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Les moutons Québécois par Franco Nuovo Après une toute petite semaine de vacances, je retrouve un chez-moi secoué par trois tempêtes. La première était de neige. Or, il y a belle lurette que vents et bourrasques n'effraient plus les Québécois. C'est bien la seule chose d'ailleurs. Outre la poudrerie, il y a eu aussi la tempête semée par René et récoltée par les médias. Ce dieu parvenu n'aime pas que les hommes écrivent sur lui, sur sa déesse et sur leur descendance sans consentement ni approbation. René rendu mécontent par la une d'un magazine a donc émis un grondement. Ce qui a déclenché l'ouragan. Effrayé par le souffle d'un pouvoir factice qu'il lui a pourtant lui-même conféré, l'homme a alors baissé la tête en signe de honte et il s'est mis a trembler. Et il a reculé pour laver l'affront et réécrire, cette fois, ce que son maître avait envie de lire. Et puis, il y a eu un troisième cyclone déclenché non pas par les propos d'Yves Michaud, comme on pourrait le croire, mais la réaction de l'organisation juive, le B'nai Brith, qui les a entachés d'un sentiment antisémite dont ils étaient au départ dépourvus. Le cyclone s'est alors déchaîné. Et dans ce que nous appellerons la panique, perdant de vue l'évidence, échappant à son bon sens, le Québécois stigmatisé, apeuré, s'est mis une fois encore a trembler. Et une fois de plus il a baissé la tête. Et pis encore, pour laver et dissiper une trompeuse offense par une instance démocratique qui a outrepassé ses droits, il a, cette fois, cloué au pilori, voire sacrifié un des siens. Ces deux derniers événements n'ont en apparence rien de commun, et pourtant... Contrairement à la neige qui fond au printemps, ils ont des répercussions graves, laissent des traces et, surtout, témoignent d'une tare qui peu a peu nous étouffe, d'une peur maladive qui nous paralyse dès qu'un adversaire ou un quelconque pouvoir élève à peine la voix. Le mouton, loin d'avoir disparu, émerge alors du Québécois. C'est à se demander si nous ne sommes pas comme ces chiens battus devenus maladivement peureux. Le blâme voté par l'Assemblée nationale contre Michaud le laisse croire. Quand le tenant d'une notoriété conférée par le star system grogne pour faire sa loi, on plie l'échine plutôt que de l'affronter. C'est ce que font depuis des lunes les médias en se laissant, par exemple, pour toutes sortes de raisons, dicter leur conduite par un René Angelil. Et si un adversaire idéologique, comme cette fois l'anti-souverainiste organisation B'nai Brith qui vise les individus pour atteindre le mouvement, brandit le spectre terrifiant du racisme, c'est l'affolement. Alors, le chien dévoré par sa peur se met à montrer les crocs. Et dans sa confusion, il va même, comme c'est arrivé la semaine dernière, jusqu'à mordre au sang l'un des siens. Cette situation est à ce point malsaine qu'elle en devient néfaste pour l'ensemble des Québécois et des souverainistes. La réaction outrancière de l'Assemblée nationale tout entière, et surtout celle des membres du gouvernement du Parti québécois, laissent entendre, par leur démesure, que les souverainistes québécois préfèrent être applaudis par leurs adversaires plutôt que par les leurs. Il apparaît soudain plus important de plaire aux premiers qu'aux seconds. L'ennemi devient alors plus important que l'allié et la perception, plus essentielle que l'action. C'est grave. Certains, à moindre échelle, peuvent voir dans cette attitude de soumission les traces du syndrome de Stockholm: la victime qui s'éprend de son bourreau. "Le colonise, a déjà dit Bourgault, n'est pas content tant qu'il n'a pas reçu sa ration quotidienne de coups de pied au cul." Je vais finir par le croire. Source : Franco Nuovo " Les moutons québécois", dans Le journal de Montréal, 24 décembre, 2000. |