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revised: 23 August 2000 | Documents
sur le libéralisme, l'Église catholique et les élections / Documents on the Catholic
Church, Liberalism and elections, 1875
Circulaire
des évêques de la Province de Québec au clergé de la dite province (élections
et influence indue) 22
Septembre 1875. Messieurs, Après
avoir adressé aux Fidèles qui Nous sont confiés, les instructions et les avis
que nécessitent les circonstances où nous nous trouvons, Nous croyons de notre
devoir de donner aussi au clergé des règles de conduite qui puissent le diriger
au milieu des difficultés de l'heure présente. Avant
tout, Nous insisterons sur l'union qui doit régner entre tous les membres de l'ordre
sacerdotal. Cette harmonie fera notre force dans l'avenir comme elle l'a faite
par le passé. C'est à elle que le Clergé doit en grande partie la salutaire influence
qu'il exerce sur le peuple. Unis tous ensemble de coeur et d'esprit, de sentiments
et de pensées, sous la direction de leurs chefs, les prêtres forment comme un
tout complet, homogène et indivisible, comme une phalange impénétrable et invincible
; « ut castrorum acies ordinata » (Cant. VI. 9.). Dans la véritable Église
seule peut ainsi exister, non seulement l'unité de foi, mais encore l'unité de
discipline : « Observantia enim haec indubia est tessera filiorum Ecclesiae
» nous dit l'immortel Pie IX. Cette belle union seule donne à l'Église la
puissance de repousser la fureur, la ruse et l'audace de ses ennemis : ipsa constituit
inexpugnabilem vim illam unitatis, quae sola retundere potest osorum illius furorem,
dolum, audaciam. » Voilà aussi pourquoi l'Apôtre Saint Paul nous dit : Quod
si invicem mordetis et comeditis, videte ne ab invicem consumamini (Gal. V.
15.). Ah ! Messieurs, les adversaires
du Clergé et de la Religion l'ont bien compris partout, ici comme ailleurs ; aussi
ont-ils concentré tous leurs efforts pour diviser les esprits, pour rompre l'unité,
et affaiblir ainsi des forces, qui toutes de concert devraient être dirigées contre
l'ennemi commun: «dissociantanimos, unitatem discerpunt, viresque conjunctim
opponendas adversariis infirmant.» Et le moyen le plus direct, le plus assuré,
qu'ils adoptent pour opérer cette malheureuse, cette désastreuse division, dans
les rangs du Clergé, c'est de briser d'abord les liens qui unissent les peuples
aux Évêques, pour essayer ensuite de relâcher ceux qui unissent les Évêques au
Vicaire de Jésus-Christ : « omnes Ecclesiae hostium machinationes eo spectant,
ut... vincula frangant quae populos Episcopis, Episcopos devinciunt Christi Vicario.
» Prenons garde, Messieurs, que quelques-uns
de notre corps, sous des prétextes plus ou moins spécieux, ne viennent à seconder
les desseins perfides de nos habiles ennemis, en leur tendant une main amie ;
« amicam eis manum porrigerent, » en se séparant de leurs confrères et
de leurs supérieurs. Toute maison divisée contre elle-même ne subsistera point,
nous dit le divin Maître ; omnis...domus divisa contra se non stabit »
(S. Matthieu, 22 XII. 25.). Qu'au contraire, tous les membres de la sainte tribu
dans chaque diocèse se serrent autour de leur Évêque ; qu'ils acceptent son commandement
et marchent à sa suite. « Obedite praepositis vestris et subjacete eis (Hébr.
XIII. 17.). A cette docilité filiale
vous joindrez constamment le respect : ce sont deux devoirs inséparables. (« Promittis
mihi reverentiam » et obedientiam ? Promitto. » (Pontifical) Quelque
soit l'âge, quelle que soit la science, quelle que soit la capacité d'un prêtre,
jamais il ne lui est permis de se substituer à ses supérieurs ecclésiastiques,
pour guider soit le Clergé, soit les fidèles, d'ériger, pour ainsi dire, chaire
contre chaire, de critiquer, de censurer, de juger les actes ou les documents
épiscopaux, et d'accoutumer ainsi le peuple à en faire peu de cas, à les soumettre
lui-même à son jugement privé. Jamais les talents ni les connaissances ne donnent
droit de mépriser l'autorité légitime des Premiers Pasteurs : l'orgueil seul peut
inspirer ce sentiment de supériorité sur ceux qui ont reçu d'en haut la mission
et la grâce pour gouverner l'Église de Dieu : « inflatosque superbiae vento
prudentiores se illo » censere cui peculiare et perenne promissum fuit
divinum auxilium. » L'effet naturel de ces critiques est d'ébranler le salutaire
pouvoir de l'épiscopat, et d'amener une déplorable anarchie; Ubi non
est gubernator, populus corruet. (Prov. XI. 14.) Car d'après Saint Cyprien,
il n'y a qu'un épiscopat, partagé entre différents membres, dont chacun possède
solidairement une partie: « Episcopatus » unus est, cujus a singulis
in solidum pars tenetur ( De unitate Ecclesiae.). D'ailleurs,
Messieurs, si nous traçons aux écrivains laïques les règles à observer dans les
polémiques, les prêtres pourraient-ils s'en croire affranchis ? Si nous rappelons
au peuple l'obligation qu'il a de se soumettre à l'enseignement de ses pasteurs
dans toutes les choses qui concernent directement ou indirectement la morale,
la conscience, et par conséquent la Religion, soit dans sa vie privée, soit dans
sa vie publique ; ne devons-nous pas à plus forte raison exiger de nos prêtres
la même soumission, la même déférence pour nos jugements et décisions? N'avons-nous
pas même plus de motifs de leur dire : Défiez-vous des candidats et des partis
qui, par leurs chefs, leurs journaux, leurs amis, soutiennent des principes et
des doctrines condamnés par l'Église - et dangereux à la société? Ce sont souvent
des ennemis cachés : ils déguisent leurs tendances aussi longtemps que leur intérêt
l'exige ; ils se démasquent dès qu'ils croient pouvoir le faire impunément. Ces
adversaires de la Religion, qui cependant prétendent au titre de catholiques,
sont les mêmes partout : ils flattent ceux de ses ministres qu'ils espèrent gagner
à leur cause; ils injurient, ils outragent les prêtres qui dénoncent ou qui combattent
leurs desseins pervers. Ils les accusent d'exercer une influence indue, de convertir
la chaire de vérité en tribune politique; ils osent quelquefois les traîner devant
les tribunaux civils pour rendre compte de certaines fonctions de leur ministère,
ils chercheront même peut-être à les forcer d'accorder la sépulture chrétienne
en dépit de l'autorité ecclésiastique. En
présence de semblables menaces, plusieurs d'entre vous, Messieurs, Nous ont demandé
de leur tracer une ligne de conduite. Elle est clairement indiquée par les règles
canoniques. 1. Un prêtre, accusé d'avoir
exercé une infuence indue dans une élection pour avoir rempli quelque fonction
ou donné des avis ou des conseils, comme prédicateur, confesseur ou pasteur, et
cité pour cela en justice, devrait récuser respectueusement, mais fermement, la
compétence du tribunal civil, et invoquer le recours au tribunal ecclésiastique. 2.
Un prêtre qui, ayant suivi exactement les décrets des Conciles Provinciaux et
les Ordonnances de son Êvêque, serait néanmoins condamné pour influence indue
par le tribunal civil, devrait souffrir patiemment cette persécution, par
amour pour la sainte Église. Avant de
terminer cette circulaire, Nous pensons à propos de vous répéter, Messieurs, les
sages prescriptions du IXe décret du Quatrième Concile de Québec. Dans les circonstances
ordinaires, bornez-vous à développer à votre peuple les règles générales qui doivent
le guider dans les élections : « nec ultra procedant in circumstantiis consuctis.
» Sil se présente quelques circonstances particulières ou extraordinaires,
ayez bien soin de ne rien dire, de ne rien faire, sans avoir consulté votre Évêque
: nec quidquam moliantur inconsulto Episcopo. Dans
notre pastorale nous insistons fortement sur les droits des membres du clergé
comme citoyens, parce que leurs ennemis veulent les leur dénier pour leur fermer
la bouche en tout temps; mais l'exercice de ces droits, comme de beaucoup d'autres,
se trouve nécessairement restreint par les règles que vous imposent vos supérieurs
ecclésiastiques, à qui seuls il appartient de juger jusqu'à quel point il est
opportun d'en user. Le décret du Quatrième Concile de Québec est bien clair et
bien formel sur ce sujet. Notre pastorale
expose également en quel cas le prêtre peut et doit élever la voix, non seulement
comme citoyen, mais aussi comme ministre de la religion : nous croyons utile de
vous faire remarquer que, même dans ces circonstances, vous devez avant tout prendre
l'avis et l'ordre de votre Évêque, car ces questions sont toujours de la plus
grande importance et elles tombent a fortiori sous la restriction imposée
par notre Quatrième Concile. Les difficultés
actuelles doivent aussi faire sentir à chacun de vous l'importance des recommandations
contenues dans le XVIIIe décret de notre Cinquième Concile : « illud decretum
(le précédent) prudenter, breviter, clare et praevia matura praeparatione,
et dum animi quieti sunt, suis ovibus explicent antequam de electionibus faciendis
agatur. » S'il est nécessaire de
mettre les fidèles en garde contre les mauvaises doctrines sociales et religieuses,
et de les instruire des vrais principes, aussi bien que des devoirs imposés à
leur conscience, pour le choix d'un candidat et le vote qu'ils ont à donner; d'un
autre côté, il est aisé de comprendre qu'il faut s'abstenir de traiter en chaire
des questions purement temporelles et profanes, et d'y adresser des injures ou
des personnalités à qui que ce soit, comme le dit notre Premier Concile dans les
avis qu'il donne aux prédicateurs. (Décret XV, No 8.) Ordinairement
même il convient à un prêtre de ne pas se mêler activement aux luttes de partis
: sa considération et son caractère seraient exposés à n'y rien gagner. Bien plus,
quand, à raison des principes, des antécédents on des alliances compromettantes
de quelque candidat; il sera obligé de se prononcer dans l'intérêt de la religion
et de la patrie, sa parole aura beaucoup plus de poids et d'autorité, s'il ne
l'à pas prodiguée inutilement. Puissent,
Messieurs, ces avertissements paternels, ces directions que notre charge pastorale
Nous engage à vous adresser, contribuer à rétablir complètement cet esprit de
corps, cette union de famille, qui a toujours distingué le Clergé Canadien, cette
uniformité de parole et d'action qui lui a permis de rendre à notre cher pays
des services si nombreux ! Puissiez-vous tous n'avoir qu'un coeur et qu'une âme
avec vos Évêques, comme vos Évêques sont étroitement unis entre eux et avec le
Chef Suprême de l'Église, par une parfaite communauté de vues et de sentiments
! C'est dans cet espoir que Nous vous
bénissons affectueusement ainsi que les Fidèles confiés à vos soins.
E.- A., Arch. de Québec. IG., Év. de Montréal. L. F.,
Év. des Trois-Rivières. JEAN, Év. de St-G. de Rimouski.
E.-C., Év. de Gratianopolis. ANTOINE, Év. de Sherbrooke.
J. THOMAS, Év. d'Ottawa. L.-Z. Moreau, ptre, adm. de Saint-Hyacinthe. Source:
Mgr H. Têtu et l'abbé C.-O. Gagnon, Mandements, Lettres pastorales et Circulaires
des Évêques de Québec. Nouvelle Série. Son Éminence le cardinal Taschereau.
Volume premier, Québec, Imprimerie Générale A. Côté et Cie, 1889, 570p., pp.
336-341. © 2000 Claude
Bélanger, Marianopolis College ©
1999 Claude Bélanger, Marianopolis College |