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Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec
La loi du cadenasThe Padlock LawLe procès Lessard-Drouin[1939]
[Ce texte a été rédigé par Édouard LAURENT. Pour la référence précise, voir la fin du document.] LE procès de François-Xavier Lessard et de Joseph Drouin est l'un des événements les plus importants dans l'histoire de la lutte contre le communisme au Canada. Il est aussi important que celui qui se termina à Toronto le 12 novembre 1931, alors que Tim Buck et six autres membres du parti communiste furent condamnés, après avoir été trouvés coupables d'infraction à l'article 98 du Code criminel. Cet article, aujourd'hui rayé du Code, défendait sous peine d'offense criminelle d'appartenir à une association dont le but est de renverser par la force l'autorité établie. Le procès Lessard-Drouin suscitait également beaucoup d'intérêt par suite du fait qu'il se déroulait après une application par le procureur général, l'honorable M. Duplessis, de la nouvelle loi contre la propagande communiste. Il permettait ainsi aux adversaires de la loi de présenter leurs critiques devant les tribunaux.
Rappelons les faits qui ont entouré le procès. Les agents de la police judiciaire avaient opéré plusieurs saisies de documents communistes à la résidence de Lessard, durant les premiers mois de l'année 1938. Malgré de nombreux avertissements, Lessard continuait toujours de faire de sa demeure un centre de propagande communiste. C'est alors que le procureur général décida de mettre en application l'un des articles de la Loi du cadenas.
Le 20 juillet, deux agents de la police judiciaire se rendaient chez Lessard pour l'avertir que sa résidence serait fermée dans vingt-quatre heures.
Le 21 juillet, les agents Montcalm Galibois et Martin Healy se rendaient à la résidence de Lessard, afin de fermer le logement et d'y apposer les scellés de la province. Immédiatement les communistes protestèrent et la Ligue des Droits de l'Homme s'alarma. Un officier de la Ligue a déclaré que les membres réunis d'urgence avaient conseillé à Lessard d'aller briser les scellés posés sur sa résidence, afin de faire un test-case de la Loi du cadenas.
Le 22 juillet, durant la soirée, Lessard réussit à faire sauter le cadenas posé sur sa demeure, au 31 de la rue Mazenod. Il a lui-même déclaré, après son arrestation, qu'il avait demandé deux camarades pour lui aider dans sa besogne. Ces camarades, dont l'un était Joseph Drouin, se chargèrent d'immobiliser, pendant quelques instants, les agents de la paix dans leur automobile, pour permettre à Lessard d'accomplir son projet.
Le 23 juillet, Lessard était traduit devant les tribunaux sous l'accusation d'avoir enfreint une loi provinciale, en l'occurrence la Loi du cadenas. C'est là une offense prévue par le Code criminel. Quelques jours plus tard, le ministère public porta une nouvelle accusation contre lui. Cette fois, il était accusé, en compagnie de Joseph Drouin, d'avoir comploté pour empêcher les agents de la paix d'accomplir leur devoir. Les deux accusés obtenaient la permission de sortir sous caution, après que la Ligue des Droits de l'Homme, par l'entremise de Me Robert Calder, eut déposé au greffe de la Paix l'argent nécessaire à cet effet.
Le 26 octobre, la Couronne, par l'entremise de Me Antoine Rivard, C. R., et de Me Noël Dorion, C. R., procédait contre les accusés Lessard et Drouin devant les Assises criminelles de Québec, présidées par l'honorable juge Roméo Langlais. Après l'enquête, les jurés trouvèrent les accusés coupables et le juge condamna Lessard à deux ans de pénitencier, tandis que son compagnon, Joseph Drouin, s'en tirait avec un an de prison. Cette cause a été portée devant la Cour d'Appel.
En attendant le jugement de la Cour d'Appel sur cette question, la Couronne a fait remettre à l'automne 1939 l'audition de la cause où Lessard était accusé d'avoir désobéi à une loi provinciale.
Les avocats des accusés, Me Calder, Me Mergler et Ma Coote, tentèrent par tous les moyens de faire déclarer la Loi du cadenas inconstitutionnelle, mais le juge décida qu'une cour criminelle n'avait aucune juridiction pour se prononcer sur la constitutionnalité des lois. Les tribunaux criminels n'ont pas d'autre fonction que de définir la loi criminelle et de punir ceux qui sont trouvés coupables. Le seul tribunal compétent pour juger de la question est la Cour supérieure.
De nombreux documents ont été produits durant le procès. Ils étaient si nombreux qu'il a été impossible de les citer au cours de l'enquête. Ces documents avaient été saisis par la police à la résidence de Lessard. Grâce à l'obligeance des procureurs de la Couronne, il nous a été permis de les consulter et de les examiner avec soin. Nous avons laissé de côté toute la propagande imprimée, journaux, brochures et circulaires, pour nous attacher aux documents privés. Ces derniers, tous inédits, sont de nature à nous renseigner davantage sur la mentalité et sur les projets des dirigeants du parti communiste dans la province de Québec. Ils ont l'avantage de nous présenter une pensée non déguisée pour les besoins de la propagande. C'est là surtout que réside l'intérêt des pages qui vont suivre.
Un bon nombre de citations ont été prises dans une série de feuilles dactylographiées portant le titre: « Résumé de cours ». Aucune indication ne nous permet de dire où ces cours ont été donnés. Il semble, comme on pourra s'en rendre compte, que ce soient des directives données par les chefs du parti provincial aux principaux membres des petites organisations communistes.
Nous préférons ne faire aucune correction, en ce qui concerne l'orthographe et la grammaire, dans les documents que nous citerons, afin de leur laisser toute leur « saveur ». Source: Édouard LAURENT, "Le procès Lessard-Drouin", dans Une enquête sur le communisme à Québec, Montréal, École Sociale Populaire, No 303 (avril 1939): 3-5. |
© 2005
Claude Bélanger, Marianopolis College |