Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Septembre 2005

Documents of Quebec History / Documents de l'histoire du Québec

 

Pour le rôle des femmes

 

[Ce texte fut rédigé par Idola St.-Jean en 1939. Pour la référence précise, voir la fin du document.]

Voici le texte du plaidoyer que Mlle Idola Saint-Jean, présidente de l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec, a présenté aujourd’hui même à la Législature provinciale :

 

Messieurs les ministres et messieurs les députés,

             

La question que nous avons à vous présenter affecte la moitié de la population de la province. Nous remercions la Législature de bien vouloir nous permettre de la discuter nous-mêmes. Les intéressées sauront toujours mieux que personne faire valoir les raisons qui militent en leur faveur.

 

Nous voulons voter, messieurs, parce que :

             

Premièrement : sous un régime démocratique le vote est le facteur qui permet au citoyen d’être représenté au parlement et de participer à la vie publique;

 

Deuxièmement : parce que étant soumises aux mêmes obligations que les hommes, il n’est que juste que nous possédions les mêmes privilèges. « Pas d’impôt sans représentation » est un adage basé sur la justice.

 

Troisièmement : la femme travaille dans toutes les sphères de l’activité humaine. Charité, industrie, commerce, enseignement et professions qui lui sont permises. Alors pourquoi ne pourrait-elle pas participer à la vie politique de sa province? La politique veut dire sociologie, elle est, d’après nous l’organisation de la vie quotidienne de tous les êtres humains, des hommes comme des femmes.

 

Il est question que la province impose une taxe sur le revenu, alors, je vous le demande, messieurs, est-il juste et en conformité à notre idéal démocratique de demander à la femme de payer une large part d’un impôt de ce genre et de lui refuser le droit de l’administrer?

 

Pourquoi le droit de vote a-t-il été réclamé par les hommes? N’est-ce pas parce qu’ils avaient des intérêts à défendre? Les femmes n’en ont-elles pas autant qu’eux? La mère, tout autant que le père, n’a-t-elle pas à coeur de défendre l’intérêt de ses enfants?

 

On dit aux femmes : « Occupez-vous de questions sociales, exercez votre influence dans le domaine de la charité ». Très bien, la charité  est un palliatif aux maux humains; mais ne serait-il pas encore mieux d’établir des lois sociales qui les préviennent? Et sur ce terrain social tous les citoyens s’accordent à dire que la femme est supérieure à l’homme, qu’il ne peut, comme elle, lutter avec la même compétence contre les fléaux sociaux et l’immoralité publique.

 

La femme désertera-t-elle son foyer davantage lorsqu’elle ira voter tous les quatre ans que lorsqu’elle va payer ses impôts?

 

Messieurs, laissez-vous inspirer des paroles de notre distingué économiste, M. Edouard Montpetit, qui disait dans un de ses cours à l’Université de Montréal : « Il n’y a aucune raison valable, aucun argument sérieux à présenter contre le vote des femmes ». Donnez un vote libérateur, ouvrez la porte de l’arène politique aux femmes de chez vous qui sauront rester dans la vie provinciale aussi dignes qu’elles le sont dans la vie fédérale à laquelle elles participent depuis plus de vingt ans.

 

A la veille de la visite de nos gracieux souverains et des fêtes du IIIe Centenaire de Montréal, fêtes qui attireront de si nombreux touristes, il est opportun, il nous semble d’embellir aussi la Législature, en donnant aux femmes une place égaleà celle des femmes des autres provinces du Canada. Ce geste ferait cesser les commentaires humiliants qui s’écrivent un peu partout sur les restrictions infligées aux femmes du Québec.

 

Permettre aux femmes de voter aux élections fédérales et municipales et leur refuser ce droit quand il s’agit d’une élection provinciale est une anomalie qui n’est pas à l’honneur de nos législateurs. Nous vous prions de la faire disparaître de notre vie publique. N’assumez pas plus longtemps la responsabilité de nous tenir au rancart de la vie nationale de notre province que nous aimons et au bien-être de laquelle nous voulons nous dévouer aux heures troubles qu’elle traverse. En 1939, l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec demanda à la Commission royale d’enquête sur les Banques une réforme fédérale. Jusque là, la femme du Québec exclusivement ne pouvait déposer dans une banque un montant excédant $2,000. Nous avons prié la Commission de recommander l’abolition de cette incapacité. La Commission a reconnu le bien-fondé de cette requête et a recommandé la modification que nous préconisions.

 

La Chambre des Communes a opéré la réforme qui affectait un groupe de votantes et maintenant la femme du Québec est sur un pied d’égalité avec les femmes des autres provinces du Canada en ce qui a trait à la Loi des Banques. Ce fait prouve bien l’influence du vote.

 

Je termine en vous priant, messieurs les ministres et messieurs les députés, de vous inspirer des paroles du Maître Souverain qui disent : « Faites aux autres ce que vous voulez qu’ils vous fassent ».

 

Permettez-nous d’élire nos législateurs et de ce fait rendez nos lois plus chrétiennes.

 

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Source: Saint-Jean, Idola. « Pour le rôle des femmes » Le Devoir, 30 mars 1939, p.5. Article transcrit par Christina Duong. Révision par Claude Bélanger.

 

 

 

 

 

 
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