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revised: 23 August 2000 | Controversy
Surrounding the Use of the French Language at the Eucharistic Congress of Montreal
[1910] Le
discours de Bourassa au Congrès Eucharistique de 1910 Henri Bourassa Eminences,
  Messeigneurs,     Mesdames,
Messieurs, Depuis
deux jours, dans ces séances mémorables, des apôtres de l'Eglise universelle vous
ont énoncé les vérités de la foi et prêché le culte de l'Eucharistie: des chefs
de l'Eglise canadienne ont rendu témoignage à la religion vivante de leur peuple
(applaudissements); des prélats étrangers ont glorifié les magnificences
du congrès de Montréal; les hommes d'Etat canadiens ont assuré au représentant
du chef de l'Eglise catholique qu'ici l'Etat s'incline devant le magistère suprême
de l'Eglise (applaudissements). Qu'on
me permette de prendre ce soir une tâche, plus humble, mais non moins nécessaire,
- à moi qui ne suis rien, à moi qui sors de cette foule, - à moi qui n'ai qu'une
parcelle du coeur des miens à présenter au Pape (longues acclamations)
- et d'accomplir au nom de tous ce que chacun d'entre nous fait lorsque après
être venu à la table sainte chercher un regain de grâce et de vitalité, il formule
dans son âme les résolutions qu'il a prises pour devenir meilleur et plus fort.
Voeux Qu'on
me pardonne donc d'énoncer quelques-unes des résolutions que nous devons prendre
aujourd'hui comme peuple, après avoir communié tous ensemble à la face de Dieu
et des hommes dans le culte eucharistique. Tout
d'abord, faisons voeu de confesser notre foi dans nos actes publics. Que cette
foi, qui éclaire nos consciences et fait battre nos coeurs ne soit pas seulement
la base de notre religion individuelle, mais l'inspiration de notre vie publique
(acclamations). Combattons
le danger qui nous menace peut-être plus ici que dans la vieille Europe, attaquée
par ailleurs dans sa foi; je veux dire le danger de la double conscience, qui
fait que souvent des hommes qui adorent Dieu avec sincérité au foyer et à l'église,
oublient qu'ils sont les fils de Dieu lorsqu'il faut proclamer leur foi dans la
vie publique, dans les lois et dans le gouvernement de la nation (longues acclamations,
applaudissements prolongés). Au
culte de l'argent, au culte du confort, au culte des honneurs, opposons le culte
du devoir, le culte du sacrifice, le culte du dévouement (acclamations).
L'Amérique peut
apprendre de l'Europe L'illustre
archevêque de Saint-Paul nous disait hier que l'Amérique est appelée à résoudre
plusieurs problèmes des sociétés futures. C'est vrai; mais je crois également
que l'Amérique peut encore apprendre quelques leçons des vieilles sociétés chrétiennes
de l'Europe (applaudissements) et qu'il me soit permis, comme Canadien,
dans les veines de qui coule le sang de six générations de Canadiens, de demander
à l'Europe de nous donner encore un souffle de son apostolat et de son intellectualité.
Je crois que, dans
la recherche de ce culte de l'honneur, du dévouement et du sacrifice, même nous,
les Français de la Nouvelle-France pouvons encore apprendre quelque chose à l'autel
de la vieille patrie, dont l'évêque d'Orléans et l'évêque d'Angers nous ont parlé
hier et ce soir en des termes qui n'indiquent pas qu'ils soient les chefs spirituels
d'une nation morte (longs applaudissements). Au
culte de l'égoïsme, au culte du riche qui s'engraisse et qui dort (mouvement
dans l'auditoire). au culte du pauvre qui gronde et qui frémit, opposons le
culte des oeuvres sociales; car la foi sans les oeuvres est une foi morte, et
Pie X, le pape de l'Eucharistie, a été précédé dans les voies de la Providence
divine par Léon XIII, le pape des ouvriers (longues acclamations). II
faut veiller au salut de l'ouvrier Eminence,
vous avez admiré le spectacle de quinze mille ouvriers canadiens adorant Dieu
dans cette église et attendant de vos lèvres la parole des commandements suprêmes
qui vous a été déléguée par le Père que nous vénérons tous (applaudissements).
Nos ouvriers sont encore catholiques individuellement, mais nos unions ouvrières
ne le sont pas; et je croirais faillir à mon devoir et au rôle que j'ai assumé
ce soir si je ne disais pas à mes compatriotes qu'il est urgent de veiller au
salut des ouvriers, non seulement dans cette grande ville de Montréal, mais dans
toutes les villes de la province de Québec (acclamations). Il
ne suffit pas de dire à l'ouvrier: "Sois chrétien, sobre et laborieux, bon père
de famille et fidèle à ton patron; redoute les sociétés sans religion." Nous devons
encore obéir à la parole du Pape des ouvriers, lui donner des oeuvres pratiques
et lui prouver que la foi catholique n'est pas arriérée ni stérile; que la foi
catholique peut non seulement sauvegarder les droits de la conscience, mais encore
s'allier fructueusement à toutes les organisations modernes qui permettent au
travail de se protéger contre la tyrannie du capital. Il
faut prouver à l'ouvrier que la foi, greffée sur les organisations ouvrières,
ne les affaiblit pas, mais leur donne une âme qui les fera vivre, vivre plus longtemps
et produire des fruits plus nombreux et plus substantiels que les groupements
qui n'ont d'autre but que d'unir les ouvriers dans la revendication de leurs appétits
et la recherche d'un salaire plus élevé (acclamations). Politique
Ici encore l'Amérique
- l'Amérique de l'illustre archevêque de Saint-Paul (mouvement) comme l'Amérique
de l'éminent archevêque de Montréal - peut aller demander des leçons à l'Europe
et en particulier à ce pays où la mentalité chrétienne, même dans le domaine politique,
n'est pas morte, à ce vaillant petit pays de Belgique (applaudissements)
qui, comprimé pendant cinq siècles par les nations étrangères, a su conserver
le double trésor de sa foi et de sa pensée nationale (applaudissements).
La Belgique prouve aujourd'hui au monde entier que la profession des principes
catholiques dans le gouvernement, dans les lois, dans l'administration, n'empêche
pas un peuple d'être à la tête de la civilisation et d'offrir au monde la solution
la plus pratique et la plus efficace des problèmes ouvriers et des questions sociales
(longues acclamations). Education
Mais s'il est un
point sur lequel notre pensée doive s'arrêter particulièrement, s'il est un principe
sur lequel, catholiques de toute origine, nous devons nous unir dans une commune
résolution pratique, c'est celui de l'éducation chrétienne de nos enfants (acclamations).
Ne laissons pas pénétrer
chez nous - la brèche est déjà faite - cette notion fausse que la religion est
bonne à l'école primaire, nécessaire au collège classique qui forme les prêtres,
mais qu'elle n'a rien à faire dans l'école scientifique ou dans l'école de métiers
(acclamations prolongées). La religion fondée par le Fils du charpentier
est peut-être plus nécessaire encore à l'ouvrier qui peine et qui sue, qu'à l'aristocrate
de la pensée (longues acclamations). Oui,
conservons intact, dans cette vieille province de Québec, le seul Etat de l'Amérique
du Nord qui possède ce trésor, comme l'a si bien dit l'éloquent juge O'Sullivan
(applaudissements ) conservons intact ce trésor de l'éducation chrétienne.
qui ne consiste pas seulement dans l'enseignement concret et restreint des dogmes
théoriques de la religion - si me permettent de m'exprimer ainsi les éminents
théologiens qui m'écoutent - mais qui consiste surtout, au point de vue de la
foi pratique et vécue, dans la pénétration de toutes les sciences et de toutes
les notions humaines par l'idée religieuse, par la foi au Christ, à ses enseignements,
, à sa morale (longues acclamations). Charité
nationale Oui,
nous nous glorifions à bon droit d'avoir conservé ce trésor dans la province de
Québec; mais de même qu'il y a un instant je vous prêchais l'évangile de la charité
sociale contre le dur égoïsme de l'individu, je vous adjure maintenant de pratiquer
la charité nationale et de vaincre votre égoïsme provincial. La
province de Québec ne mériterait pas son titre de fille aînée de l'Eglise au Canada
et en Amérique si elle se désintéressait des causes catholiques des autres provinces
de la Confédération. Plénitude
des droits minoritaires Nous
avons - et permettez, Eminence, qu'au nom de mes compatriotes, je revendique pour
eux cet honneur - nous avons les premiers accordé à ceux qui ne partagent pas
nos croyances religieuses la plénitude de leur liberté dans l'éducation de leurs
enfants (applaudissements). Nous avons bien fait; mais nous avons acquis
par là le droit et le devoir de réclamer la plénitude des droits des minorités
catholiques dans toutes les provinces protestantes de la Confédération (acclamations
prolongées. L'auditoire fait à l'orateur une longue ovation). Et
à ceux qui vous diront que là où l'on est faible, là où l'on est peu nombreux,
là où l'on n'est pas riche, on ne doit pas réclamer son dû, mais le mendier à
genoux, je réponds: Catholiques du Canada, traversez les mers, abordez le sol
de la protestante Angleterre, faites revivre l'ombre majestueuse d'un Wiseman,
d'un Manning et d'un Vaughan, si dignement représentés par un Bourne (applaudissements),
et allez voir si là les minorités quémandent la charité du riche et du fort (acclamations).
Les catholiques anglais,
fiers de leur titre de catholiques et non moins fiers de leurs droits de citoyens
britanniques, réclament au nom du droit, de la justice et de la constitution,
la liberté d'enseigner à leurs enfants ce qu'ils ont appris eux-mêmes (applaudissements).
Et l'Angleterre a commencé à se convertir au catholicisme le jour où la minorité
catholique, réveillée par le mouvement d'Oxford, a cessé d'être une minorité timide
et cachée pour devenir une minorité combattive (applaudissements) . Nous
aussi, nous sommes citoyens britanniques (mouvement), nous aussi, nous
avons versé notre sang pour conserver à l'empire son unité et sa puissance, et
nous avons acquis par les traités, que dis-je? nous avons acquis par l'éternel
traité de la justice, scellé sur la montagne du Calvaire dans le sang du Christ
(acclamations), le droit d'élever des enfants catholiques sur cette terre
qui n'est anglaise aujourd'hui que parce que les catholiques l'ont défendue contre
les armes en révolte des anglo-protestants des colonies américaines (longues
acclamations). Ayant
formulé quelques-unes des déterminations que, j'espère, nous avons déjà prises
comme nation et que nous fortifierons demain en faisant cortège au Christ-Jésus,
je vous demande maintenant d'adopter avec moi une résolution d'un autre ordre.
Celle-ci n'a plus
pour objet la revendication de nos droits et de nos relations avec ceux qui ne
partagent pas nos croyances, mais l'union véritable de tous les catholiques dans
la pensée d'une commune dévotion à l'Eucharistie, à la Vierge Marie et au Pape,
que l'on a si bien définie ce soir comme les trois principaux chaînons de la foi
catholique (applaudissements). Je
remercie du fond du coeur l'éminent archevêque de Westminster d'avoir bien voulu
toucher du doigt le principal obstacle à cette union (mouvement) et d'avoir
abordé le plus inquiétant peut-être des problèmes internes de l'Eglise catholique
au Canada (mouvement). La
langue Sa Grandeur
a parlé de la question de langue. Elle nous a peint l'Amérique tout entière comme
vouée dans l'avenir à l'usage de la langue anglaise; et au nom des intérêts catholiques
elle nous a demandé de faire de cette langue l'idiome habituel dans lequel l'Evangile
serait annoncé et prêché au peuple. Ce
problème épineux rend quelque peu difficiles, sur certains points du territoire
canadien. les relations entre catholiques de langue anglaise et catholiques de
langue française (mouvement). Pourquoi ne pas l'aborder franchement, ce soir,
au pied du Christ, et en chercher la solution dans les hauteurs sublimes de la
foi, de l'espérance et de la charité (longues acclamations) ? Ce
que l'Eglise doit à l'Irlande A
ceux d'entre vous, mes frères par la langue, qui parlez parfois durement de vos
compatriotes irlandais, permettez-moi de dire que quels que puissent être les
conflits locaux, l'Eglise catholique tout entière doit à l'Irlande et à la race
irlandaise une dette que tout catholique a le devoir d'acquitter (applaudissements).
L'Irlande a donné pendant trois siècles, sous la persécution violente et devant
les tentatives plus insidieuses des époques de paix. un exemple de persévérance
dans la foi et d'esprit de corps dans la revendication de ses droits que tout
peuple catholique doit lui envier, au lieu de lui en faire reproche (applaudissements).
A ceux d'entre vous
qui disent: l'Irlandais a abandonné sa langue, c'est un renégat national: et il
veut s'en venger en nous enlevant la nôtre, je réponds: Non. Si nous avions passé
par les épreuves que l'Irlandais a subies, il y a longtemps peut-être que nous
aurions perdu notre langue (mouvement). Quoi
qu'il en soit, la langue anglaise est devenue l'idiome de l'Irlandais comme celui
de l'Ecossais. Laissons à l'un et à l'autre, comme à l'Allemand et au Ruthène,
comme aux catholiques de toutes les nations qui abordent sur cette terre hospitalière
du Canada, le droit de prier Dieu dans la langue qui est en même temps celle de
leur race, de leur pays, la langue bénie du père et de la mère (longs applaudissements).
N'arrachez à personne, ô prêtres du Christ! ce qui est le plus cher à l'homme
après le Dieu qu'il adore (applaudissements frénétiques, longues acclamations).
Soyez sans crainte,
vénérable évêque de Westminster: sur cette terre canadienne, et particulièrement
sur cette terre française de Québec, nos pasteurs, comme ils l'ont toujours fait,
prodigueront aux fils exilés de votre noble patrie comme à ceux de l'héroïque
Irlande, tous les secours de la religion dans la langue de leurs pères, soyez-en
certain (applaudissements). Mais
en même temps, permettez-moi - permettez-moi, Eminence - de revendiquer le même
droit pour mes compatriotes, pour ceux qui parlent ma langue, non seulement dans
cette province, mais partout où il y a des groupes français qui vivent à l'ombre
du drapeau britannique, du glorieux étendard étoilé, et surtout sous l'aile maternelle
de l'Eglise catholique (longues acclamations)- de l'Eglise du Christ, qui
est mort pour tous les hommes et qui n'a imposé à personne l'obligation de renier
sa race pour lui rester fidèle (l'auditoire, debout, fait à l'orateur une longue
ovntion). La
meilleure sauvegarde de la foi . . . Je
ne veux pas, par un nationalisme étroit, dire ce qui serait le contraire de ma
pensée - et ne dites pas, mes compatriotes - que l'Eglise catholique doit être
française au Canada. Non mais dites avec moi que, chez trois millions de catholiques,
descendants des premiers apôtres de la chrétienté - en Amérique, la meilleure
sauvegarde de la foi, c'est la conservation de l'idiome dans lequel, pendant trois
cents ans, ils ont adoré le Christ (acclamations). Oui,
quand le Christ était attaqué par les Iroquois, quand le Christ était renié par
les Anglais quand le Christ était combattu par tout le monde, nous l'avons confessé
et nous l'avons confessé dans notre langue (longues acclamations). Le sort
de trois millions de catholiques, j'en suis certain, ne peut être indifférent
au coeur de Pie X pas plus qu'à celui de l'éminent cardinal qui le représente
ici. Mais il y a
plus encore. Non pas parce que nous sommes supérieurs à personne, mais parce que,
dans ses décrets insondables qu'il n'appartient à personne de juger, la Providence
a voulu que le groupe principal de cette colonisation française et catholique
constituât en Amérique un coin de terre à part où l'état social, religieux et
politique se rapproche le plus de ce que l'Eglise catholique, apostolique et romaine
nous apprend être l'état le plus désirable des sociétés (applaudissements).
Nous n'avons pas au Canada - qu'on me pardonne de rompre avec les formules de
la diplomatie usitées même en des lieux comme celui-ci (mouvement) - nous
n'avons pas au Canada l'union de l'Eglise et de l'Etat: ne nous payons pas de
mots. Nous avons, dans la province de Québec la concorde, la bonne entente entre
les autorités civiles et religieuses. Il est résulté de cette concorde des lois
qui nous permettent de donner à l'Eglise catholique un organisme social et civil
qu'elle ne trouve dans aucune autre province du Canada ni dans aucune autre portion
de l'Empire britannique (applaudissements). La
petite paroisse de Québec . . . Grâce
à ces lois, nos diocèses s'organisent, nos paroisses se fondent. Oh! la petite
paroisse de Québec, échelonnée depuis le golfe de Gaspé jusqu'au lac Témiscamingue,
cette petite paroisse dont l'église au clocher joyeux est le centre, et qui faisait
dire à l'éloquent évêque de Nancy, Mgr de Forbin-Janson: "0 Canadiens français!
peuple au coeur d'or et aux clochers d'argent!" (applaudissements); cette
petite paroisse canadienne, où se concentre l'effort du plus humble comme du plus
riche des citoyens catholiques, dont l'organisation, le mode d'impôts et le fonctionnement
sont garantis par les lois de notre province c'est l'assise sociale la plus forte
de l'Eglise catholique en Amérique (longues acclamations). Nos
lois reconnaissent encore dans la province de Québec seulement, autant que l'Eglise
peut le désirer, la constitution et le libre fonctionnement des communautés religieuses.
Notre effort d'apostolat
Quel a été le résultat
de cet état social? C'est que, débarrassée des soucis matériels, n'étant pas obligée,
comme dans le reste du Canada, aux Etats-Unis et dans la plupart des autres pays,
de rechercher toutes sortes de moyens artificiels et incertains pour se constituer
civilement et socialement, l'Eglise de Québec, en repos du côté légal et matériel,
a pu donner la plénitude de son effort d'apostolat (applaudissements),
et cet effort a dépassé de bien loin le diocèse de l'archevêque de Saint-Paul
(applaudissements) De
cette petite province de Québec, de cette minuscule colonie française, dont la
langue, dit-on, est appelée à disparaître (mouvenent), sont sortis les
trois quarts du clergé de l'Amérique du Nord, qui est venu puiser au séminaire
de Québec ou à Saint-Sulpice la science et la vertu qui ornent aujourd'hui le
clergé de la grande république américaine, et le clergé de langue anglaise aussi
bien que le clergé de langue française du Canada (longs applaudissements).
Apôtres de l'Amérique
du Nord Eminence,
vous avez visité nos communautés religieuses, vous êtes allé chercher dans les
couvents, dans les hôpitaux et dans les collèges de Montréal la preuve de la foi
et des oeuvres du peuple canadien-français. Il vous faudrait rester deux ans en
Amérique, franchir cinq mille kilomètres de pays, depuis le Cap-Breton jusqu'à
la Colombie-Anglaise, et visiter la moitié de la glorieuse république américaine
- partout où la foi doit s'annoncer, partout où la charité catholique peut s'exercer
pour retracer les fondations de toutes sortes - collèges. couvents: hôpitaux,
asiles - filles de ces institutions-mères que vous avez visitées ici (longs
applaudissements). Faut-il en conclure que les Canadiens français ont été
plus zélés, plus apostoliques que les autres. Non, mais la Providence a voulu
qu'ils soient les apôtres de l'Amérique du Nord (acclamations). Que
l'on se garde, oui, que l'on se garde avec soin d'éteindre ce foyer intense de
lumière qui éclaire tout un continent depuis trois siècles; que l'on se garde
de tarir cette source de charité qui va partout consoler les pauvres, soigner
les malades, soulager les infirmes, recueillir les malheureux et faire aimer l'Eglise
de Dieu, le pape et les évêques de toutes langues et de toutes races (acclamations
prolongées). Nous
ne sommes qu'une poignée "Mais, dira-t-on, vous n'êtes qu'une poignée; vous
êtes fatalement destinés à disparaître; pourquoi vous obstiner dans la lutte"
(mouvement)? Nous ne sommes qu'une poignée, c'est vrai; mais ce n'est pas
à l'école du Christ que j'ai appris à compter le droit et les forces rnorGles
d'après le nombre et par les richesses (longues acclamations). Nous ne
sommes qu'une poignée, c'est vrai; mais nous comptons pour ce que nous sommes,
et nous avons le droit de vivre (ovation). Douze
apôtres, méprisés en leur temps par tout ce qu'il y avait de riche, d'influent
et d'instruit, ont conquis le monde (applaudissements). Je ne dis pas:
Laissez les Canadiens français conquérir l'Amérique. Ils ne le demandent pas.
Nous vous disons simplement: Laissez-nous notre place au foyer de l'Eglise et
faire notre part de travail pour assurer son triomphe (acclamations). Rédemption
Après la mort du
Christ, saint Pierre voulut un jour marquer la supériorité des Hébreux sur les
Gentils. Saint Paul, l'apôtre des nations, lui rappela qu'il devait être le père
de toutes les races, de toutes les langues. Le pape le comprit; et depuis dix-neuf
cents ans, il n'y a pas eu de pape hébreux, de pape romain, de pape italien, de
pape français, mais le Pape, père de toute la grande famille catholique (longues
acclamations). Montons
plus haut, montons jusqu'au Calvaire, et là, sur cette petite montagne de Judée,
qui n'était pas bien haute dans le monde, apprenons la leçon de la tolérance et
de la vraie charité chrétienne (applaudissements). Les
peuples de l'antiquité, dans l'attente du salut, montèrent jusqu'au Christ, pour
en recevoir le mot de la rédemption éternelle. Depuis le Christ, toutes les races
et toutes les nations, lavant dans son sang leurs préjugés, doivent s'unir pour
constituer son Eglise. Que dans le Christ et dans l'amour commun de l'Eucharistie,
toutes les races du Canada, ayant appris à respecter le domaine particulier de
chacune, à conserver à chacune les forces d'expansion nationales qui lui sont
propres, sachent enfin s'unir étroitement pour la gloire. de l'Eglise universelle,
pour le triomphe du Christ et de la papauté (applaudissements); et, ajouterai-je
en terminant, pour la sécurité de l'Empire britannique, car c'est dans l'unité
de foi des catholiques canadiens, des Canadiens français surtout, que l'Empire
britannique trouvera, dans l'avenir, comme dans le passé, la garantie la plus
certaine de sa puissance au Canada (longue ovation). Source:
Henri BOURASSA, ‘Le Discours de Notre-Dame au Congrès Eucharistique de 1910’ in
Hommage à Bourassa, Montréal, Le Devoir, 1952, 215p., pp. 108-114. |