Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Novembre 2005

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

La loi du cadenas

The Padlock Law

 

Lettre de S. Exc. Mgr Georges Gauthier

sur le communisme

[1938]

 

[Pour la référence précise de ce document, voir la fin du texte]

 

Archevêché de Montréal, le 15 mars 1938

 

MON CHER CONFRÈRE,

A plusieurs reprises, depuis quelques années, j'ai attiré votre attention sur le communisme. Des événements nouveaux, auxquels il est sûrement utile que nous nous arrêtions, me fournissent l'occasion d'y revenir: l'interdiction dans notre ville de Montréal des assemblées du parti communiste, et à travers notre province de Québec la saisie par la police de la mauvaise littérature qu'il répand.

 

Dieu soit béni ! Nous avons été bien lents à nous protéger, mais enfin les autorités publiques de notre province et de notre ville ont eu le courage de prendre des mesures d'une pressante nécessité, et nous aurions mauvaise grâce de cacher notre satisfaction. Je veux ajouter qu'il serait extrêmement regrettable que des considérations très secondaires de personnes ou de parti nous amènent à diminuer dans l'esprit de notre peuple l'importance du service qui nous est ainsi rendu. La critique a des droits: n'est-il pas à propos que le souci du bien public et de la vérité lui impose également des limites ? La propagande communiste est de telle nature, le but qu'elle poursuit est si néfaste que nous serions sans excuse de ne pas prendre conscience du très grave danger qu'elle comporte.

Le mensonge du communisme

 

Il n'y a rien d'ailleurs de plus évident, pour ceux qui observent, que le mensonge du communisme. Nous pourrions déjà le constater en examinant de près la philosophie qui l'inspire: le marxisme. Il y a là des assomptions gratuites, des espoirs utopistes dont on se demande comment ils ont pu séduire des hommes sérieux. Ce point cardinal de sa doctrine, par exemple, que le monde est en perpétuelle évolution, de son propre mouvement nécessaire, vers un idéal toujours plus haut, Marx le considère à l'égal d'un dogme intangible. Le principe actif de cette évolution, croyait-il, le levain qui fait lever toute la masse en une pleine mesure est la lutte des classes. Ce qui est malheureux pour lui, c'est qu'il n'a jamais essayé de démontrer la vérité de ses théories et qu'il n'a jamais apporté un commencement de preuve. Pressé de définir cet idéal vers lequel le monde est en marche forcée, il évoque le spectacle idyllique d'hommes vivant ensemble, raisonnables, humains, justes, sans exploitation d'une classe sociale par une autre, sans guerre, chacun jouissant paisiblement de sa liberté. « De chacun selon ses aptitudes et son travail à chacun selon ses besoins. » L'on ne manquera pas de trouver qu'une pareille vue de l'histoire est très subjective et qu'elle dénote une observation psychologique bien courte.

 

Est-il vrai, au surplus, que, dans notre état social, ce procédé de développement continu dont on parle est caractérisé par le phénomène économique de la lutte des classes; que le progrès technique de la production aura nécessairement comme conséquences la conquête du pouvoir par les travailleurs, l'expropriation des capitalistes, et la socialisation des moyens de production ? Il ne suffit pas d'affirmer que l'on nous offre un système scientifique: il faudrait démontrer que nous sommes en présence d'une loi véritable qui soit autre chose qu'une vue de l'esprit, qu'en un mot l'on produise des preuves. A date il n'y a qu'une preuve: l'expérience soviétique, et elle est tragique. C'est le despotisme d'un dictateur, s'appuyant sur une bureaucratie privilégiée qui exploite le travailleur comme il ne l'a jamais été nulle part.

Mensonges et camouflages

Demeurons sur le terrain plus accessible de la pratique, où des faits sur lesquels il faut revenir à tout propos illustrent de saisissante manière les procédés trompeurs du communisme, et notons les camouflages successifs dont il se recouvre: la ligue pour la paix, les amis de l'Union soviétique, les campagnes contre le fascisme, le salut des institutions démocratiques, la liberté de parole et de réunion, que sais-je encore! au moyen desquels il espère enrôler les défiances ou les rancunes des uns, voiler la complicité des autres, et qui lui servent tous à pousser ses petites affaires. En style de guerre, ce sont les nuages, c'est l'écran de fumée qui masque ses opérations.

L'épouvantail du fascisme

Retenons à titre d'exemple la campagne qui s'amorce de ce temps-ci dans notre province contre le fascisme. Voilà que tout le monde s'en mêle. Ne va-t-on pas jusqu'à créer l'impression que le vrai danger dont il faut nous garer n'est pas le communisme, mais le fascisme ? De braves gens qui n'ont aucune attache communiste s'y laissent prendre. Il ne m'appartient pas de rechercher le but que certains poursuivent et qui d'ailleurs est assez évident. Ce qui est sûr, c'est que le communisme ne peut rien souhaiter de plus heureux pour lui que cette manoeuvre: elle détourne l'attention du public de ses propres activités et elle lui permet de dresser chez nous l'épouvantail qu'il agite ailleurs avec succès. Il aura contribué, pour sa part, à lancer la nouvelle injure de « fasciste ». On ne peut pas dire que notre vocabulaire s'en soit enrichi pour autant. Mais avec cette invective, le communisme dispose d'un stigmate à la fois imprécis et commode qu'il a réussi à rendre odieux, prompt à discréditer.

 

Avant que la passion nous empêche de réfléchir, il conviendrait tout de même de nous demander, en toute loyauté, où se trouve la vérité. On pense définir justement le fascisme en disant qu'il aspire à la suppression du régime parlementaire et qu'il est mû par une philosophie totalitaire dont l'ambition est de faire de tout et de tous la chose de l'État. Est-ce que par hasard les institutions parlementaires de notre province seraient en danger ? Par ailleurs, ne pourrions-nous pas nous avouer que nous avons pris l'habitude de recourir à l'État pour le moindre ma­laise, et que cette tendance dont nous sommes responsables a existé bien avant le fascisme et n'a rien de commun avec lui ?

 

Et si quelques centaines de jeunes gens font de l'exercice physique ou de l'entraînement quasi militaire, ne serait-ce pas, dans leur pensée, que l'on ne prend pas contre le péril qui nous menace les mesures que l'on devrait prendre ? Je l'entendais exprimer récemment dans un groupe de jeunesse. L'on nous assure pour nous consoler, disait-on, que la gendarmerie royale connaît tous les mouvements des communistes. Cela suffit-il et pourquoi n'agit-elle pas ? Notre gendarmerie est déjà privée, par la suppression de l'article 98, d'une arme efficace. Voilà maintenant que le communisme pousse de l'avant les nombreuses sociétés qu'il dirige d'une façon clandestine, à demander le retrait de notre loi provinciale dont l'objet est précisément de nous défendre contre ses entreprises. Si l'autorité compétente cède à ces suggestions, elle se donne figure d'enlever elle-même en pleine bataille leurs armes à des soldats qui se défendent. Il faut bien que cette loi gêne les communistes pour qu'ils en poursuivent si âprement le désaveu. Cela se passe à l'heure où sept à huit cents Canadiens nous reviennent ou vont nous revenir d'Espagne, où ils sont allés se former aux bonnes méthodes dans l'armée rouge, qu'ils seront la troupe de choc dont nos ennemis disposeront. N'est-il pas de prudence élémentaire que nous soyons prêts à toute éventualité ? Connaissant par l'expérience de ces dernières années la façon brutale et sanguinaire avec laquelle les communistes traitent leurs victimes, qu'y a-t-il d'étonnant à ce que nos jeunes gens veuillent être à pied d'oeuvre si, un jour ou l'autre, nous sommes atteints par le même malheur.

Le Parti National Social Chrétien

L'état d'esprit que ces paroles traduisent n'est pas si rare que l'on pourrait croire. Je prie qu'on le remarque: je ne fais pas en ce moment l'apologie du Parti National Social Chrétien, ni de son journal de propagande: le Fasciste Canadien, qui fait peur à tant de monde en notre pays. Il y a dans le programme du parti des doctrines très mêlées auxquelles un catholique doit regarder de près avant d'y souscrire. C'est du nazisme allemand, avec ses erreurs et ses tendances, et dont on a pris soin d'adoucir les arêtes les plus vives afin de le rendre acceptable aux catholiques de chez nous. Sans qu'il soit nécessaire d'y insister, comment pourrions-nous oublier la façon dont l'Allemagne hitlérienne traite nos frères dans la foi ? N'y a-t-il pas, d'autre part, dans tous les fascismes, un besoin de domination qui n'est guère favorable à la liberté de conscience et qui renouvelle sans cesse un conflit vieux comme le monde: celui du césarisme et du pouvoir spirituel ?

Atermoiements, attitudes peureuses

 

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas cet aspect qui m'intéresse en ce moment. Il nous importe bien davantage de savoir si le raisonnement de nos jeunes gens ne contient pas une part de vérité, et si notre faiblesse, nos atermoiements, nos attitudes indécises n'agissent pas en somme au profit du communisme. Nous avons l'air de manquer de fierté et de courage. Notre province de Québec subit depuis des mois les attaques les plus injustifiées, et l'on nous assimile à quelque peuplade non civilisée du fond de l'Afrique parce que nous empêchons une poignée de communistes de faire tout le mal qu'ils voudraient. Quelqu'un s'est-il levé au Sénat ou aux Communes pour dire ce que nous sommes ? Et serait-ce chez nous par hasard que l'on ne respecte pas la liberté religieuse ou scolaire du citoyen ? Ne commettons pas la faute mortelle de mettre sur le même pied la liberté telle que l'entend le communisme. C'est parce que nous hésitons à prendre parti que nous entretenons une inquiétude et un malaise favorables à toutes les réactions. S'il n'existait pas, notre conduite ferait naître le fascisme. Nous tombons dans cette contradiction curieuse: par antifascisme nous faisons les affaires du pays le plus autoritaire qui soit au monde, la Russie soviétique. Nous nous créons des préjugés qui nous empêchent de voir toute la malfaisance du communisme. Ce serait trop peu que l'on pût dire de lui qu'il n'a jamais toléré, quelque part qu'il ait existé, la liberté de parole ou d'opinion. Il coupe sans pitié les têtes qui ne pensent pas comme lui. Sa philosophie totalitaire et sa haine antireligieuse l'ont amené à commettre, avec des raffinements de barbare et une rage stupide de destruction, les plus grandes horreurs que l'histoire ait connues. Une diversion contre le fascisme ne saurait indéfiniment suffire. Nous devons craindre d'avoir jusqu'à l'apparence de nous solidariser avec les ambitions communistes. Un jour ou l'autre nous devrons prendre efficacement posi­tion contre elles. Dieu veuille que ce ne soit pas trop tard.

 

« Pour sauver la démocratie »

 

J'indique brièvement un autre exemple qui n'est pas moins instructif. On nous demande maintenant de faire campagne « pour sauver la démocratie ». C'est un refrain qui ne nous est pas inconnu. En 1914, l'on a levé des armées de volontaires comme l'on a fait accepter plus tard la conscription au cri de « Faisons un monde qui soit sûr pour la démocratie ». Les professionnels du communisme se disent sans doute qu'un refrain qui a été goûté une fois peut bien l'être encore. C'est ainsi que nous voyons réapparaître une rengaine qui est proche parente de l'autre et peut nous faire autant de mal: « Sauvons l'existence même de la démocratie. » Nous étions en droit d'espérer, nous dit-on, que les sacrifices consentis pendant la grande guerre nous permettraient d'étendre aux peuples arriérés les bienfaits du régime démocratique. Les forces de la réaction fasciste se sont opposées au vrai progrès, et ce qui est maintenant en péril, c'est le droit des peuples à se gouverner eux-mêmes.

 

Oui, sans doute! mais quelle démocratie s'agit-il de sauver ? Est-ce celle que nous voyons fleurir en Angleterre, en France ou aux États-Unis, où il semble bien que le peuple jouit, par le suffrage universel, du droit de faire et de défaire ses gouvernements ? Non pas; et les vrais communistes vous di­ront qu'il s'agit là de pays capitalistes qui oppriment leurs travailleurs comme ils oppriment les peuples incapables de se défendre. Ils y entretiennent même des agitateurs qui y travaillent « à la défense de la démocratie » et qui en même temps complotent le renversement des institutions démocratiques que ces pays se sont librement données, pour les remplacer par la dictature du prolétariat.

Communisme marxiste

 

Et voilà le mensonge percé à jour. Ce que nous sommes appelés à défendre, ce n'est pas la démocratie: creuse façade, c'est le communisme marxiste, et ce n'est pas du tout la même chose. Il ne faut pas nous juger assez sots pour que, sous le couvert de sauver la démocratie, nous nous attelions à la tâche de sauver le communisme. Un catholique ne peut s'y tromper, car les principes sont trop différents. Nous sommes en faveur des droits de la personne humaine, et nous prétendons qu'on les respecte parce qu'ils sont sacrés. L'un des griefs que nous faisons précisément au mauvais capitalisme, c'est qu'il viole ces droits, qu'il soit question de salaire raisonnable ou des conditions de travail. Nous pourrions sans doute rappeler que le communisme les détruit, lui aussi, sans hésiter. Il est peut-être plus utile de remarquer que des propos, sans cesse renaissants, comme celui que nous citons, contribuent, comme en 1914, à créer une atmosphère spéciale, favorable à la guerre, et qu'une guerre universelle amènerait la révolution universelle, chère au communisme. Un chef travailliste disait il y a quelques semaines, et fort justement: « Quand un certain nombre de nos têtes dirigeantes auront adopté une psychologie de guerre, il arrivera que le reste du pays pensera de même. Ceci me préoccupe vivement: parce que, s'il y a une guerre, ce sont les ouvriers qui en feront surtout les frais. » Cette réflexion devrait frapper à la fois nos hommes dirigeants comme nos hommes du peuple, car le communisme les arrête les uns et les autres, et souvent sans qu'ils s'en doutent, à des mouvements d'opinions bien dangereux, et qui peuvent nous conduire fort loin.

Inepties qui encombrent la circulation

 

Ainsi pourrait-on dire des autres inepties habituelles à la propagande communiste et qui encombrent aujourd'hui la circulation. Elles ne valent guère mieux que celles que nous avons examinées.

 

Si incomplètes soient-elles, les réflexions que nous venons de faire permettent d'appuyer quelques conclusions opportunes. Il y en a une qui vient immédiatement à la pensée: comment se fait-il, devant les envahissements du communisme, qu'il y ait encore chez nous tant de gens qui refusent de voir clair ? Nous pourrions signaler quelques raisons: les affaires, le plaisir, la négligence de nos devoirs de justice et de charité, cet égoïsme naturel qui nous détourne de tout ce qui peut troubler notre confort. Il y a surtout, de ce temps-ci, des idées extrêmement confuses et parfois tout à fait fausses sur la liberté. Ces idées entrent en nous avec l'air que nous respirons et il arrive ainsi que, de naissance presque, nous avons sur des points essentiels une sensibilité aiguisée et des préjugés tenaces. Combien d'esprits, dans un milieu comme le nôtre, sont touchés, souvent même à leur insu, par le remous lointain de la révolution religieuse qui, au seizième siècle, a mis à la base de ses relations avec Dieu le principe du libre examen. L'indépendance poussée le plus loin possible, la liberté du bien assurée et maintenue en principe, non par la répression du mal, mais par l'égalité de traitement accordée au bien et au mal; confusion entre le libre arbitre et le droit, c'est-à-dire entre la liberté considérée comme pouvoir naturel et la liberté considérée comme pouvoir moral, confusion entre la liberté et l'indépendance, voilà plus qu'il n'en faut pour troubler nos idées et développer en nous une forme d'orgueil particulièrement dom­mageable: l'orgueil de l'esprit.

Liberté et liberté

 

Tous les orgueils sont sots; celui-ci l'est plus que les autres. Car enfin ce débat doit être dominé par quelques principes très clairs de doctrine et de bon sens. Indépendante, la liberté humaine l'est sans doute quand elle se meut dans la sphère du licite et de l'honnête. Ceci veut dire qu'elle peut licitement faire tout ce qui ne lui est pas défendu, et choisir parmi les moyens honnêtes ceux qui la conduisent à sa fin. Que si, dans l'état présent si fortement influencé par le péché d'origine, la liberté humaine choisit le mal, ce ne peut être que par un défaut de perfection. Pour l'honneur de notre raison, laissons tomber une fois pour toutes dans le discrédit qu'elle mérite la théorie qu'il est de la nature de la liberté de pouvoir choisir entre le bien et le mal. La liberté est un choix, sans doute, mais elle est aussi un acte de la volonté raisonnable, un acte qui se doit à lui-même d'être conforme à la saine raison. Dans l'ordre intellectuel on dit d'un jugement erroné qu'il est, non pas une qualité, mais un défaut de l'intelligence: dans l'ordre moral, un mauvais choix n'est pas une qualité, mais un défaut de la liberté. Au-dessus du pouvoir physique de faire tout ce qui plaît; au-dessus du droit de penser mal, de professer et de publier tout ce qui peut passer par une tête humaine, il y a des restrictions imposées par la loi de nature, par la Révélation divine, par l'ordre moral, par les lois édictées par le pouvoir légitime pour le bon ordre et l'avantage de la société... Il ne nous vient pas à l'idée de contester à l'autorité civile le pouvoir de limiter le droit de l'individu en prohibant la libre circulation des poisons, des narcotiques ou des liqueurs frelatées. Nous pensons que le bon ordre et l'existence même de la société temporelle sont à ce prix. Acceptons également qu'il y ait des limites à la liberté de prêcher le mal ou les idées subversives de l'ordre social. Selon le mot de Bossuet, la « liberté est donnée à l'homme non pour secouer le joug, mais pour le porter avec honneur en le portant volontairement, afin qu'elle nous tourne à la gloire de faire le bien ».

La liberté de faire le mal

 

Relevons tout de suite la conclusion qui découle de ce principe qui est d'ailleurs à la base de toute éducation: ce n'est pas lui enlever sa liberté que d'empêcher quelqu'un de faire le mal. Bien au contraire. Le catholicisme est une vie et une règle de vie. L'une des preuves les plus frappantes de sa divinité, c'est précisément qu'il organise avec une souveraine efficacité l'affranchissement de la liberté humaine de toutes les servitudes qui la menacent. Dieu sait que la tâche est rude. Qui ne se rend compte, s'il s'observe de près, que cette indépen­dance dont nous sommes si fiers et si jaloux n'est rien autre chose qu'un vain mot. Nous sommes bornés de toutes parts par nos ignorances et nos préjugés. Dans tous les domaines, l'hérédité, le tempérament, l'éducation, nos passions et jusqu'à la mode nous imposent des façons de penser, de sentir et d'agir qui comportent des contraintes et des lisières. Nous manquerions de logique si nous réservions nos indépendances pour le seul domaine moral et religieux. Admettons surtout qu'il n'y a que la grâce surnaturelle qui soit assez puissante pour rendre à notre volonté sa rectitude et sa fermeté; elle seule a pu créer cette merveille de droiture, de maîtrise de soi, de domination des instincts, d'élévation d'esprit qui s'appelle un saint.

La religion ne nous menace pas...

 

Que Dieu m'accorde d'atteindre par ces réflexions certains professionnels égarés dans l'irréligion et l'anticléricalisme. Leurs dispositions rendent possible une propagande anticatholique qui vient appuyer celle du communisme, pour le plus grand malheur de notre province. S'ils veulent d'ailleurs examiner loyalement les raisons qui les éloignent de la pratique religieuse, ils constateront que le poids n'en est pas lourd, et ils pourraient se rappeler avec profit la parole bien connue: « La religion ne vous menace pas, elle vous manque. » Ils devront concéder surtout que leur défection prend une apparence bien odieuse. Il y a eu, autour de Notre-Seigneur et de son prolongement ici-bas: l'Église, des amitiés de choix, et cette gloire ne leur a jamais manqué. Mais Notre-Seigneur a subi sa passion et l'Église la subit avec lui à travers les siècles. L'un et l'autre ont rencontré sur leur chemin des trahisons de choix; je veux dire des trahisons d'amis, comblés de tendresse et de services et que les plus simples convenances devraient rendre fidèles jusqu'à la mort: or ils manquent à la grâce de leur baptême, à leurs responsabilités de chrétiens, et c'est pour nous une tristesse très douloureuse.

 

Je sais que pendant cette sainte quarantaine de ferventes prières montent au ciel pour tous les intérêts spirituels de ce diocèse. Qu'elles obtiennent de nous maintenir tous unis dans l'amour et la pratique des mêmes vérités religieuses, gage assuré de notre bonheur personnel et d'un meilleur ordre social.

Lisez, je vous prie, cette circulaire à vos fidèles, au prône de vos messes paroissiales, et croyez à mes sentiments religieusement dévoués en Notre-Seigneur.

Source: S. Exc. Mgr Georges GAUTHIER, "Lettre sur le communisme", Montréal, L'Oeuvre des tracts, No 226 (avril 1938): 1-15.

 
© 2004 Claude Bélanger, Marianopolis College