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Le dommage et le bruit Il y a toutes sortes de façons d'évaluer le dommage que va causer au Parti Québécois ce qu'il est désormais convenu d'appeler "l'Affaire Michaud". Parce qu'il ne faudrait surtout pas confondre le bruit que cela pourra causer et les dommages réels. Mais les crises au PQ sont comme les orages. Elles arrivent régulièrement, mais la foudre finit le plus souvent par faire bien de bruit que de véritables dommages. Le bruit, il est causé par M. Yves Michaud lui-même. Le candidat à la candidature péquiste dans Mercier est un spécialiste du bruit et, en particulier, celui qui est causé par les grandes phrases. M. Michaud est vraiment doué pour pondre précisément le type de phrases ronflantes qui lui assurent des ovations dans les congrès péquistes. Comme l'une de ses préférées: "Mettre les deux langues sur le même pied, c'est mettre les deux pieds sur ma langue". C'est bien tourné et ça assure d'une ovation instantanée dans une assemblée de nationalistes. Sauf que ça ne veut rien dire dans la réalité puisque personne ne propose de redonner un statut égal à l'anglais et au français dans la législation québécoise. Mais, enfin, pourquoi se soucier d'une chose aussi triviale que la réalité quand on a la chance de faire d'aussi belles phrases? Le bruit, M. Michaud va en causer encore parce qu'il utilisera tous les stratagèmes pour se donner des tribunes, que ce soit demander la convocation d'une commission de l'Assemblée nationale ou des débats publics au Conseil exécutif national du PQ. Du bruit, il va donc y en avoir beaucoup. Du dommage? C'est tout autre chose. De toutes façons, le dommage est déjà fait. Les médias du Canada-anglais, puis internationaux ont commencé à s'intéresser à "l'Affaire Michaud", sous l'angle de l'antisémitisme et de l'intolérance. Comme d'habitude, il y avait des gens qui n'attendaient que l'occasion pour associer PQ et racisme. Mais à l'intérieur du PQ, il est loin d'être évident que M. Michaud aura beaucoup de supporters. Un certain nombre de personnalités ont signé une lettre d'appui à M. Michaud, lettre qui porte sur la forme plutôt que le fond. Des gens se sont indignés que l'Assemblée nationale adopte une résolution le condamnant de façon expéditive. Soit. Mais personne n'a encore signé de lettre d'appui aux propos d'Yves Michaud. Il était sans doute exagéré de le condamner sommairement par un vote unanime de la législature québécoise. Chose certaine, ce n'était pas de la meilleure stratégie puisqu'on a créé une sorte de martyre. Sauf qu'une fois que le débat sur la forme sera terminé, il faudra bien se pencher sur le fond. Combien y aura-t-il de gens, alors, qui voudront vraiment tenir un débat pour savoir si les Juifs sont vraiment les seuls à pouvoir se plaindre d'avoir été victimes d'un génocide? Ou, ce qui est encore plus fondamental au PQ, de savoir si les immigrants sont des "ayant devoir", des gens qui ont une obligation de voter pour la souveraineté? Parce que voilà le fond du débat. M. Michaud soutient que les votes des immigrants sont, en quelque sorte, différents de ceux des Québécois de souche. Que les "pure-laine" Beaucerons ou de l'Outaouais auraient le droit de voter Non, mais que les immigrants, eux, auraient un devoir de voter Oui. Cela est bien différent de faire l'analyse sociologique du vote. Les immigrants, au Québec, votent pour l'option fédéraliste comme les noirs américains votent pour le Parti démocrate ou que les Italo-Canadiens, en Ontario, votent pour le Parti libéral. Cela est une simple constatation. Mais c'est tout autre chose que de dire qu'une personne qui a choisi de vivre au Québec et d'y payer ses impôts a un quelconque "devoir" c'est l'expression qu'emploie M. Michaud de voter pour une option politique plutôt qu'une autre. Parce que, dans une démocratie, un citoyen a des droits, mais il n'a jamais le devoir de voter d'un bord plutôt que de l'autre. En devenant citoyen, toute personne acquiert le droit de voter pour qui il veut. C'est élémentaire, mais ce n'est pas ce que soutient Yves Michaud. C'est pour cela qu'il serait bien étonnant qu'Yves Michaud ait beaucoup d'appuis au sein du PQ s'il persiste dans cette voie sans issue. Ses amis circonstanciels d'aujourd'hui auront bien du mal à aller le défendre, demain, quand le débat portera sur le fond. Sur ce qu'il a véritablement dit plutôt que sur les symboles. Sur son discours, plutôt que sur une contestation détournée du leadership de Lucien Bouchard. Quand on parlera du fond, de ce que prétend vraiment Yves Michaud, il n'y aura guère plus de dommages puisqu'ils sont déjà faits. Ne restera que le bruit. Source: Michel C. Auger, "Le dommage et le bruit", Canoë, décembre 2000 |