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Last revised:
23 August 2000


Programme de la Ligue Nationaliste / Programme of the Nationalist League [1903]

Programme de la Ligue Nationaliste -- 1903

CONSIDÉRANT

Qu'il est raisonnable de croire que la Providence, en donnant le Canada à l'Angleterre, a voulu le familiariser, par la conquête, puis par l'usage des institutions parlementaires, avec la jouissance de la liberté;

Que le people canadien, dans l'usage de ces institutions, a montré jusqu'ici une aptitude de plus en plus grande au gouvernement autonome;

Que les colonies autonomes de la Grande-Bretagne lui paient un tribut suffisant en lui dormant, pour des fins militaires, l'accès à leurs parts et l'usage de leurs voies de communication; et que la métropole, malgré ce tribut et malgré notre conservation volontaire du lien colonial en 1775 et en 1812, nous a imposé à diverses reprises des sacrifices onéreux et humiliants, notamment dans ses conventions avec les États-Unis;

Que, sans dénoncer un état politique qui nous a cependant fait subir deux invasions américaines, nous constatons la nécessité de nous opposer à tout resserrement du lien colonial, à cause surtout de l'incompatibilité des intérêts d'un vieux pays monarchique européen avec ceux d'un jeune pays démocratique américain;

Qu'en matière fiscale, il serait dangereux pour le Canada de reconnaître à l'Angleterre un titre permanent à des faveurs particulières, comme de prendre à son égard des engagements permanents;

Que l'intérêt et la sécurité du Canada s'opposent à ce qu'il participe à l'organisation militaire de la Grande--Bretagne;

CONSIDÉRANT AUSSI

Que pour le maintien et la prospérité de la Confédération canadienne, le pouvoir fédéral doit respecter les droits que les auteurs de la constitution de 1867 ont voulu garantir aux provinces et aux minorités, et par conséquent ne s'exercer que là où toutes les provinces ont des intérêts communs;

Que le respect de l'autonomie des provinces entraîne nécessairement la modification des relations financières des deux pouvoirs;

CONSIDÉRANT ENFIN

Que les gouvernements fédéral et provinciaux, tout en invitant la coopération des capitaux étrangers au développement de nos richesses naturelles, doivent, par une saine politique intérieure, assurer aux Canadiens la possession de leur patrimoine et développer en eux l'esprit national,

LES SOUSSIGNÉS

Se constituent en association sous le nom de Ligue Nationaliste Canadienne et s'engagent à travailler à la réalisation du programme ci-dessous énoncé:

I. - Pour le Canada, dans ses relations avec l'Angleterre, la plus large mesure d'autonomie politique, commerciale et militaire, compatible aver le maintien du lien colonial.

II. - Pour les provinces canadiennes, dans leurs relations avec le pouvoir fédéral, Ia plus large mesure d'autonomie compatible avec le maintien du lien fédéral.

III. - Par toute la Confédération, adoption d'une politique de développement économique et intellectuel exclusivement canadienne.

I. - RELATIONS DU CANADA AVEC LA GRANDE-BRETAGNE.

1. AUTONOMIE POLITIQUE

(a) Maintien absolu des libertés poIitiques qui appartiennent de droit à toutes Ies colonies autonomes de la Grande-Bretagne et que la Constitution de 1867, dans la pensée de ses auteurs, devait garantir au Canada.

(b) Opposition à toute participation du Canada aux délibérations du Parlement britannique et de tout conseil impérial permanent ou périodique.

(c) Consultation des Chambres par le gouvernement, sur l'opportunité de participer aux conférences extraordinaires des pays d'allégeance britannique, et publicité absolue des délibérations et décisions de ces conférences.

(d) Liberté absolue de réglementer notre immigration au point de vue exclusif de nos intérêts.

(e) A chaque session parlementaire, production de toute correspondance ou document officiels échangés depuis la derrière session entre le gouvernement canadien et le Bureau colonial ou les gouvernements des autres colonies britanniques.

(f ) En cas de conflit constitutionnel entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, invocation directe du jugement du Conseil privé. En tout autre cas, restriction des appels aux tribunaux provinciaux pour les lois provinciales et aux tribunaux fédéraux pour Ies lois fédérales.

(g) Droit de représentation à tout congrès international où des intérêts canadiens seraient en jeu, et consultation des Chambres sur l'opportunité de se prévaloir de ce droit.

2. AUTONOMIE COMMERCIALE:

(a) Droit absolu de faire et de défaire nos traités de commerce avec tous les pays, y compris la Grande-Bretagne et ses colonies.

(b) Liberté de nommer des agents qui pourront traiter directement des intérêts commerciaux canadiens avec les chancelleries étrangères.

3. AUTONOMIE MILITAlRE

(a) Abstention de toute participation du Canada aux guerres impériales en dehors du territoire canadien.

(b) Résistance à toute tentative de recrutement que ferait l'Angleterre au Canada.

(c) Opposition à l'établissement d'une école navale au Canada avec le concours et pour le bénéfice de l'autorité impériale.

(d) Direction de notre milice et de nos écoles militaires, en temps de paix comme en temps de guerre, au point de vue exclusif de la défense du territoire canadien. Refus absolu de tout congé demandé par un officier de milice en vue de prendre part à une guerre impériale.

(e) Commandement de la milice canadienne par un officier canadien nommé par le gouvernement canadien.

II.- RELATIONS DES PROVINCES AVEC LE POUVOIR FÉDÉRAL.

1. Maintien absolu des droits garantis aux provinces par la Constitution de 1867 dans l'intention de ses auteurs. Respect du principe de la dualité des langues et du droit des minorités à des écoles séparées.

2. Modification de la base des subventions fédérales aux provinces par les moyens suivants:

(a) Abolition de la subvention spécialement destinée au maintien des législatures, et augmentation proportionnelle de la subvention per capita.

(b) Détermination de la subvention per capita, pour chaque prowince, d'après la population constatée au dernier recensement.

3. Administration de la justice criminelle par le gouvernement fédéral et à ses frais.

4. Nomination des juges des tribunaux civils par les gouvernements provinciaux.

III. - POLITIQUE INTÉRIEURE.

1. Détermination de notre politique douanière au point de vue exclusif des intérêts canadiens.

2. Abolition du système de subventions de l'État à des entreprises privées (chemins de fer, transports maritimes, etc.). Participation de l'État à ces entreprises (si elle est essentielle au bien public) à titre d'actionnaire seulement et dans les mêmes conditions que les autres actionnaires, ou à titre de créancier privilégié.

3. Exercice plus efficace, par le gouvernement, de son droit de réglementer les tarifs de transport et de déterminer le tracé et les terminus des chemins de fer.

4. Adoption par les provinces d'une politique de colonisation plus active et plus en harmonie avec leurs besoins respectifs. Attribution exclusive aux ministères de la Colonisation de la vente des terres pour fins agricoles.

5. Répartition plus équitable, entre les différentes parties de la Confédération, de l'argent voté par le Parlement fédéral pour les fins de l'immigration et de la colonisation.

6. Au système actuel d'aliénation permanents de nos forces hydrauliques ou pouvoirs d'eau, substitution d'un système de location aux enchères, par baux emphytéotiques.

7. Réforme immédiate de notre système d'exploitation forestière, en vue d'assurer la conservation de nos forêts comme source de fortune publique. Publication annuelle d'un état indiquant:

(a) Les concessions de terres et de droits de coupe faites durant l'année, avec leurs conditions.

(b) L'étendue totale des forêts en coupe et cells des forêts vierges, avec spécification aussi exactes que possible des essences de bois, du site, etc.

8. Développement à l'école d'un enseignement patriotique propre à dormer à l'élève une notion plus juste de la beauté de notre histoire et des ressources de notre pays.

9. Réglementation plus efficace des opérations des compagnies d'assurance, des associations de secours mutuel, des sociétés industrielles et financières en général, et des opérations de Bourse.

10. Adoption de lois propres à développer au Canada la production littéraire et artistique. Adhésion de ce pays aux conventions internationales sur la propriété littéraire et les droits d'auteur.

11. Application plus stricte des lois ouvrières actuelles, et adoption de nouvelles lois propres à garantir la sécurité du travail et la liberté d'association.

 

Source: Marcel-Aimé GAGNON, Olivar Asselin toujours vivant, Presses de l'Université du Québec, 1974, pp. 81-85