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Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents
L'appel de la race
Jacques Brassier[pseudonyme de Lionel Groulx]
Chronologie de la controverse sur l'Appel de la Race
Le petit livre d'Alonié de Lestres fait parler de lui. C'est à qui lui ferait de la réclame, cependant que la deuxième édition s'en va rapidement. Les critiques sont de toutes les nuances et même sans nuances. Un critique québecquois a violemment condamné les solutions du Père Fabien. Nous le regrettons pour lui, mais nous avons reçu, depuis ce temps-là, trop d'approbations de théologiens pour que l'assurance du critique nous rassure sur sa théologie.
Il faut traiter, sans doute, ces violences de théologien, comme les violences de grammairien que se permet le même critique. On se rappelle qu'il n'a pas consacré moins d'une page du Canada français à abominer ces barbares qui osent écrire « le Québec ». Pour calmer les remords d'Alonié de Lestres, nous avons tout bonnement ouvert Le Bulletin du parler français, - un parent assez proche du Canada français, si nous ne faisons erreur - ; nous l'avons ouvert au tome Vème, p. 318 et voici ce que nous y avons lu sous la signature de M. Adjutor Rivard dont le critique québecquois ne contestera pas la compétence
« Nous venons de démontrer qu'il faut dire : le Manitoba, en parlant de la province de Manitoba. La même règle devrait s'appliquer aux provinces d'Ontario et de Québec. Le Québec, paraît étrange; nos oreilles n'y sont pas habituées. Mais ce serait, il nous semble, la forme régulière. On dit royaume de Siam, parce que Siam est un nom de ville comme Québec: mais le Siam, au sens de « le royaume de Siam », garde l'article. On répliquera peut-être que royaume est masculin, tandis que province est féminin; nous ferons remarquer qu'on écrit le Vénézuela [sic], au sens de « la république de Vénézuéla ». (Vénézuela - petite Venise - est un nom de ville). »
Il paraîtrait que depuis lors, le Bulletin ou le Canada français aurait soutenu le contraire. Cela prouverait, à tout le moins, qu'il n'y a pas de quoi trancher la question avec si peu d'aménité et que les barbares barbarisant pourraient fort bien se trouver au Canada français comme à l'Action française.
A la suite d'un article d'un certain Français paru dans une revue anémique de Montréal, un professeur de l'une de nos grandes institutions commandait immédiatement cent exemplaires de l'Appel de la Race puis faisait tenir à Alonié de Lestres, la protestation suivante que nos lecteurs ne nous pardonneraient point de leur laisser ignorer : « En retenant cent exemplaires de l'Appel de la Race, je ne crois pas avoir posé un geste bien héroïque. Je n'ai fait qu'obéir à la dictée de ma conscience qui m'enjoignait de protester, non pas une parole, mais par un acte, contre l'intervention injuste et insolente d'un Français de France dans nos questions nationales. Tous les Français, grâce à Dieu, ne pensent pas comme ce professeur de McGill. J'en connais près de moi, qui s'intéressent à nos luttes et sympathisent avec nous. Quant aux snobs et aux anglicisateurs, qui, au lieu de nous aider, semblent s’ appliquer, chaque fois que l'occasion se présente, à faire le jeu de nos adversaires, et se scandalisent ensuite de ce que notre culte pour la France n'est pas assez intense, apprenons-leur, une bonne fois à se mêler de leurs affaires et à respecter au moins les lois de la décence la plus élémentaire. La France y gagnera et les Canadiens aussi ».
D'autres critiques qui veulent faire les malins, affirment que l'Appel de la Race, est le plus invraisemblable des romans, pour soutenir l'instant d’après, avec non moins d'acharnement, que le roman est si réel, si vrai, qu'il est tout bonnement un roman à clefs. La vraisemblance de la fable ou des personnages relève des critiques qui en décideront comme il leur plaira. Mais l'autre question relève de l'auteur tout d'abord; et nous affirmons sans plus que l'Appel de la race n'est pas un roman à clefs. Alonié de Lestres n'a visé personne; et en fait; l'histoire de Lantagnac ne répond à aucune histoire concrète. Ceux qui écrivent le contraire de ce temps-ci ne font que de petits romans en marge de l'autre. Et, il nous serait, facile d'en faire la preuve, si tout de même il ne fallait se montrer aussi indiscret que les professeurs de discrétion
Source : Jacques BRASSIER [pseudonyme de Lionel Groulx], « L’Appel de la race », dans L’Action française, Vol. IX (janvier 1923) : 62-64. Retour à la page de la controverse sur l'Appel de la Race
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Claude Bélanger, Marianopolis College |