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Documents de l’histoire du Québec / Quebec History Documents
Écrits des Jeune-Canada
Vue d'ensemble de notre vie nationale
parTHURIBE BELZILE
Mesdames,
Messieurs,
Avons-nous de notre idéal national une conception suffisamment nette, riche et forte, ou bien pour l'imposer à nos concitoyens de langue anglaise dans le cadre de la Confédération, ou bien pour en vivre comme État canadien-français, advenant la sécession ?
Posons la question d'une autre façon: sommes-nous animés d'un vague sentiment national ou d'un véritable esprit national ? Agissons-nous en Canadiens français intelligents et intègres seulement lorsque nous sommes violentés, ou obéissons-nous aux ordres formels d'une conscience nationale ?
On croira peut-être que je veux jouer avec les mots. Essayons donc de nous entendre sur le sens des différents termes que je viens de proposer. J'appelle sentiment national un mouvement naturel, une passion si vous le voulez, qui nous pousse incidemment à réagir devant un fait de portée nationale, c'est-à-dire devant un événement accompli ou une action posée affectant brutalement un aspect de notre vie nationale qui nous est particulièrement sensible.
J'appelle esprit national un état d'âme collectif qui, nous donnant une vision nette de nos problèmes nationaux, nous permet de penser et d'agir, à tous les instants de notre vie, en conformité des besoins et des aspirations de notre nation.
Ai-je besoin d'ajouter que j'appelle conscience nationale un tribunal permanent qui, tenant compte des lumières de l'esprit national, nous fait un devoir impérieux de nous conduire. en toute circonstance selon les données de cet esprit national.
Le seul fait que j'en appelle à notre conscience nationale devrait vous raturer sur mes intentions. Je ne veux pas rechercher des, fautes pour la vaine satisfaction d'en gémir. Ce serait le fait d'un pessimiste. Or les Jeune-Canada ne sont pas des pessimistes. Quand ils étudient le passé de notre nation, ce n'est pas pour poser sur cette nation un diagnostic d'anémie incurable, mais pour lui proposer des remèdes qui, purifiant son organisme, lui garantissent une survivance prospère et glorieuse.
NOS RAISONS D'ESPÉRER
Et d'ailleurs, est-il si difficile d'être optimiste ? Il me suffit de promener sur notre passé un regard rapide pour observer que le sentiment national y a enregistré des victoires admirables.
Je pense en ce moment à l'enthousiasme délirant qui salua en 1841 le geste héroïque d'un Lafontaine prononçant en français son premier discours à la Chambre du Canada uni. A près d'un siècle de distance, je sens encore vibrer dans le coeur de tous les Canadiens français de cette époque la fierté des lutteurs qui, depuis quatre-vingts ans, n'avaient jamais eu l'occasion de déposer les armes, parce que à aucun moment de ces quatre-vingts ans ils ne s'étaient cru autorisés par l'Angleterre à vivre ici leur vie française. .
Je me représente cette salle du Monument national au soir du 17 avril 1905 et j'y vois une foule débordante, applaudissant, trépignant, criant sa fierté au jeune orateur d'alors, Henri Bourassa, (appl. prolongés) dont la voix autorisée plaidait la cause de nos frères de l'ouest, que leur entrée dans la Confédération sous le voile des provinces de la Saskatchewan et de l'Alberta arrachait comme un lambeau à la vie nationale du Canada français.
Je me représente l'église Notre-Dame au jour mémorable du 10 septembre 1910 et je vois des milliers de poitrines se dégonfler en poussant un soupir de soulagement pendant que dans le choeur de la vieille église le même Henri Bourassa (appl.) projette le film électrisant de la langue française gardienne chez nous de la foi catholique.
Croyez-vous que notre génération soit incapable de réactions vigoureuses comme celles de 1842, de 1905 et de 1910 ? N'avez-vous pas été parmi ceux qui, il y -a une quinzaine d'années, levaient le poing vers les cyniques auteurs du règlement XVII ? N'avez vous pas sorti de vos petites banques les gros sous qui permirent à nos frères de l'Ontario d'organiser la résistance et de déjouer les menées du sectarisme anti-français ? (appl.)
Je pourrais rappeler bien d'autres circonstances de notre histoire où notre peuple s'est subitement réveillé. Après s'être laissé atterrer tantôt par l'oppression, tantôt par l'alanguissement, il surgit tout à coup, en un geste de résurrection - comme en 1842 - en un geste d'exaspération - comme en 1905 - en un geste de fierté, en un geste de foi - comme en 1910 ou en un geste de suprême espoir - comme vers 1920. Quand on connaît notre passé et que ce passé s'éclaire de scènes épiques comme celles dont je viens d'évoquer le souvenir, a-t-on le droit d'être pessimiste ? Je prétends qu'au contraire nous pouvons toujours compter sur nos forces latentes pour nous relever, à quelque profondeur que nous soyons descendus. Je n'en veux pour garantie que l'exemple d'Honoré Mercier qui, en 1886, s'emparant de l'affaire Riel, réveille la province de Québec et la fait vivre pour un temps d'une vie nationale intense. Aujourd'hui comme au temps de Mercier, un réveil national reste possible. Seulement, quand le peuple dort, ce n'est pas en faisant le grand silence autour de lui qu'on on' !e réveille. C'est en lui criant avec force sa langueur et sa détresse qu'on lui fait contempler la réalité.
Mercier ne craignait pas de représenter au peuple tes nuages qui assombrissaient son horizon. Dégoûté de la manière dont on se servait de la Confédération pour persécuter nos frères de l'ouest, il lançait aux Canadiens français de la province de Québec un cri de ralliement. Répondant à l'appel irrésistible de leur chef, nos pères se soulevaient alors en un vaste mouvement de protestation et de résistance. Leur conscience nationale, ravivée par la voix de Mercier, dénonçait hautement les tristes sires qui s'acharnaient à poursuivre de leur vengeance un dément, mais surtout un Canadien de descendance française. Décidé à tenir jusqu'au bout, Mercier opposait aussitôt au mouvement de francophobie qu'avait provoqué dans tout le Dominion la réaction du Québec une politique nationale qui, comprenant entre autres innovations, un programme de colonisation, des allocations aux familles nombreuses et d'autres réformes aussi urgentes, devait mettre la nation canadienne-française, retranchée dans la province de Québec, au-dessus de toutes les tentatives d'assimilation ou de persécution.
Et c'est cet homme-là, c'est Honoré Mercier, celui de 1886, qu'on fête en 1934 comme le champion du libéralisme ? Je vous le demande, mesdames et messieurs, comment croyez-vous qu'on honore le plus dignement Mercier, en le célébrant comme le précurseur d'un gouvernement livré à l'étranger, enchaîné par les trusts (honte! honte) ou en prêchant une politique nationale comme le faisait son petit fils au Lac Saint Jean le jour même des fêtes célébrées à Montréal ? (appl .)
MAIS DEPUIS...
Vous croyez peut-être que je m'éloigne de mon sujet ? Je voulais. vous prouver que; grâce à la conservation d'un sentiment national indéracinable, nous avons remporté dans le passé des victoires éclatantes sur nous-mêmes et sur les ennemis de notre nation. Et c'est vrai, nous avons remporté des victoires. Mais que nous ont valu ces victoires? Quel parti en avons-nous tiré ? Voici qui ,est plus triste: ces victoires du sentiment national sont restées sans lendemain parce que, je vous le disais il y a un instant, le sentiment national n'agit qu'incidemment. Nous n'avons tiré aucun parti de nos victoires parce que nous manquions d'esprit national. Or un peuple qui n'agit pas selon les données de son esprit national ne saurait trouver l'orientation qui lui convient. Il s'en va à la dérive, comme un navire sans boussole, toujours prêt à tendre le flanc aux ouragans. Ainsi nous avons vécu sans jamais tenter le moindre effort de création. Toute notre activité, tous nos efforts, quand efforts il y a eu, nous les avons fait servir à la conservation de notre patrimoine ancestral.
II ne faut donc pas nous étonner que nos efforts de conservation n'aient pas été couronnés de succès éclatants. Qui n'avance pas recule. Parce que nous nous sommes toujours contentés de vouloir conserver la tradition religieuse de nos pères, sans songer â l'enrichir, nous avons laissé s'instaurer chez nous un régime de laisser-aller qui nous vaut aujourd'hui le scandale d'une classe dirigeante impie. Parce que nous nous sommes toujours contentés de vouloir conserver à notre langue les positions que d'autres, avant nous, lui avaient acquises, sans nous soucier de la cultiver, nous avons gagné à faire de cette langue immortelle une langue de salon, et encore une bien pauvre langue de salon. Parce que nous nous sommes toujours contentés de vouloir conserver notre patrimoine matériel, sans nous donner la peine de l'exploiter, nous avons réussi â confier tous les postes stratégiques de notre industrie et de notre finance à des maîtres étrangers, dont nous sommes les serviteurs. Bref, à force de vouloir tout conserver, nous sommes en passe de tout perdre.
Nos efforts de conservation ont donc été vains, ou à peu près. Pourquoi donc ? Parce qu'ils n'étaient pas appuyés, renforcés, par des efforts de création. Nous manquons d'idéal. L'idéal d'une nation vigoureuse, consciente de sa valeur intellectuelle, l'idéal d'une patrie riche, exploitable au profit de cette nation, l'idéal d'une vie nationale intense, productive d'oeuvres immortelles, cela n'existe pas chez nous.
En voulez-vous des preuves?
DANS LE DOMAINE ÉCONOMIQUE
Où en sommes-nous dans le domaine économique ?
Notre épargne, le fruit de nos labeurs, les petits magots de nos agriculteurs, de nos artisans et de nos industriels, tout cela nous l'avons donné aux étrangers. Quand je dis -donné-, je rie veux pas dire "prêté", car - nous sommes payés pour le savoir - confier de l'argent à certains financiers que vous connaissez, ce n'est pas le prêter, c'est le donner et le donner bêtement. (Rires) Lequel d'entre vous n'a rien confié de son épargne aux entreprises hydroélectriques qui nous saignent à blanc ? Lequel d'entre vous n'a rien donné aux fabricants de papier qui s'évertuent à ruiner nos ressources forestières pendant qu'ils pressurent nos ouvriers ?
Non contents de donner notre argent aux étrangers pour leur permettre de nous exploiter à loisir, nous leur avons cédé nos entreprises les mieux lancées. C'est ainsi qu'à l'heure actuelle, quand nous favorisons de notre clientèle certaines maisons portant de vieux noms canadiens-français, nous donnons dans le piège de la finance juive ou américaine. Il faudra un jour afficher des noms et nous en afficherons, (bravo! longs appl .) d'abord pour empêcher les nôtres d'encourager inconsciemment des étrangers; et surtout pour stigmatiser comme il convient ceux qui ont eu la perfidie de se vendre pour s'enrichir à nos dépens ou simplement de vendre leur nom pour permettre à des étrangers d'exploiter une clientèle fidèle au nom français. (Appl.)
Enfin, puisque nous avons fourni des capitaux aux étrangers pour leur permettre de lancer chez nous des entreprises, puisque nous leur avons cédé nos entreprises les plus prospères, nous voulons être logiques avec nous-mêmes: nous achetons chez les étrangers.
M. Esdras Minville rappelait il y a quelques années qu'à cause de notre engouement pour les produits des marchands étrangers, nous avons réussi à n'avoir à Montréal qu'un grand magasin à rayons tandis que les étrangers en ont quatre, bien que la logique eût voulu exactement le contraire. Ce que M. Minville disait des magasins à rayons, nous pouvons le dire d'à peu près tous les commerces spécialisés. Prenez la confection pour hommes, et je vous défie d'y trouver ceux entreprises essentiellement canadiennes-françaises. Voyez les cafés et restaurants de Montréal, et comptez ceux qui n'appartiennent pas à des Grecs, à des Chinois ou à des chaînes étrangères à notre nation. Prenez les entreprises de cinéma et calculez les sommes que nous versons chaque jour, par le truchement de leurs caisses, à de purs étrangers, à des Juifs bien souvent. Nous achetons chez les étrangers, nous donnons notre argent aux étrangers sans nous inquiéter de savoir s'ils ont des concurrents canadiens-français que nous aurions le devoir de favoriser de notre clientèle.
Quel sombre tableau que celui de notre situation économique! Mais le tableau est sombre parce que nous. n'y projetons pas de lumière. Si nous étions guidés par une conscience nationale sans cesse en éveil, croyez-vous que nous serions assez stupides pour nous livrer ainsi aux étrangers? Si nous prenions la moindre conscience de nos actes, le cas serait vite réglé: nos épargnes serviraient à lancer des entreprises canadiennes-françaises, nous aurions à coeur de garder les entreprises qui nous appartiennent et, surtout, nos écus n'iraient pas rebondir dans les caisses des commerçants étrangers. Donc un peu de conscience nationale et notre situation économique s'éclaircit.
DANS LE DOMAINE POLITIQUE
Dans le domaine politique, sommes-nous en meilleure posture que dans le domaine économique ?
A Ottawa, nous sommes gouvernés par des Anglais, n'est-ce pas? quand ce n'est pas par Londres. Que font, pour assurer le respect de nos droits et de nos prérogatives, nos ministres et nos députés fédéraux ? A Québec au moins, sommes-nous libres de nos mouvements ? Ne sont-ce pas les trusts, le trust de l'électricité, le trust du charbon, le trust de l'essence, qui dominent notre politique provinciale ? On me répondra peut-être que tout en appelant chez nous le capital étranger, tout en favorisant l'édification des machines financières qui nous broyent [sic] les os à l'heure actuelle, notre gouvernement provincial s'est réservé sa liberté d'action. Allons donc! il n'y aurait alors que la politique du gouvernement Taschereau que l'économique ne dominât pas ? Et pourtant nous savons trop bien que sous des dehors facilement autoritaires, notre premier ministre cache toutes' les aptitudes d'un serviteur docile. (Appl .) Toutes les puissances qu'il devrait dominer de haut, il en subît modestement la férule. N'as-tu pas poussé la servilité jusqu'à confier à des Israélites la direction de deux comités de l'Assemblée législative. (Honte ! honte !)
L'esprit catholique, esprit de justice et de morale, et le génie français, génie fait de clarté et de prévoyance, quelle trace en trouvons-nous dans la politique fédérale et dans la politique provinciale ? A Ottawa, nous assistons au triomphe de l'oligarchie. Je n'en veux pour exemple que la désinvolture avec laquelle le premier ministre vient de flanquer dehors un collègue coupable d'avoir dénoncé la finance crapuleuse de certains bailleurs de fonds du parti conservateur. (Appl .) Dans la province de Québec, province catholique s'il vous plaît, nous sommes encore à attendre que le gouvernement prenne des mesures efficaces pour empêcher la violation du dimanche.
Nous nous plaignons que les meilleurs postes du fonctionnarisme fédéral soient réservés à des unilingues, à des Anglais par conséquent. A qui la faute? Je pourrais vous citer trois cas - il y en a certes bien d'autres - trois cas où des candidats unilingues, de langue anglaise, ont été nommés dans la province de Québec sur la recommandation d'un ministre et de deux députés canadiens-français. (Honte !) Dans les trois cas, il s'agissait de techniciens agricoles qui avaient pour concurrents des Canadiens français mieux préparés que les candidats choisis â remplir les situations vacantes. A Québec, ce n'est guère mieux, je devrais dire que c'est encore plus dégoûtant puisque - ce n'est un secret pour personne -les hauts fonctionnaires de la trésorerie provinciale sont les hommes de paille des banques anglaises, des Anglais par conséquent.
Comment se fait-il que, étant d'un côté maîtres de notre destinée de par le droit naturel et de par le droit constitutionnel, étant d'un autre côté animés d'un prosélytisme à toute épreuve quand il s'agit d'évangéliser les étrangers où de voler au secours des opprimés du monde entier, qu'ils soient nos frères dans le Christ ou nos ennemis dans le Christ, étant enfin jaloux de nos petites prérogatives nationales, nous nous soyons donné ou ayons accepté la situation politique dont je viens de parler ? Si nous avions été animés d'un 'esprit fortement national, croyez-vous, par exemple, que nous aurions laissé s'implanter dans notre province les fonctionnaires unilingues dont je parlais tout à l'heure? Si les arguments de raison étaient impuissants à éclairer députés et ministres, si la Commission du fonctionnarisme voulait faire la sourde oreille, n'étions-nous pas capables de flanquer à la porte les candidats de leur choix ou mieux encore de leur interdire par la force l'entrée des bureaux qu'on leur assignait? Soyez sans inquiétude: je n'ai pas plus d'admiration qu'il n'en faut pour les fiers à bras. Mais je prétends que le fouet et la STRAP sont les arguments tout désignés pour convaincre les brutes. Seulement, pour avoir le droit de se servir de ces arguments, il faut agir d'après des convictions. Or des convictions, nous n'en avons pas. (Approbation)
NOS MANIFESTATIONS DE VIE NATIONALE
Enfin, où en sommes-nous dans nos manifestations de vie nationale ?
Nous ne cessons d'offrir des sacrifices au dieu- inconnu. Bien souvent, ce sont des sacrifices sanglants, car qui dira combien nous avons sacrifié de nos énergies à des causes qu'on nous présentait sous un jour prometteur afin de s'en servir plus librement pour miner nos forces vives! On se plaint amèrement (oh! avec des sanglots dans la voix) que nous n'ayons pas encore de drapeau national. je vous le demande, mesdames et messieurs, comment pourrions-nous avoir un drapeau? Que pourrions-nous peindre sur un drapeau qui concrétisât les aspirations de notre nation? Commençons donc par faire vivre dans nos âmes l'idéal de notre nation. Le drapeau nous viendra par surcroît. (Appl. )
Avons-nous seulement un reste de notre passé. dont nous soyons fiers, d'une fierté entraînante ? Vous pensez peut-être que nous avons notre langue. Mais alors, il n'est donc pas vrai que l'honorable R. B. Bennett parla en anglais aux fêtes françaises de Gaspé ? (Honte! ) Il n'est donc pas vrai qu'à une manifestation patriotique organisée au lendemain du vote inique des monnaies unilingues, on laissa parler au nom de notre nation un ministre canadien-français coupable d'avoir trahi notre langue? Ce sont certes là des histoires tendancieuses, car après tout, si nous étions fiers de notre langue, vous vous imaginez bien quel parti nous aurions fait à ces insulteurs publics.
Croyez-moi, mesdames et messieurs, si nous laissons passer sans réagir des événements comme ceux-là, c'est que nous n'avons pas conscience de ce que représente pour nous le fait d'appartenir à la nation canadienne-française. Trouvez-moi seulement cent gaillards - parmi trois millions de Canadiens français! - cent gaillards animés d'un esprit national agissant, et je vous garantis que vous n'entendrez plus raconter d'histoires de cette nature. (Appl.) Pour nous tenir à la hauteur de la situation, il ne suffit pas que nous dénoncions les prévaricateurs. II faut que nous les enchaînions. (Longs appl.)
CONCLUSION
Que pensez-vous que je doive répondre maintenant à la question que je posais en commençant: Avons-nous de notre idéal national une conception suffisamment nette, riche et forte, ou bien pour l'imposer à nos concitoyens de langue anglaise dans le cadre de la Confédération, ou bien pour en vivre comme État canadien-français, advenant la sécession? L'exposé rapide que je viens de vous faire de notre situation dans le domaine économique, dans le domaine politique et dans le domaine de l'activité purement nationale vous a sans doute convaincus que, nous sommes incapables, à l'heure actuelle, de nous imposer à nos concitoyens de langue anglaise, incapables tout autant de vivre puissamment, repliés sur nous-mêmes.
Que nous reste-t-il à faire? Devons-nous abandonner la partie, nous laisser assimiler, condamnant ainsi ceux qui viendront après nous à traîner une vie d'esclaves, une vie de parias ? Une nation comme la nôtre, qui a recommencé sa vie nationale chaque fois que le besoin s'en est fait cruellement sentir, n'a pas droit de renoncer à la vie. Quand il lui faut recommencer, elle recommence. Quand la vie lui échappe, elle se ressaisit, elle fait appel aux souvenirs enthousiasmants de son passé, elle fait la revue de ses effectifs et elle se lance à l'assaut. Mais ne devrait-elle pas un jour décider de recommencer pour la dernière fois ? Il lui faudrait alors tenter un effort de redressement dont le plan fût si solidement établi que la mise en oeuvre de ce plan lui assurât pour toujours la survivance, mieux que la survivance, une ascension rapide et constante vers les hauteurs dominées par les plus grandes nations du monde ? Cet effort de redressement, allons-nous le tenter? (Appl. prolongés).
Retour à la page sur les Jeune-Canada Source : Thuribe Belzile, « Vue d'ensemble de notre vie nationale », dans Les Cahiers des Jeune-Canada, No 1, Qui sauvera Québec ? Montréal, l'Imprimerie populaire, 1935, 84p., pp. 35-49.
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© 2004
Claude Bélanger, Marianopolis College |