Quebec History Marianopolis College


Date Published:
Novembre 2013

L’Encyclopédie de l’histoire du Québec / The Quebec History Encyclopedia

 

Madeleine
Madame Wilfrid Huguenin
(née Anne-Marie Gleason)

 

En littérature : Madeleine

Née à Rimouski du mariage de John Gleason, avocat, et de Eugénie Garon, elle fit toutes ses études chez les Soeurs de la Charité, d'abord en leur couvent de la Malbaie, sa petite patrie d'adoption, puis en leur pensionnat de Rimouski. Au couvent déjà, ses goûts littéraires s'étaient manifestés, et à sa sortie, alors qu'elle n'avait encore que quinze ans, elle correspondit sous divers pseudonymes au Monde Illustré, la revue la plus hospitalière de l'époque, ainsi qu'au Courrier de Rimouski, journal local qui vécut juste assez de temps pour donner l'essor à notre future journaliste.

Elle avait perdu sa mère au berceau et après la mort de son père, elle et sa soeur rejoignirent leur frère à Ottawa où M. Flavien Moffet utilisa ses services au Temps dont il était directeur, et la forma à tous les genres de rédaction. En 1900, l'honorable Israël Tarte lui confia les pages féminines de La Patrie où elle remplaçait Françoise qui venait de démissionner. Madeleine y créa le Royaume des femmes dont elle fut la reine incontestée pendant dix-neuf ans alors qu'elle quitta La Patrie afin de fonder La Revue Moderne dont elle fit un périodique à l'esprit français et d'un intérêt exceptionnel.

Elle écrivit deux levers de rideau qui connurent le grand succès. L'adieu du poète qui fut joué plus d'un mois au théâtre National, la grande scène française du temps, et qui était une sorte de réhabilitation de la mémoire de Crémazie; le second, En pleine gloire eut l'insigne honneur d'être joué pour la première fois à un gala artistique organisé en l'honneur du passage au Canada du général Pau. Admirablement interprétée par Becman, Dhavrol et Mme Blanche David, cette pièce connut le grand triomphe. Le général Pau donna lui-même le signal des applaudissements et réclama l'auteur. Madeleine reçut une véritable ovation de l'auditoire d'élite qui assistait à ce gala. Elle fut couverte de fleurs en reconnaissance de la fierté des sentiments canadiens-français qui jaillissaient de cette émouvante pièce. Nous ne croyons pas qu'un auteur ait connu, chez nous, succès plus fervent, plus complet, plus enthousiaste.

Anne-Marie Gleason avait épousé, en 1904, le docteur Wilfrid Huguenin, de descendance française et bretonne, et qui apporta sans cesse à sa femme une aide discrète, allégeant ainsi le fardeau des tâches innombrables que sa vaillante compagne acceptait de remplir. M. et Mme Huguenin n'eurent qu'une fille, remarquable, malgré le peu d'années qu'elle vécut. Ceux qui l'ont connue évoquent encore sa beauté, son charme, son esprit. Le Dr Huguenin mourut en octobre 1924 et la jeune Madeleine partit à son tour à l'aurore de ses vingt ans. Il sembla bien que la mère ne pourrait jamais s'en consoler. Ce fut un deuil bien lourd dont Madeleine, par le travail, dompta l'écrasant poids. Le travail seul pouvait la sauver du désespoir, elle n'y eut pas en vain recours. Après avoir publié successivement plusieurs volumes, elle entreprit de tracer l'histoire de la femme de son pays, elle compila une galerie de femmes canadiennes. La première édition de ces Portraits de femmes connut le grand succès. L'auteur, en le relisant, sentit qu'il y manquait les femmes d'autrefois et elle a recueilli d'archivistes de réputation, des documents précieux qui lui permettent de reconstituer un peu de notre glorieux passé et elle écrivit son tome II à l'intention de la gente écolière.

Madeleine Gleason-Huguenin, a voulu, par une nouvelle édition, apprendre à la jeunesse de son pays, la part courageuse que les femmes avaient prise dans la création du Canada. Elle a apporté ce travail une grande ténacité — la ténacité, la persévérance, la foi sont les caractéristiques de cette grande dame — héritée sans doute de deux fières races : ascendants écossais et français. Il n'est pas étonnant qu'elle ait toujours su mener les bons combats avec ardeur et loyauté. D'ailleurs, mieux que nous, avec tellement plus d'autorité, l'honorable sénateur Raoul Dandurand, membre de l'Institut de France, fondateur du Collège Stanislas à Outremont, Montréal, notre grand gentilhomme patriote, ajoute ailleurs à ce précis biographique le portrait de Madeleine qu'il connaît depuis ses débuts dans la vie montréalaise.

Source : Les éditeurs, Portraits de femmes, éditions de La Patrie, 1938, 192p., pp. 106-107.

 

Madame W. HUGUENIN
Femme de lettres.

 

Anne-Marie Gleason. journaliste et femme de lettres, est née à Rimouski, du mariage de feu John Gleason, avocat, et de Eugénie Garon, fille du notaire Garon, premier député libéral de Rimouski. M. Gleason était l'un des avocats les plus distingués de sa génération. La mère de Madame Huguenin était un écrivain délicat et de grand talent. Nous pouvons dire que notre femme de lettres trouva dans son berceau, précieux héritage, ce talent profond, discret et sûr, qui la place au premier rang des auteurs canadiens-français.

Mademoiselle Gleason donna ses premiers articles au Courrier de Rimouski, alors qu'elle n'avait pas vingt ans. Ces articles furent remarqués, et lui valurent d'être appelée à Ottawa. où commence sa vie de journalisme. Quelques mois plus tard, elle entra à la Patrie sur la demande de l'hon. M. Israël Tarte, qu'avait conquis son talent gracieux et spirituel. Il fallait à celle qui remplaçait Françoise à la chronique féminine, un talent peu banal et un tact bien sensible pour se faire accepter et aimer des lecteurs de la Patrie. Madeleine y atteignit du premier coup, et depuis, les succès s'ajoutèrent aux succès, sans que notre femme de lettres en conçut de l'orgueil ou de la prétention. Toute simple, accueillante et aimable, de cette amabilité que donne la vraie bonté, Madeleine comprend toutes les misères, excuse toutes les faiblesses, soulage toutes les détresses. De la plume, mais plus encore de l'exemple, elle se prodigue sans relâche aux oeuvres de charité et d'éducation.

A la présidence de la section française de la Croix Rouge, au secrétariat de L'Aide à la France, dans les oeuvres belges, elle dépensa son temps et son énergie, sans pour cela négliger les oeuvres du pays qui lui étaient chères par-dessus tout. Nous trouvons Madame Huguenin, à la vice-présidence de l'hôpital Notre-Dame, parmi les patronnesses de l'Assis¬tance Maternelle, de l'hôpital Ste-Justine, des Sourdes-Muettes, etc. Les questions publiques l'intéressent et là se manifeste son esprit indépendant, son jugement juste et quelquefois sa témérité. Mais si fortement qu'elle discute, elle reste toujours entièrement et délicieusement féminine.

Le gouvernement français a décoré trois fois, cette vaillante Canadienne-française : en 1910, des Palmes Académiques, en 1916, de l'instruction Publique, et en 1920, de la Reconnaissance Française. Madeleine a aussi reçu la Recon¬naissance Belge de Sa Majesté le Roi Albert, en 1921.

En 1919. Mme Huguenin quittait la Patrie pour fonder la Revue Moderne, la revue la plus littéraire et la plus artistique du Canada français. Cette revue fut accueillie avec enthousiasme, et son succès va toujours croissant.

Madeleine a épousé, en 1904, l'un de nos Montréalais les plus justement estimés, M. le docteur Wilfrid Huguenin, qui seconde admirablement sa femme dans la direction de La Revue Moderne et l'aide dans ses oeuvres charitables et sociales. De leur mariage est née, en 1905, une fille, Madeleine.

Madame Huguenin a donné aux Lettres Canadiennes, outre ses nombreux articles de journaux et de revues, trois oeuvres : Premier Péché, Le Long du Chemin et En Pleine Gloire.

Source : Raphael OUIMET, « Madame W. Huguenin », dans Biographies canadiennes-françaises, Montréal, 1922, 576p., pp. 40-41.

[Note de l'éditeur : Anne-Marie Gleason est née le 5 octobre 1875; elle est décédée le 21 octobre 1943. En 1913, elle participe à la fondation de la Bonne parole – Organe d'information de la Fédération nationale de la Société Saint-Jean-Baptiste. Au cours de sa carrière, elle aurait signé plus de 3,000 chroniques. Kenneth Landry écrit qu'elle était la « reine incontestée du royaume de la chronique féminine ». On peut considérer la fondation de la Revue moderne comme son plus grand succès. Loin d'être une « revue anémique » – comme la qualifiait Lionel Groulx au plus fort de la querelle sur l'Appel de la Race –, elle avait réuni autour de la revue plus d'une centaine de collaborateurs; son tirage passa rapidement de 25,00 à 39,000, soit plus de dix fois le tirage de l'Action française. Madeleine a pris sa retraite en 1930 bien qu'elle publia ensuite ses Portraits de femmes, La Patrie, 1938, 192p.]

Documents par Madeleine

MADELEINE [pseudonyme de madame Wilfrid-A. HUGUENIN], « Les injures n'ont jamais rien prouvé ... », dans La revue moderne, février 1923, p. 7.

Études sur Madeleine et ses écrits

BOIVIN, Aurélien et Kenneth LANDRY, « Françoise et Madeleine, pionnières du journalisme féminin au Québec », dans Voix et images, Vol. 4, No 2, 1978, pp. 233-243.

HÉBERT, Karine, «Une organisation maternaliste au Québec la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et la bataille pour le vote des femmes », dans Revue d'histoire de l'Amérique française, Vol. 52, No 3, 1999, pp. 315-344.

PLEAU, Jean-Christian, « La Revue moderne et le nationalisme, 1919-1920 », dans Mens, Vol. 6, No 2, printemps 2006, pp. 205-237.

 

 
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