Premier Ministre
du Québec
Monsieur le Premier
Ministre,
Comme jaurais aimé que
vous inversiez les mesures prises pour aller à lencontre des propos de Yves
Michaud : soit de remettre à plus tard lappui à la motion de blâme et dannoncer
vos couleurs en tant chef du PQ sur la candidature de celui-ci dans Mercier plutôt
que de remettre la décision de la candidature et de voter à la hâte la motion
des Libéraux. Ainsi un simple citoyen naurait pas été condamné par lAssemblée
Nationale sans mûre réflexion et sans informations complètes pour des paroles
anodines et par surcroît vraies.
Au
lendemain de ce vote plusieurs Québécois se retrouvent dans la situation de lagneau
qui doit avouer une faute quil na pas commise parce que le loup cherche
une excuse pour le manger. Je sais quil est dans lordre naturel que
les plus forts gagnent, mais il est doux quelquefois dentendre ceux qui
ont le courage de dire la nature des choses et des gens. Or, les députés sont
entrés dans le jeu du loup et ont dénoncé sans nuance leur frère pour plaire
à un puissant groupe de pression qui a par trop lhumeur agacée en ces temps
de troubles au Moyen-Orient. Vous remarquerez sûrement que je nose pas prononcer
les mots interdits par la Kabbale pour désigner la cause première du scandale.
Lassemblée des députés a eu cette
semaine la gâchette bien nerveuse pour tirer sans crier gare sur lennemi
intérieur. Pourtant, je ne me souviens pas de motion de blâme pour stigmatiser
les articles de Mordecai Richler dans des magazines étrangers ou canadiens peignant
les Québécois francophones comme des gens arriérés, étroits desprit et mesquins.
Non, il ny a jamais eu de débat à lAssemblée pour des propos nettement
injustes et insultants de la part dun Montréalais si intolérant quil
en était malhonnête. Souvenons-nous aussi des nombreuses campagnes de Bnaï
Brith contre la Loi 101 et des « vêtements déchirés » sur la place publique comme
aux meilleurs jours des Pharisiens. Vous-même avez été royalement insulté par
des attaques vicieuses et trompeuses.
Parmi
les hypothèses avancées pour expliquer le mors aux dents des 109 députés péquistes
présents, une très forte présence pour la période, il y a celle du nettoyage dans
les rangs du parti des éléments « pure laine ». Quelque chose comme un nettoyage
ethnique, aurait dit René Lévesque. Jespère que ce nest pas le cas
et que vous saurez écarter cette explication aussi fortement que sest exprimée
votre réprobation de phrases qui ont évoqué les souffrances des Acadiens et des
Palestiniens en les mettant sur le même pied que celles des Juifs dEurope.
Au sujet de la comparaison qui a fait
scandale au Bnai Brith et au Bunker, je ne crois pas que le nombre des victimes
fasse une différence quand tout un peuple est condamné à disparaître. LHolocauste
fut un crime affreux qui nous est rappelé si souvent que nous ne pouvons pas loublier,
mais il y a dautres causes nationales qui méritent dêtre respectées.
Les martyrs juifs des camps nazis ne sont pas moins victimes parce quon
pleure sur le sort que connaissent dautres peuples visés par des actions
de « solution finale ». Dailleurs, un livre récent dénonce lexploitation
politique et commerciale de la Shoah
écrit par un Juif français qui a vécu
longtemps en Israël; comme quoi le rôle de victime perpétuelle commence à peser
sur certains membres de cette nation.
Je
comprends que M. Michaud peut être dérangeant pour le ministre des Finances, souvent
en négociation avec les banques et les milieux financiers de New York, et pour
vous comme premier stratège de la cause souverainiste, mais ce nest pas
une raison pour lexécuter en public sans même examiner sil y a eu
trahison. Après avoir entendu les réponses de Yves Michaud aux journalistes après
la présentation de son mémoire aux États généraux sur la langue française, je
conclue quil ny avait pas là de quoi fouetter un chat. Au contraire,
lex-député péquiste ne faisait que dégager certains faits que tout le monde
connaît mais que personne nose mentionner. Alors que veut dire la « pressitude
» des membres du P.Q. ? Quant à celle des Libéraux je la comprends facilement.
Pour eux, il fallait battre le fer pendant quil était chaud. Cependant,
pour vous et vos collègues, je déduis quil fallait battre votre frère alors
quil était mi-chaud.
Avec mes
plus humbles respects
Gilles Néron
Charlesbourg
Source: http://www.synapse.net/~imperatif/parole.html