le soutien de leurs oeuvres.

Quelle communauté fait au Canada de la culture maraîchère, « son occupation propre» ? Je n'en connais aucune, à moins qu'il ne s'agisse des Trappistes d'Oka ou de Mistassini, ou encore de quelques pauvres frères chassés de France par la persécution qu'admire M. Siegfried, lesquels tâchent de gagner leur vie par la culture afin de n'être pas à charge au peuple. L'oeuvre des Trappistes est assez connue pour qu'il soit inutile de la défendre contre de telles insinuations.

Il est bon de noter aussi, pour venir en aide à l'intelligence de M. Siegfried obnubilée par les préjugés laïques, que l'exemption des impôts profite moins aux communautés religieuses qu'à leurs oeuvres, au public et à l'Etat lui-même. Tout ce qu'elles paieraient en impôts devraient être retranché sur leurs oeuvres, ou il faudrait que la charité privée ou le pouvoir public les subventionnât plus largement. Au fond c'est l'Etat et le peuple qui bénéficient de l'exemption d'impôts accordée aux communautés religieuses.

N'en déplaise à, M. Siegfried, l'Etat laïque sait très bien chez nous quels sont ses devoirs de charité et d'assistance : et il les remplit le mieux qu'il peut en favorisant les associations charitables qui s'en acquittent à sa place en subventionnant les oeuvres dans la mesure de ses ressources : il pense avec raison que les diverses associations religieuses font mieux qu'il ne le ferait lui-même ces différents services, et plus économiquement. Si, par exemple, les enfants abandonnés sont nourri, il ne se croit pas tenu de les allaiter de ses propres mamelles ; il n'y a qu'un Etat maçonnisé qui le puisse faire.

Enfin M. Siegfried me semble trop au courant, pour un laïc de son espèce, des petites chicanes de sacristie. Qu'il ait pu y avoir çà et là au Canada, quelques petits froissements entre réguliers et séculiers, il n'y aurait là rien de bien étrange ni de bien nouveau. Si M. Siegfried veut lire l'histoire de l'Eglise au treizième siècle il en verra bien d'autres. La nature humaine est toujours la même, hélas! dans l'Eglise comme ailleurs. Que certains religieux aient pu manquer parfois de tact et de prudence, et qu'ils aient trop oublié qu'en venant dans un pays étranger ils devraient en prendre autant que possible les idées, les moeurs et les usages, c'est trop naturel pour qu'on s'en étonne. Que d'autre part il y ait eu des froissements en partie légitimes et en partie excessifs, ce n'est point absolument invraisemblable; mais que M. Siegfried protestant et libre-penseur ait eu la-dessus les confidences de nos évêques et de nos curés, qui le croira ?

Quant à « la possibilité d'une loi sur les associations, à laquelle curés et évêques ne feraient peut-être pas une opposition irréductible, » M. Siegfried fait bien de n'y pas croire. Du reste lui-même se rend très bien compte de la réprobation universelle que rencontrent dans notre pays les lois persécutrices de ses maîtres Combes et Waldeck (3).

Ce chapitre malheureux finit par une vérité qui donne, comme presque toujours dans ces quelques pages, le bras à une ineptie. Après avoir dit que tous les catholiques canadiens devant l'ennemi commun oublieront leurs divisions pour recevoir du Vatican une direction unique (puisse-t-il prophétiser!), il ajoute :

L'Eglise catholique canadienne est en effet profondément soumise au Saint Siège. Elle s'est pliée, non sans quelques résistances peut être, mais complètement, à l'évolution qui, depuis trente ou quarante ans, a fait de l'Eglise une monarchie absolue et centralisée.

Restons-en la. Je ne tremble plus pour la discrétion de nos curés et de nos évêques. S'il les avait fréquentés davantage M. Siegfried aurait appris d'eux que ce n'est pas depuis trente ou quarante ans que l'Eglise catholique est une monarchie absolue, mais depuis le jour où son fondateur a dit a son premier chef :

« Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel. »

En justice pour M. Siegfried, je dois dire que la plupart des chapitres valent mieux que celui-là, qui suffit à donner une idée juste de l'esprit du livre et de l'auteur.

(1) Créé par l'auteur, Alcipe est un alter ego utilisé fréquemment dans ses textes rédigés pour la revue Nouvelle-France. L'utilisation d'Alcipe permet au père Gonthier d'employer la méthode dialectique de discussion. Alcipe énonce des idées ou des sentiments qui permettent au père Gonthier d'approfondir ou de réfuter une question. Alcipe peut aussi exprimer des opinions avancées que le père Gonthier, même sous l'anonymat du pseudonyme, ne pourrait énoncer. Alcipe se montre volontiers ironique et volage, laissant libre cours à son imagination, alors que le père Gonthier est sérieux et constant; parfois les rôles sont inversés, et Alcipe défend avec sérieux la version orthodoxe des choses.

(2) - Cf. Em. Faguet, l'Anticléricalisme. Je n'ai garde de méconnaître ce qu'il y a de sincérité et de pénétrante analyse dans cet ouvrage qui fera peut-être plus de bruit que de bien. L'auteur n'a fait que chercher et grouper tous les faits qui lui semblent prouver sa thèse; mais sa thèse elle-même est excessive. Evidemment les défauts naturels ou acquis du Français le disposent à l'irréligion; mais on en pourrait dire autant de tous les peuples. Un écrivain catholique de la valeur de M. Faguet, en faisant ressortir les qualités du tempérament français et groupant dans une certaine lumière les grands faits de l'histoire de France, démontrerait facilement que la France, par les qualités et les défauts de son peuple, est faite pour être religieuse, et qu'une seule religion lui peut convenir, la religion catholique. Le mot de M. Brunetière est un axiome historique incontestable: « Tout ce qui est anti-catholique est anti-national. »

(3) Note de l'éditeur : il s'agit ici d'une allusion à Emile Combes [1835-1921], ecclésiastique français défroqué et éminent politicien de gauche de la IIIe République française. Convaincu de l'existence d'un « péril clérical », le gouvernement Combes adopta de 1901 à 1905 une série de mesures anticléricales qui souleva l'indignation de Rome, du monde catholique et du Canada français. Pierre Waldeck-Rousseau [1846-1904] fut chef du gouvernement français de 1899 à 1902. Sous son gouvernement, Dreyfus fut gracié et la Loi sur les associations, qui visait particulièrement les organisations religieuses et menait directement à la séparation de l'Église et de l'État, fut adoptée malgré une féroce opposition de la droite nationaliste et cléricale.

* Le père Pierre-Théophile-Dominique-Ceslas Gonthier est né en 1853 à Saint-Gervais, comté de Bellechasse, Québec. Après des études à Québec, il entra chez les pères Dominicains à Abbeville dans le département de la Somme, en France, en 1874. Il y poursuivit ses études en théologie pendant cinq ans. Reçu à la prêtrise en 1879, il retourna au Québec. Il fut successivement missionnaire à St. Hyacinthe (1879-85), curé d'une paroisse à Ottawa et supérieur du couvent dominicain (1885-94), missionnaire auprès des Franco-Américains à Fall River (1895-1897), puis professeur de théologie, prieur et maître des novices au monastère dominicain de St. Hyacinthe. Il rédigea de nombreux articles pour la revue La Nouvelle-France. La plupart de ses écrits furent rédigés sous un pseudonyme. Il décéda en 1917.

Source: Raphaël Gervais, pseudonyme de Dominique-Ceslas Gonthier, « Erreurs et préjugés. À propos d'un livre perfide. - André Siegfried : Le Canada, les deux races », dans La Nouvelle-France. Revue des intérêts religieux et nationaux du Canada français, Vol. 5, No 7 (juillet 1906): 340-353.

© 2000 Claude Bélanger, Marianopolis College